Les tractations sur des autorités de transition se poursuivent en Haïti
Lundi soir, M. Henry, dont le mandat a été marqué par une montée en puissance des gangs armés, a annoncé qu'il démissionnait mais gérerait les affaires courantes jusqu'à la nomination d'un conseil présidentiel de transition.
Lors d'une réunion d'urgence en Jamaïque avec la participation de représentants haïtiens, la Communauté des Caraïbes (Caricom), l'ONU et plusieurs pays comme les Etats-Unis et la France ont chargé des formations haïtiennes de mettre sur pied ce conseil.
Cette structure doit être composée de sept membres votants représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Elle doit choisir un Premier ministre intérimaire et nommer un gouvernement "inclusif".
Six regroupements sur sept ont soumis le nom de leur représentant à la Caricom, ont indiqué plusieurs sources à l'AFP.
Seul le parti de gauche Pitit Desalin renonce à se faire représenter et des démarches sont en cours pour trouver un autre parti ou groupe pour le remplacer.
Quant aux membres du collectif du 21 décembre, le groupe d'Ariel Henry, ils ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur un seul représentant et ont désigné trois personnes.
Un conseiller spécial d'Ariel Henry a affirmé à la chaîne américaine CNN que seul le Premier ministre démissionnaire et son cabinet pouvaient officiellement nommer le conseil de transition selon la Constitution.
"Nous n'allons pas livrer le pays à un simple groupe de personnes sans suivre les règles. Nous sommes en crise en tant que pays, mais nous devons rester dans le cadre de la loi et donner l'exemple", a dit Jean-Junior Joseph.
Déploiement suspendu
Fortement contesté, Ariel Henry avait été nommé quelques jours avant l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse. Haïti, qui n'a connu aucune élection depuis 2016, est toujours sans chef d'Etat.
Les gangs contrôlent des pans entiers du pays, notamment 80% de la capitale Port-au-Prince. Leurs violences - meurtres, viols, enlèvements contre rançon, pillages - ont récemment pris une nouvelle dimension, se sont inquiétées des organisations internationales.
Ces dernières semaines, ils s'en sont pris à des sites stratégiques comme l'académie de police ou l'aéroport.
M. Henry, qui s'était rendu à Nairobi pour signer l'accord sur l'envoi de policiers kényans en Haïti, n'a d'ailleurs pas pu regagner son pays.
Au vu de la situation, le Kenya a annoncé suspendre le déploiement de ses agents dans le cadre d'une mission internationale soutenue par l'ONU, mais assuré qu'il interviendrait une fois un conseil présidentiel installé.
"Nous sommes favorables au déploiement d'une force internationale qui permette d'appuyer la police nationale d'Haïti", a affirmé jeudi Christophe Lemoine, porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères. "Nous avons demandé la mise en place urgente de la mission et nous continuons à apporter notre soutien aux forces de police haïtienne qui sont déjà sur place".
"Lutte"
La réaction des gangs aux développements politiques est particulièrement scrutée. Le chef de l'une de ces bandes armées a jeté un pavé dans la mare en assurant qu'il allait "continuer la lutte pour la libération d'Haïti".
Jimmy Chérizier, alias "Barbecue", a dit que la démission d'Ariel Henry lui "import(ait) peu" dans une interview à la radio colombienne W, et qu'il refusait que la Caricom "décide" au nom du peuple haïtien.
En attendant de voir si une sortie de crise se profile, les Nations unies ont annoncé qu'elles allaient mettre en place un "pont aérien" entre Haïti et la République dominicaine voisine pour permettre "la fluidité de l'aide humanitaire".
L'ONU a aussi indiqué que son personnel "non essentiel" allait quitter le pays, mais que le personnel en charge "des activités vitales" allait poursuivre son travail.
L'Union européenne avait elle annoncé lundi avoir évacué l'ensemble de son personnel d'Haïti.