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Май
2024

Dua Lipa : “‘Radical Optimism’, c’est la liberté du Summer of Love”

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On l’attendait de pied ferme sur le dancefloor. “Radical Optimism”, le troisième album de Dua Lipa, drivé par l’incontournable Kevin Parker à la production, s’annonce comme l’album pop de l’année. Une collection de tubes solaires, parfaits pour chanter à tue-tête et danser sur la plage, en forme de bande-son idéale pour affronter l’été brûlant qui arrive.

En une dizaine d’années de carrière, une révélation avec un premier album pop, Bubblegum, puis une confirmation avec le très club Future Nostalgia, la Britannique Dua Lipa, nouvelle égérie des dancefloors, a dessiné soigneusement les contours de la pop star des années 2020. Un grand mix entre la chanteuse, l’influenceuse (88 millions d’abonné·es sur Insta), la fashionista, l’égérie (pour Saint Laurent entre autres), l’actrice, la féministe et l’intello (à travers son site Service95 où elle partage son goût pour la littérature).

Devenue une habituée des tabloïds et des raouts VIP où chacun de ses changements de look, comme de partenaire, est guetté avec minutie pour alimenter la machine à clics, à tue et à toi avec Madonna, Elton John ou Megan Thee Stallion, Dua Lipa franchit une étape décisive avec Radical Optimism. Un troisième album où, décidée à élargir son univers club vers un son plus pop et psychédélique, la future diva a rassemblé autour d’elle Kevin Parker de Tame Impala (décidément sur tous les bons coups ces derniers mois), Danny L Harle, le jeune producteur anglais sur qui tous les yeux sont rivés, et ses vieux compères du début, Caroline Ailin et Tobias Jesso Jr.. Une bande de jeunes en folie réuni·es à Malibu, dans un lieu idéalement situé entre le studio d’enregistrement et le resort, qui transpire la moiteur et le farniente de l’été. Tous les sillons du disque, en particulier le morceau Anything for Love, s’en font l’écho.

Précédé par Houdini et Training Season, deux petits bijoux de dance-pop parfaitement ciselés, et tout récemment Illusion, où Dua modèle avec brio les contours de sa version du psychédélisme, Radical Optimism ouvre Dua Lipa à d’autres territoires, plus organiques mais aussi mainstream. Un bouquet de power-pop dansante et ensoleillée, où l’électronique et l’acoustique s’embrassent à qui mieux mieux, dans lequel les torch songs tonitruantes succèdent à des ballades plus intimes au piano, et à travers lequel Dua distille des clins d’œil au flamenco comme au funk psyché de Sly & The Family Stone. Un album qui devrait logiquement la propulser dans les étoiles.

Si vous aviez à décrire ce troisième album ?

Dua Lipa – C’est un nouvel univers musical qui s’ouvre à moi. Le son est plus organique, et plus honnête, je dirais. C’est aussi un disque plus mature, j’ai beaucoup évolué en tant qu’artiste et autrice-compositrice. Musicalement, il est très psychédélique, tout en abordant les thèmes de la persévérance et de la résilience. Le message principal est que, quand les choses ne se passent pas vraiment comme prévu, il faut continuer tout simplement à avancer.

C’est pour cette raison que vous l’avez appelé Radical Optimism ?

Je pense vraiment qu’aborder la vie de manière positive est essentiel. Fatalement, les gens vont vous décevoir. Certains événements de la vie, et tout ce qui se passe en ce moment dans le monde, tout ça est encore plus déprimant. Mais, il est primordial de cultiver une énergie positive, c’est tellement bénéfique pour la santé mentale et, surtout, ça aide à rester fort malgré l’adversité.

Cet “optimisme radical” correspond à un changement dans votre vie ?

Oui, mais tout simplement parce que j’ai grandi ! Traverser différentes étapes de son existence, aimer des gens, en quitter d’autres, et en prendre conscience, ce sont des expériences, bonnes ou mauvaises d’ailleurs, dont on ne peut que tirer des leçons.

Cet optimisme est doublé d’un sens de l’humour certain, à l’image de la pochette de l’album, qui vous voit dans l’eau, tout sourire, alors qu’un requin rôde à quelques centimètres.

