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Март
2024

François Saint-Pierre, un avocat pour l’honneur…

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L’avocat lyonnais raconte trois affaires auxquelles il a participé, dans son dernier livre qui se veut être un récit critique sur les institutions et la justice.


Maître François Saint-Pierre est un ami qui m’a défendu brillamment, avec le regretté Hervé Temime, dans le procès en diffamation que m’avait intenté Philippe Courroye pour certains extraits de mon livre Le Mur des cons. Grâce à eux, j’ai gagné en première instance puis en appel. Philippe Courroye a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. Cette précision donnée, je n’en suis que plus à l’aise pour exprimer ma vérité sur cet exceptionnel auxiliaire de justice.
Au service avec rigueur du droit, soucieux d’éthique professionnelle, veillant à l’exemplarité et à la tenue dans sa pratique, usant d’une éloquence sans fioritures mais redoutablement efficace, refusant l’exhibitionnisme médiatique, estimé par ses pairs, François Saint-Pierre n’est évidemment pas qualifié de ténor par ces médias qui baptisent pourtant ainsi n’importe quel défenseur. Un terme qui ne signifie rien et qui confond l’affaire dont on parle avec le conseil qui en est chargé.

Le récit du procès d’Eric Dupond-Moretti à la Cour de justice de la République

François Saint-Pierre vient de publier un livre passionnant, précis, documenté, cinglant derrière son apparente froideur qui est d’autant plus convaincante qu’elle fait l’économie d’indignations trop faciles et d’accusations excessives : Trois procès extraordinaires – Récit – Deux magistrats et un ministre de la Justice en procès (LGDJ Éditions).

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François Saint-Pierre a été l’avocat du juge d’instruction Edouard Levrault et du procureur Patrice Amar. Deux magistrats qui, devant le Conseil supérieur de la magistrature réuni en matière disciplinaire, ont été totalement exonérés des griefs formulés contre eux à la suite de procédures initiées par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti qui, avocat, les avait ciblés et attaqués. Le principal intérêt de cet ouvrage est de nous exposer la manière dont le procès contre Eric Dupond-Moretti à la Cour de justice de la République s’est déroulé, en focalisant sur le comportement du garde des Sceaux qui n’a pas fait preuve, à cause de sa personnalité éruptive et de ses multiples interventions intempestives, de la dignité qui aurait dû être la sienne.
Il faut reconnaître à François Saint-Pierre l’immense mérite d’avoir d’emblée, répudiant tout corporatisme, dénoncé l’absurde et choquante nomination d’Eric Dupond-Moretti comme garde des Sceaux. Avec des raisons tellement évidentes que même le couple présidentiel aurait dû les retenir. François Saint-Pierre, compte tenu des règles très spécifiques de la CJR, a été un témoin attentif et lucide mais sans pouvoir assister les magistrats précités ni se constituer partie civile pour eux. À l’issue des débats, cette juridiction composée de sénateurs et de députés, présidée par un magistrat, a rendu une décision d’acquittement dont l’incohérence juridique et la tonalité politique ont surpris tous les observateurs éclairés et de bonne foi. Sans forcer le trait, elle pouvait se résumer ainsi : Eric Dupond-Moretti est objectivement coupable des infractions qui lui sont reprochées mais il était trop superficiel et ignorant pour en avoir eu conscience. C’est absurde et insultant pour le ministre qui s’en est pourtant félicité comme d’une consécration de son innocence. Le procureur général Rémy Heitz, qui avait déjà requis une peine très modérée, a cru bon de ne pas interjeter appel de cette décision, invoquant un souci « d’apaisement » qu’on ne lui demandait pas.

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Sans doute, quelle que soit la qualité glaçante et féroce de ce livre, ne lui aurais-je pas fait un tel sort si des débats récents, sociétaux ou artistiques, n’avaient pas projeté la lumière sur le métier d’avocat, ses grandeurs mais aussi ses turpitudes. Quatre magistrats en poste à Marseille ont fait un constat terrifiant sur le trafic de drogue dans cette cité, l’impuissance des forces régaliennes face à ce fléau, la tiers-mondisation et la « mexicanisation » des prisons, la corruption de certains agents pénitentiaires et, ce qui est nouveau, la mise en cause d’avocats grassement payés en liquide, plus préoccupés de ruiner les procédures défavorables à leurs clients que de la vérité. On semble découvrir la lune avec cette dénonciation d’un certain barreau pénaliste. Mais qui pouvait prétendre ignorer ces pratiques perverses, dont l’existence rend insupportable l’aura projetée sur l’avocat au pénal au détriment de l’exemplarité du magistrat ? Marseille, aussi paroxystique que soit le tableau, n’est que l’expression au comble, d’une insécurité et d’un délitement national qui n’épargnent plus les villes moyennes et les campagnes.

Une excellence peu reconnue

On comprendra mieux pourquoi j’ai insisté, à propos de François Saint-Pierre, sur sa morale professionnelle. Elle est trop souvent oubliée comme critère décisif par les médias, dans les classements dont ils raffolent et qui confondent l’éclat avec le vrai talent, le réseau de relations avec la véritable influence. Je regrette, sur ce plan, douloureusement la disparition de trois avocats d’exception (dans toutes les facettes exigées par cette excellence) qui manquent tant à la Justice pénale : Thierry Lévy, Pierre Haïk et bien sûr Hervé Temime. Reste heureusement encore Maître Henri Leclerc et, parmi les femmes, Me Jacqueline Laffont aussi modeste dans sa remarquable pratique que d’autres se pavanent dans leur médiocrité.

Je n’ai pu m’empêcher de songer à eux quand Richard Berry est venu à CNews présenter son spectacle sur des plaidoiries (retouchées, réduites et revisitées) et que j’ai eu la nostalgie de ces grandes voix superbement sensibles et intelligentes. Me Leclerc avait déjà vu reprendre sa plaidoirie pour Véronique Courjault dans un spectacle antérieur de Richard Berry. François Saint-Pierre, dans cet aréopage, est à sa place. Il y a des clients qui servent la réputation de leur avocat. François Saint-Pierre a servi la mienne.

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