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Март
2024

Gwendal Poullennec, arbitre redouté des excellences à la tête du Michelin

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Sa devise? "En mouvement", valable tant pour le guide né il y a 124 ans, que pour son directeur de 44 ans, apprend l'AFP de son entourage.

L'homme le plus influent de la gastronomie mondiale marche vite en ville, pousse des sprints sur son vélo de course à 14.000 km au compteur et passe parfois moins de "30 secondes" au téléphone avec les chefs qui perdent une étoile, confie anonymement l'un d'entre eux à l'AFP.

Le pouvoir de ce patron, dont l'armée d'inspecteurs anonymes établit chaque année des recommandations dans 45 pays, se mesure aussi à l'aune des "no comment" que son nom suscite dans le milieu.

"Je ne fais que passer, je suis là pour assurer la continuité", se défend le quadragénaire, pull breton, barbe courte, jeans et carnet rouge comme le guide qu'il dirige depuis un quinquennat.
Solide appétit
Chez les Poullennec, famille très nombreuse entre le Finistère et les Yvelynes, le restaurant ne faisait "pas partie des habitudes".

A peine diplômé de l'Essec, Gwendal Poullennec se détourne des "multinationales repoussoirs" ou des cabinets d'audit pour pousser la porte du groupe Michelin, décidé à "travailler sur un sujet français", le guide gastronomique ou rien.

Après un passage dans les usines à pneus, le groupe de Clermont-Ferrand assigne la jeune recrue à son idée fixe. Direction la Bourgogne pour un premier repas mémorable et gargantuesque avec un "saladier comme ça de mousse au chocolat", mime-t-il, hilare, et "casserole de tripes".

Depuis, celui qui a la chance d'avoir "bon appétit" et aime finir les plats des autres juste par curiosité, a appris à gérer les excès inhérents à la fonction.

Le coup d'accélérateur arrive en 2006 quand Gwendal Poullennec déménage au Japon, découvre les subtilités du sushi "mangé à la tonne" et réussit à imposer le guide rouge au pays ultra-codifié et défendant farouchement ses traditions culinaires.

"On vend un demi-million d'exemplaires, plus qu'Harry Potter !", se félicite-t-il.

En 2018, à la faveur du départ à la retraite de l'Américain Michael Ellis, une succession émaillée de rumeurs et de suspicion dans le marigot des critiques gastronomiques, le Français alors secrétaire général est consacré grand directeur.
Brouille véhémente
Son premier quinquennat est marqué par la transition du papier vers le numérique, le rachat du Fooding, la pérennisation du complexe modèle économique du guide et son déploiement dans 45 pays.

Le père de cinq filles, qui aime les plats familiaux et faire son pain, dit rechercher à table une "cuisine simple et lisible" mais "avec de la maîtrise".

Impossible pour lui d'en dire plus sur ses goûts, ou son plat préféré, au risque comme Chirac avec la tête de veau de s'en faire servir ad nauseam.

Pour une sauce étoilée visiblement appréciée, il lâchera du bout des lèvres un "c'est bien lié", constate l'AFP.

"Il faut savoir le lire entre les lignes", décrypte Damien Rodière, directeur de la plateforme de réservation The Fork et partenaire en affaires.

Pour certains chefs qui ont à faire à la sanction, le jeune directeur peut vite insupporter. Marc Veyrat vient ainsi le poursuivre à Paris en 2019 pour une brouille véhémente autour d'une supposée touche de cheddar dans un soufflé et la perte de sa troisième étoile.

Des moments conflictuels, "difficiles mais nécessaires" dit celui qui martèle agir "en fonction de l’intérêt du lecteur, pas des chefs" et qui comprend qu'on cherche à "déstabiliser l'arbitre", même s'il en est affecté.

En pleine crise sanitaire du Covid, sa décision de sortir un guide 2021 assorti de rétrogradations crée un tollé.

Indispensable donc pour lui de maintenir une distance avec les chefs et leur "dramaturgie" qu'il connaît quasiment tous personnellement et avec qui il échange parfois recettes et photos de famille.

Mais, "la recommandation est fondée sur le talent, pas sur la réputation ou encore moins sur votre influence", conclut-il.