En vérité, c’est quelque chose qui s’est produit totalement par accident alors que nous étions en train de tourner une vidéo, et notre réaction a été, avec toute l’équipe, de rester très calmes. Quand on a commencé à réfléchir sur la manière d’illustrer ce concept “d’optimisme radical” et sa signification, rester gracieuse et calme au milieu du chaos ou lorsque les choses ne se déroulent pas de la manière dont vous l’aviez envisagé, cette image s’est imposée. C’est la manière dont vous traversez le feu, pas le feu en lui-même, qui est le plus important. Moi, sereine dans des eaux dangereuses, reflète exactement ce qu’évoque l’album. 

C’est votre manière d’aborder la vie ?

J’aimerais penser que oui [rires].

Quand vous avez commencé à travailler sur cet album, vous saviez où vous vouliez arriver ?

La tonalité du disque s’est mise en place progressivement, je devais d’abord être dans un état d’esprit créatif. Quand je m’attelle à un nouveau disque, je travaille toujours selon le même principe, en me demandant de quelle manière je vais pouvoir repousser mes limites. Comment je vais pouvoir grandir avec ma musique ? Comment je peux évoluer et me transformer ? Tout en passant ces différentes interrogations à travers un filtre pop. Mon processus créatif prend toujours du temps pour se mettre en route. La vérité, c’est que j’ai passé plus d’une année à écrire et composer tous les jours, jusqu’à ce que j’arrive à un certain point d’équilibre. Illusion a été la première chanson où je me suis dit : “Je sais maintenant dans quelle direction je veux aller.”

Ce morceau semble indiquer une nouvelle étape de votre carrière ?

Oui, c’est nouveau pour moi, les influences, la touche “club”, sont bien là, c’est quelque chose que j’ai déjà expérimenté sur mes précédents disques, mais c’est aussi différent, les morceaux sont plus organiques. J’adore cette nouvelle direction, pour avoir passé énormément de temps en tournée en 2022, j’ai pris goût aux versions live de mes titres et je souhaitais apporter cette sensation et cette énergie dans mon nouvel album.

Comment avez-vous choisi les artistes qui collaborent à cet album ?

C’est un mélange d’amis et de personnes avec lesquelles je rêve de travailler depuis longtemps. Un mélange de gens très énergiques et avec de forts caractères. Il y a Caroline Ailin et Tobias Jesso Jr. avec qui j’ai déjà collaboré. Danny L Harle, que j’admire, était dans mon radar depuis un moment et quelqu’un nous a présenté lors d’une soirée en disant : “Tiens, je te présente Danny, il est consultant en rave.” Ce à quoi j’ai répondu : “Parfait, c’est exactement ce dont j’ai besoin pour mon nouvel album !”

C’est un job de rêve !

[Rires] Oui, un boulot parfait qui m’irait parfaitement d’ailleurs ! Et puis, il y avait aussi Kevin Parker avec qui je rêve de collaborer depuis de nombreuses années, parce que je suis fan number one de Tame Impala. On l’a contacté, il était partant, et le premier jour où on a commencé à répéter ensemble on a composé Illusion, le lendemain Happy for You, le jour d’après What You’re Doing. Cette semaine d’écriture a été si fructueuse qu’on s’est dit : “Vu que ça marche si bien et qu’on s’amuse autant, pourquoi ne pas continuer sur notre lancée et passer plus de temps ensemble ?”

“Nous étions en roue libre, on faisait de la musique, on expérimentait, on s’amusait, on allait là où la musique nous guidait”

Vous dites vouloir explorer la pop psychédélique avec cet album. Ça signifie quoi pour vous ?

