Deeptech : Carembouche met les bouchées doubles pour stopper la dénutrition

" Les carembouchées sont petites, pour grignoter souvent, et gourmandes, pour stimuler l'appétit. " Si cette description d'Odile de Christen vous a donné l'eau à la bouche on vous souhaite tout de même d'y goûter le plus tard possible. En effet, ces gourmandises sont destinées aux personnes dénutries ou adultes ayant subi de lourds traitements médicaux. Une idée lancée par Muriel Thomas, directrice de recherche à l'INRAE, Francisca Joly, gastroentérologue à l'AP-HP, et Odile de Christen, dirigeante. Les trois femmes lancent l'entreprise Carembouche à la fin de l'année 2021, et souhaitent commercialiser leur innovation " au cours de l'année 2024 " d'après la dirigeante.

Une entreprise qui s'est créée grâce à la rencontre de ces trois femmes complémentaires. " Francisca Joly et Muriel Thomas se connaissent depuis plus de 15 ans à travers des travaux de recherche fondamentale autour du microbiote, raconte la dirigeante. Au cours de ces derniers elles ont isolé un probiotique qui a montré son intérêt pour la préservation de la masse musculaire. " À la suite de cette découverte, les deux chercheuses souhaitent " sortir ce probiotique du laboratoire " et passer d'une recherche fondamentale à une application concrète. En parallèle, Odile de Christen, anciennement cheffe de projet à l'international, est en quête d'un projet à impact social. " Je connaissais Muriel Thomas, qui était au courant de mes envies, poursuit l'entrepreneure. De son côté, elle ne souhaitait pas quitter le monde de la recherche pour se lancer pleinement dans l'entrepreneuriat et m'a donc proposé de prendre ce rôle. "

Un objectif : nourrir les deux millions de personnes dénutries en France

S'il est bien question de s'adresser aux deux millions de Français qui souffrent de dénutrition, Carembouche souhaite apporter une solution différente de celles existantes avec l'objectif d'amener de l'alimentation et non pas un nouveau médicament. " Nous aurions pu faire une poudre ou un sachet à mettre dans un verre d'eau, explique Odile de Christen. Mais ce n'était pas notre but puisque ces personnes sont déjà polymédicamentées. " L'entreprise cherche alors à créer un aliment bon tout en respectant les recommandations des hautes autorités qui consistent à fractionner les apports alimentaires pour les personnes dénutries. " C'est pour cette raison que nos bouchées font une dizaine de grammes. "

Afin de tester ses gourmandises, la société qui souhaite devenir un acteur de l'alimentation du futur, a décidé de s'associer à des établissements de santé. " Nous sommes accompagnées depuis le début par un EHPAD pionnier dans le snaking, qui nous aide énormément ", raconte Odile de Christen. L'entreprise réalise alors ses premières carembouchées et décide de réaliser un test au sein de six établissements de santé en fournissant 18 000 gourmandises. " Ça a duré deux semaines et nous avons pu avoir le retour d'une soixantaine de personnes. " Un moyen pour l'entreprise de valider l'appréciation de son produit et de connaitre les points à améliorer. " Nous avons retravaillé nos bouchées pour avoir des recettes plus industrialisables, poursuit la dirigeante. C'est pour cette raison que nous avons travaillé avec un professionnel de la mise au point d'aliments sur commande qui nous a aidé à améliorer notre produit. "

Un premier retour de marché compliqué

Mais alors de quoi sont constituées ces gourmandises ? " Ce sont des bouchées de 10 grammes, gourmandes, riches en protéines et bientôt en probiotiques. " Ces dernières se déclinent également en plusieurs saveurs, aujourd'hui toutes sucrées, qui se mangent fraiches, et facilement avec les mains. " Parmi les six établissements où nos carembouchées ont été testées nous avons obtenu un taux de satisfaction de 97 %. La plus appréciée était la whisky café. " Si ces dernières sont globalement très appréciées, Odile de Christen tient à rappeler que ces gourmandises ne sont en aucun cas suffisantes pour se nourrir. " Ça ne remplace pas les repas, cela vient en complément. L'idée est de proposer dix bouchées par jour et par personne. "

Si l'innovation séduit les établissements de santé, les carembouchées sont pour l'instant en inadéquation avec le marché et nécessitent donc un retravail pour la deeptech. " Nous nous devons d'être en adéquation avec le prix du marché sans toucher pour autant la qualité du produit et notamment l'apport en protéines, détaille Odile de Christen. A côté de ça, nous continuons de tester l'inclusion de probiotiques puisque nous avons pu montrer que leur utilisation n'altérait pas nos bouchées. " Prochaine étape pour l'entreprise : finaliser sa première gamme riche en protéines afin de lancer la commercialisation cette année. " Sur la base de cette matrice, nous voulons continuer le développement des bouchées riches en probiotiques et réaliser une évaluation clinique ", conclut la dirigeante.