Déficit public : Business France, cible idéale de Bercy pour faire des économies ?
Mais quelle mouche a piqué Bruno Le Maire le 18 mars dernier ? Invité du 20 Heures de TF1, le ministre de l’Economie est venu faire le service après-vente, après que le gouvernement a corrigé sa prévision de croissance à 1 %. Un retour à la réalité qui l’a contraint à présenter un plan d’économies de 10 milliards d’euros. Parmi les mesures actées, Bruno Le Maire a pointé du doigt les opérateurs d’Etat, ces 438 agences investies d’une mission de service public, dont les crédits vont être rabotés d’un milliard d’euros.
Pressé d’en dire davantage, le ministre de l’Economie a alors cité pêle-mêle le Centre national d’études spatiales, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, France Compétences… et Business France. Les ordres de grandeur n’ont pourtant rien à voir. L’agence spatiale a bénéficié en 2023 d’une subvention de plus de 640 millions d’euros et l’institution chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage de 1,6 milliard d’euros, quand Business France a touché à peine 110 millions d’euros. "J’ai trouvé cela un peu curieux. Je ne sais pas pourquoi ce nom est sorti. Bruno Le Maire a pu le constater lui-même et l’a d’ailleurs souvent dit : son efficacité est largement au rendez-vous", note l’un de ses anciens dirigeants.
Peu de moyens, mais des résultats
L’action de cet opérateur d’Etat est assez méconnue des Français. Né en 2015 de la fusion de l’Agence française pour le développement international des entreprises Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux, Business France a pour mission d’accompagner les entreprises dans leurs projets d’exportation et d’implantation à l’international, de promouvoir l’attractivité de la France et de gérer le volontariat international en entreprises (VIE). Son budget se partage à parts égales entre les subventions de l’Etat et les prestations vendues aux entreprises.
"Business France est le modèle typique de l’opérateur d’Etat avec peu de moyens publics qui crée beaucoup d’activités dans le pays. C’est probablement l’un des meilleurs leviers de la dépense publique pour générer de la croissance", défend Laurent Saint-Martin, ancien rapporteur général du budget et directeur général de l’organisme depuis 2023. Un poste que l’ex-député LREM assume avec talent, selon plusieurs interlocuteurs. "Il est performant et dirige Business France comme si c’était sa propre entreprise", affirme Sophie Sidos-Vicat, la présidente des Conseillers du commerce extérieur de la France, qui siège au conseil d’administration. "C’est une agence bien gérée, je peux vous l’assurer", témoigne de son côté le sénateur LR Alain Chatillon, membre de l’organe de direction depuis plus de dix ans.
Si la balance commerciale française reste dans le rouge, l’effet Business France s’est tout de même fait sentir : le nombre d’entreprises exportatrices est passé de 125 000 en 2017 à 144 000 en 2023. Elles ont généré 3,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, contre 1,8 milliard d’euros en 2022. "C’est un système qui marche. Il ne faut pas couper quand il y a des résultats. Qui plus est, les économies qu’on peut attendre de Business France sont minimes", estime Alain Di Crescenzo, le président de CCI France, le réseau des chambres de commerce et d’industrie.
Pas de "problème Business France"
La remontrance du gouvernement arrive, en outre, avec un temps de retard. En octobre dernier, Business France a signé avec l’Etat son nouveau contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2023-2026. "C’est à ce moment-là que les pouvoirs publics doivent se poser la question de la revue des dépenses, pas après", cingle la députée LR Véronique Louwagie, vice-présidente de la commission des finances de l’Assemblée. "Je comprends très bien les besoins de sérieux budgétaire du gouvernement. Il faut effectivement qu’au-delà des montants, l’intelligence collective qui a prévalu à la signature de ce contrat demeure", précise, fort diplomatiquement, Laurent Saint-Martin.
Alors, comment interpréter la position de Bruno Le Maire ? Business France est sous la tutelle de trois ministères : l’Économie, l’Aménagement des territoires et les Affaires étrangères. "Le ministre envoie un message à ses autres collègues, en les invitant à se serrer eux aussi la ceinture", juge un ancien directeur de cabinet, qui n’a pourtant jamais entendu parler d’un "problème Business France". Il y a de toute évidence d’autres lièvres à lever.