C’est retrouver l’énergie, l’hédonisme et la liberté du “Summer of Love”. C’est comme si, après le choc provoqué par la pandémie, le monde se mettait à sortir dans la rue, se retrouvait et se rassemblait de nouveau. Un peu comme si un nouveau “Summer of Love” se préparait, non ? Une soudaine résurgence de toute cette énergie. Pour moi, le côté psychédélique de cet album tient surtout au fait qu’en studio et pendant les sessions d’enregistrement, nous étions en roue libre, on faisait de la musique, on expérimentait, on s’amusait, on allait là où la musique nous guidait, le tout sans formules préétablies. C’était une merveilleuse expérience, car rien n’était calculé, on lançait des pistes, des mélodies, en se disant, “soyons vraiment bizarres, et si le résultat est vraiment trop étrange, on fera demi-tour. Mais regardons d’abord où ça nous mène, jusqu’où l’on peut aller dans cette direction, comment repousser les limites au maximum…” Les idées naissaient spontanément, les mélodies étaient fortes et amusantes, ça a été un moment très fort.

C’est ce que j’appelle le dualipadelism. Est-ce que Kevin vous a aidée à finaliser ce mélange subtil entre dance, rave et pop psyché ?

Totalement, ce disque c’est la combinaison de Kevin, Danny et moi ensemble dans la même pièce. Certains jours, nous étions guidés par la production, une autre fois par une mélodie, d’autres, tout simplement par le mood du quotidien, comme sur le morceau Training Season. Je trouve que cet amalgame et ce mélange de tant d’énergies différentes, au final, ont façonné cette ambiance psychédélique et étrange. C’était beau de constater que nos univers propres et notre manière de composer de la musique se rejoignaient spontanément.

Votre musique est très axée club. À quel point danser est important pour vous ?

Déjà, j’adore sortir, danser et tout simplement bouger. Mais, j’aime aussi la danse comme forme d’expression, aussi pour l’état dans lequel ça me plonge, et cette sensation de communauté que permet la danse, ce langage universel, cette faculté à réunir des gens venant d’horizons différents. Je suis persuadée que nos corps expriment souvent mieux ce que l’on ressent que la parole. 

Qu’est-ce qui fait un bon morceau club selon vous ?

C’est une question difficile ! Il y en a tellement, dans tous les styles, du heavy metal à la danse. J’aime beaucoup World Is Empty de Skream, ce morceau qui sample les Supremes. Mais, je peux aussi danser sur du Jamiroquai, sur le Lady de Modjo ou les titres de The Blaze, que je trouve très entraînants. On peut mettre tellement de genres sous étiquette “dance” et ça dépend vraiment du moment et du contexte.

Vous avez déclaré vouloir retrouver l’énergie des raves anglaises des nineties. Comment expliquez-vous la nostalgie de cette époque que votre génération n’a pas connue ?

[Rires] Je ne pense pas que ce soit seulement un phénomène anglais. En France aussi, on sent ce besoin de sortir de nouveau, cette envie d’énergie. On a juste besoin de s’amuser parce qu’on travaille dur. J’aime cette dualité entre le travail et le droit de s’amuser comme une forme de libération.

Vous êtes très suivie par la communauté LGBTQ+, c’est important ?

Oui, définitivement. J’ai une plateforme d’expression et si je peux l’utiliser pour, d’une certaine manière, donner de la visibilité à des personnes qui en ont besoin, alors je peux me considérer comme une alliée de la communauté queer. Je crois au pouvoir d’exprimer les choses. Vu la manière dont les choses évoluent, il est important que quiconque se sente menacé et affecté par l’étroitesse d’esprit de certain·es puisse s’exprimer. Je leur offre un espace safe où ils et elles sont écouté·es, respecté·es et valorisé·es pour ce qu’ils et elles sont. C’est une manière de leur dire à quel point je suis reconnaissante du soutien qu’ils et elles m’apportent et que je veux leur redonner ce qu’ils et elles m’ont offert.

Vous entretenez une relation forte avec la France, qu’est-ce qui vous plaît dans le lifestyle frenchie ?

La gastronomie, le vin, la vie nocturne, la langue, j’adore tout ! Je n’ai que de bons souvenirs et notamment des concerts que j’ai donnés à Paris et en régions. Vous m’avez accueillie avec tant de gentillesse et d’amour que je suis d’une infinie reconnaissance envers mes fans français·es. J’ai une affinité particulière avec la France, mais aussi l’Europe. Je m’y sens chez moi en fait !

Propos recueillis par Patrick Thévenin

Radical Optimism (WEA). Sortie le 3 mai. En concert les 12 et 13 juin aux Arènes de Nîmes.