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Март
2024

Qu'ont révélé les nouvelles fouilles à Toulon-sur-Allier, site de production de céramique antique ?

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Les sondages archéologiques avaient révélé une occupation dense, sur cette parcelle de 2 hectares où sera bientôt construit un Renault Trucks, au lieu-dit le Larry, en bordure de RN7. Les fouilles, menées depuis fin janvier par douze archéologues du Service d’archéologie préventive du département de l’Allier confirment une activité soutenue, dans l’Antiquité : on savait déjà, depuis le XIXe, que le jardin de l’habitation voisine abritait les fours d’un atelier de poterie gallo-romaine. Le site a ensuite fouillé dans les années 1950 et 1980. Mais plus, depuis. 

Un chantier difficile

Une douzaine d'archéologues du service départemental de l'Allier sont à l'oeuvre jusqu'en avril.  Une partie des fosses sont remplies d'eau, suite aux fortes pluies récentes. Des figurines en terre blanche sont extraites de la boue. Au fond, la RN7.  Photos Séverine TREMODEUX  

"C’est un chantier difficile, pour plusieurs raisons", explique Gabriel Rocque, archéologue du Sapda. "D’abord, les pluies incessantes ont fait déborder la rivière voisine, et l’eau est difficile à évacuer". Les archéologues interviennent avec des pelles mécaniques, puis procèdent à un laborieux nettoyage manuel.

Des voies gallo-romaines mises au jour à Toulon-sur-Allier

Gabriel Rocque, archéologue du Sapda. Derrière lui, plusieurs fossés couvrant tout le linéaire de la zone de fouille. 

Des structures difficiles à percevoir

Autre écueil, des vestiges difficiles à percevoir : "Certains, qu’on n’avait pas vu au diagnostic, apparaissent. Des trous de poteau signalent des bâtiments d’époque gauloise, antérieurs à l’activité de céramique. Des nuances de couleurs, des taches en surface, dures à distinguer, témoignent de la présence de fossés". Près de la route, donc, les marges sud de l’atelier du Larry. "On a possiblement des structures liées à l’atelier, à confirmer lors des études post-fouilles. On a trouvé un bâtiment semi-excavé soutenu par des poteaux. Le mobilier antique trouvé sur place permettra de le dater. On utilise aussi la technique de micromorphologie, l’analyse microscopique des sols qui permet d’analyser les grains de terre en détail, de savoir si des terrains ont été piétinés".

Un atelier de figurines gallo-romaines en terre blanche de l'Allier mis au jour à Toulon-sur-Allier (archive mai 2021)

Un ancien fossé perceptible à l'oeil nu, au centre, ce qui n'est pas toujours le cas.  Photos Séverine TREMODEUX

Les archéologues pensent avoir trouvé une fosse de piétinement de l’argile, qui était malaxé au pied. "Dans ce secteur, quinze structures apparaissent, un enchevêtrement qui montre une activité humaine sur le long terme, un atelier qui a fonctionné sur plusieurs générations", décrit Lara Fleury, archéologue spécialisée en céramologie antique au Sapda.

Comprendre le fonctionnement de l’atelier de poterie

L'archéologue Lara Fleury, spécialiste en céramologie antique, fouille à proximité de l'atelier du Larry, en bordure de site.  

C’est intéressant, car cela nous permet de mieux comprendre les différents espaces des ateliers, la répartition des tâches. Et on va pouvoir affiner la datation de l’atelier, grâce aux éléments organiques. Il était jusqu’à présent daté des IIe et IIIe siècles.

Les ateliers de Toulon-sur-Allier comptent parmi les plus importants centres de productions de poterie du centre de la Gaule, comme Lezoux, dans le Puy-de-Dôme, resituent Gabriel Rocque et Lara Fleury. La production était vendue dans la moitié nord de l’Hexagone et jusqu’en Angleterre, et un peu en Allemagne et Belgique. "La production s’est progressivement arrêtée aux Ve et VIe siècles, mais on a des indices de production dans l’Antiquité tardive. À l’éclatement de l’Empire romain, la production devient plus locale".

Les archéologues pensent avoir trouvé une partie, de l'atelier de poterie du Larry. 

Les Gallo-Romains s’installaient sur des sites où ils trouvaient toutes les matières premières à proximité : "D’autres fosses servaient à l’extraction du sable, qui était ajouté à l’argile. Il y avait de l’eau pas loin, la rivière la Sonnante, il nous manque seulement la zone d’extraction de l’argile". Un fossé est-ouest, sur toute la longueur de la fouille, correspond possiblement à la délimitation de l’atelier. Il croise un autre fossé nord-sud. "On sait que les ateliers avaient besoin d’une surface importante, d’espaces de stockage pour le bois, les matériaux, d’un lieu pour sécher les céramiques… Difficulté, ces activités ne laissent pas de traces dans le sol. Des habitations se trouvent de l’autre côté de la RN7".

Déesse mère aux détails très nets, très bien conservée. Photo Séverine TREMODEUX L'arrière de la statuette, avec le fauteuil en rotin, décor fin bien conservé.  Photos Séverine TREMODEUX

 

Des figurines en terre blanche

Ces fossés ont livré des figurines en terre blanche, sujets classiques bien connus, comme ces déesses mères, ces Vénus, ce cheval, tous aux détails bien nets, comme ce fauteuil en osier au dos d’une statuette. En fait, des ratés de cuisson, jadis jetés au fossé.  "C’était déjà un système de production à la chaîne, il y a un peu moins de 2.000 ans. On retrouve aussi les moules".

 

Moulage de la tête d'une Vénus. Statuette de femme : manque la tête.  Côté pile de la même statuette. 

Transport maritime ?

 

Les archéologues creusent des sondages dans les fossés découverts. 

Trou de poteau, bâtiment gaulois. Une partie des fosses sont inondées, rendant impossible certaines recherches. Dans l’enclos gaulois découvert, de nombreux trous délimitant des bâtiments, comme des greniers qui étaient construits sur pilotis en hauteur. Une voie d’époque moderne et une voie antique ont aussi été mises au jour : la voie antique faisait 6 à 8 mètres de largeur, mais la pluie rend difficile, pour l’instant, son étude.

D’autres recherches visent à comprendre la géologie du secteur, comment la Sonnante et le cours de la rivière Allier ont évolué : "L’Allier venait jusqu’ici. On s’interroge sur les moyens de transport de la production. Comme on n’a pas trouvé de route se dirigeant vers l’atelier, c’était peut-être du transport maritime".

Terrain. Le terrain de fouilles, de près de deux hectares, était une prairie depuis le XIXe siècle. Les fouilles sont financées par le directeur de Faurie Trucks Moulins, Éric Martin, qui a décidé d’acquérir la parcelle, pour y déménager son activité, jusqu’à présent à Avermes. Renault Trucks construit, pour environ 4 millions d’euros, un garage plus moderne, pour le rapprocher de la zone d’activité existante et de l’A79. L’ouverture est prévue au premier semestre 2025. Le reste de la parcelle, sur laquelle avait été découvert une nécropole gallo-romaine lors des sondages archéologiques, ne sera pas fouillé, car elle ne correspond pas à l’emprise du projet. 

Ariane Bouhours

Photos Séverine Trémodeux