Qu'est-ce qui fait l'incroyable qualité de la laine d'alpaga ? Les réponses d'un éleveur corrézien
Difficile de ne pas craquer, ce week-end, devant la centaine d'alpagas réunis à Brive (Corrèze). Avec leur petite bouille, leurs grands yeux et leur zénitude à toute épreuve, ils ont déjà attiré de très nombreux curieux sous la halle Georges-Brassens, ce samedi 6 avril.
Et puis, bien sûr, il y a leur laine qui fait partie des plus recherchées. Mais savez-vous précisément pourquoi ? Réponses avec François-Xavier Bardieux, le président de l'association Royal Alpaga, par ailleurs éleveur et actionnaire d'une filature à Goulles, en Corrèze.
Parce qu'elle n'est pas allergèneParmi ses nombreuses qualités, la fibre d'alpaga est "anallergène", souligne pour commencer François-Xavier Bardieux. "Donc contrairement à la laine de mouton ou à la plume, il n'y a pas de risque d'allergies ou de démangeaisons. Dans le cas du mouton, c'est à cause de la lanoline dont l'alpaga est dépourvu puisqu'il a une toison sèche. Quant à la plume, comme c'est une fibre creuse, elle retient la poussière. C'est la première chose qui rend la fibre d'alpaga spécifique."
Parce qu'elle est thermorégulatriceDeuxième qualité et non des moindres, s'empresse d'ajouter l'éleveur passionné, la fibre d'alpaga est thermorégulatrice. "En clair, elle s'adapte à la température du corps. Elle vous renvoie votre propre chaleur. C'est pourquoi, avec de l'alpaga, on n'a jamais ni trop chaud, ni trop froid".
La laine d'alpaga est notamment parfaite pour les chaussettes "dans la mesure où elle va aussi réguler l'humidité", ajoute François-Xavier Bardieux.
Parce qu'elle a une structure bien spécifiquePour ce troisième point, il faut sortir le microscope. Mais c'est nécessaire, insiste le passionné, pour bien comprendre pourquoi "la fibre de l'alpaga est d'une richesse extraordinaire".
"Une fibre qui pousse est une succession d'écailles, détaille le spécialiste. Plus les écailles sont petites et arrondies, plus on a une sensation de douceur. Dans le cas du mouton, ce sont de grosses écailles qui sortent d'où ces irritations qui viennent de la structure de la fibre."
C'est pourquoi, selon le président de l'association Royal Alpaga, sa fibre est presque sans égal (si ce n'est la soie...). "Souvent, on me dit que le cachemire est plus doux. Absolument pas ! Quand on regarde la radiographie d'une fibre de cachemire, c'est grossier. C'est difficile à entendre pour un éleveur de cachemire, mais sa fibre est moins douce que celle de l'alpaga, à micronnage égal. Après, il y a le nylon, mais c'est du plastique."
Concrètement, François-Xavier Bardieux produit des fibres qui ne dépassent pas 26 microns. "En dessous de 19 microns, on est sur du royal baby. Entre 19 et 21 microns sur du baby alpaga et entre 21 et 26, on est sur du "fine". À titre de comparaison, un cheveu, c'est 80 microns et avec la meilleure des laines de mouton, on commence à 30-35 microns."
Mais toutes les fibres d'alpaga se valent-elles ?Ce qui fait la qualité d'une fibre d'alpaga, c'est non seulement sa douceur, mais c'est aussi sa brillance et sa structure. "Mais une des caractéristiques essentielles, c'est son épaisseur et c'est la génétique qui permet d'arriver à la meilleure qualité possible", insiste l'éleveur.
Et c'est justement ce travail d'excellence que s'astreignent à faire les éleveurs présents à Brive en sélectionnant les meilleurs mâles et femelles. "C'est comme ça qu'on arrivera à défendre la filière de l'alpaga en France. Dans ma filature, j'ai des particuliers qui ont des alpagas. Ils m'envoient des toisons pires que du mauvais mouton. La génétique fait vraiment toute la différence."
En la matière, Joanne Bridge, éleveuse en Angleterre et juge internationale, a salué, ce samedi, l'évolution de la qualité des fibres françaises. "Il y a deux ans, lorsque j'étais venue pour un précédent concours, le niveau était bon, mais inégal. Là, j'ai vu un niveau équivalent à ce qui se fait au Royaume-Uni (qui fait partie des gros fournisseurs en Europe, NDLR)."
Un commentaire jugé "très encourageant" par François-Xavier Bardieux. "Parce qu'on a tous ici (au salon de Brive, NDLR) à cœur de faire de beaux animaux et d'en prendre soin."
Quantité et qualité de laine ? "Sur un animal, la qualité 1 se trouve sur le dos et le flanc avec le haut des pattes et le bas du cou, pour un total d'environ 2 à 2,5 kg de fibres (sachant qu'il faut 500 g pour un pull). Ensuite, il y a la qualité 2 sur le poitrail et le cou. Enfin, la qualité 3 sur les pattes et la tête. Ces deux dernières qualités n'étaient pas valorisées par les éleveurs, mais dans notre filature, à Goulles, on travaille la totalité de la fibre. On fait des nappes de feutre qui permettent de faire des chapeaux ou des gilets", explique François-Xavier Bardieux.
Michaël Nicolas