A Sarran, le Musée Jacques-Chirac s'élargit aux autres présidents
Jouer la carte de la pédagogie républicaine, en éclairant les grands chefs d’État de la Ve République, mais aussi, pierre de touche du Musée Jacques-Chirac, incarner la fonction et les profils de tous les présidents qui se sont succédé depuis la Constitution de 1958. Avec la nouvelle saison muséale qui s’ouvre à Sarran, la structure ajoute avec une belle inspiration un « s » aux présidents qu’il incarne désormais, au-delà de la figure centrale de Jacques Chirac.
Une mutation en forme d’ouverture amorcée l’an dernier, avec cet épicentre des dirigeants de la France reconstitué : le bureau de l’Élysée. À cette pièce et ce mobilier à haute valeur symbolique s’ajoute, pour cette nouvelle saison au musée, la Galerie présidentielle.La salle du bureau des présidents s'est enrichie d'objets et de portraits.
Depuis 1958 et jusqu’à aujourd’hui, les huit figures présidentielles s’y succèdent. Et avec elles, un style, une conception de la France et de sa résonance avec le monde. Pour incarner ces relations internationales, le Musée du président Jacques-Chirac est resté sur ses fondamentaux. Jouer la carte de la métonymie pour, grâce à une foule d’objets, dire les hommes illustres qui ont incarné la plus haute fonction de l’État.
Le passé à la lumière des présents diplomatiquesÀ travers d’autres objets, les cadeaux reçus lors de leurs multiples déplacements de par le monde, incarner le dialogue diplomatique entre les pays. Quarante présents offerts aux présidents de la Ve, dans un éclectisme qui frôle parfois le kitsch, disent le souci de sceller des relations d’amitié. Ici, un antique vase du Vietnam offert à François Hollande en 2013 ; un peu plus loin, un « kabuto », casque de samouraï reçu par le général de Gaulle en 1960 ; dans une vitrine voisine, deux statues de léopards expriment les égards du président du Bénin Thomas Boni Yayi, en 2010, envers son homologue français d’alors, Nicolas Sarkozy.
« C’est le seul endroit du monde où, via leurs cadeaux, les chefs d’État du monde entier dialoguent », relève Catherine Combrouze, directrice du musée, qui se réfère au passage à l’actualité dramatique entre Israël et les territoires palestiniens. Comme le thème choisi cette nouvelle saison pour l’exposition temporaire (lire ci-dessous), les collections se veulent ouvertes sur le lointain. « Poursuivre l’ambition chère à Jacques Chirac du mélange des cultures », explique la responsable du musée.Une paire de santiags offerte à Jacques Chirac par Bill Clinton.
Les politiques des différents présidents et leur écho tant sociétal qu’en termes de politique extérieure trouvent également une illustration sur plusieurs espaces de la nouvelle galerie. Une frise chronologique propose par exemple les mesures emblématiques des mandats successifs : l’affirmation de l’indépendance diplomatique, stratégique et industrielle dans le monde assumée par de Gaulle, la première ligne LGV entre Lyon et Paris par Pompidou, la dépénalisation de l’avortement sous Giscard d’Estaing, l’abolition de la peine de mort avec Mitterrand, le véto de la France à l’ONU pour autoriser la guerre contre l’Irak annoncé par Chirac, le mariage pour tous sous Hollande…
Aux protocoles et panorama des prérogatives institutionnelles répondent des éclairages plus intimistes, dans les vitrines de la salle du bureau des présidents. L’on y découvre notamment toute une collection de petites voitures qui occupaient le bureau de François Hollande tout comme, signe d’une ruralité revendiquée, une cloche à bétail en bois avec laquelle Jacques Chirac se plaisait à rappeler à l’ordre ses collaborateurs dissipés !
153 objets de toute l'Afrique Noire composent un voyage sensible de formes et de couleurs.
Expo temporaire "Bijoux d'Afrique, le langage des formes". « Ça lui aurait beaucoup plu à Jacques… » Devant les colliers, parures, bracelets, bagues… issus de toute l’Afrique Noire, Claude Chirac souligne l’affection toute particulière que son père nourrissait à l’égard de l’art africain. Jusqu’au 24 novembre, 153 objets hérités des siècles, originaires du Sénégal, du Bénin, du Mali, du Niger, d’Éthiopie… ornent le vaste espace inférieur du musée. Une exposition de toute beauté à ne manquer sous aucun prétexte, issue d’un fonds privé patiemment conçu par un couple de passionnés durant une cinquantaine d’années. Le cuivre des Dogons s’y mêle à l’ambre des Peuhls pour le plaisir des yeux. Un voyage immobile et fascinant à travers le temps sur le continent noir.
Julien Bachellerie