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Март
2024

Cass, colleuse, sera à Brioude le 8 mars : "Les collages sont une manière de soutenir les victimes"

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Cass, colleuse, sera à Brioude le 8 mars :

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le Planning familial de Brioude, en Haute-Loire, organise, vendredi 8 mars, dans la salle Allier du bâtiment de l'Instruction (à Brioude) une projection suivie d’un débat avec Cass, colleuse qui milite pour que les femmes se réapproprient la rue.

Elle s’appelle Cass. C’est son nom de militante. Une manière de se protéger. Cass est une féministe assumée. Qui se bat au quotidien « pour lutter contre les violences patriarcales ». Comment ? En faisant des collages sur les murs pour interpeller la population. Des feuilles A4, une lettre noire peinte sur chacune d’entre elles et des messages forts : « On te croit », « Notre colère sur vos murs », « Ras le viol »…

Habitante du secteur de Langeac, elle sera, vendredi 8 mars, dès 20 heures, dans la salle Allier de l’Instruction, place du Postel, pour parler de son combat.

Comment définiriez-vous les colleuses ?

Les collages sont un outil de visibilisation des violences patriarcales. Une visibilisation vis-à-vis des autres, mais également de nous, les femmes. C’est une manière de soutenir les victimes et faire irruption dans le quotidien des gens. La première fois que j’ai vu des collages, je me suis dit : « Ouah ! C’est ça que je veux faire ! »

Pourquoi collez-vous ces messages ? Qu’est-ce que cela vous apporte ?

Les collages ne datent pas d’aujourd’hui. La première à les avoir utilisés, c’est Olympe de Gouge (*). En février 2019, c’est Marguerite Stern (ancienne Femen, NDLR) qui a utilisé des feuilles A4 et de la peinture noire pour diffuser un message.Comme je le disais, c’est une visibilisation par rapport au grand public. Pour interpeller tout le monde sur la réalité des violences envers les femmes et les minorités de genres. 99 % des viols sont impunis par la justice. Il faut dire que le viol peut arriver à tout le monde : une femme sur dix a été ou sera violée au cours de sa vie. C’est une réalité que personne ne veut voir alors que tout le monde connaît un violeur ou une victime.

Ces collages sont aussi une visibilisation vis-à-vis de nous. On se réapproprie des lieux interdits, comme la rue la nuit. On nous dit qu’une femme ne devrait pas sortir seule lorsqu’il est tard par exemple.

(*) Pendant l’Ancien Régime, des affiches dites “placards” rendaient publics des avis officiels. Lors de la Révolution française, Olympe de Gouges, pionnière du féminisme, est la première à utiliser ce support pour diffuser ses opinions.

Coller des messages sur les murs est donc une manière d’interpeller les passants ?

Exactement. On ne peut pas ne pas voir nos collages.

Quelle est la colère qui vous habite aujourd’hui ?

Chaque féminicide, c’est comme si j’avais une sœur qui mourait. Les victimes de viols et/ou de violences conjugales sont des survivants. J’ai été victime de viol et de violences. Je suis là. Il faut que l’on sorte de cette victimisation.

Il faut que les choses bougent. Surtout lorsque le Président juge ce combat comme une « grande cause nationale ». Imaginez si 120 hommes étaient tués chaque année par des femmes parce qu’ils voulaient les quitter. Là, ça ferait du bruit…

Depuis vos débuts de colleuse, avez-vous le sentiment que les choses ont changé ?

Si on lit le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), on voit que les choses ne progressent pas vraiment. Les garçons ont été biberonnés au porno violent. Ils pensent que ça se passe comme ça. Les filles, c’est pareil. Elles voient des femmes qui ne disent rien, qui acceptent ces violences. Forcément, les violences augmentent alors qu’on sait que les jeunes sont de plus en plus conscients de la montée de ces violences-là justement.

Les femmes n’ont donc pas trouvé une meilleure place dans la société ?

Non. On régresse sur tout, notamment sur le droit à la reproduction dans la première puissance mondiale. Quand on entend Macron parler de réarmement démographique et de bilan de fertilité, on imagine la suite. Ça va être quoi ? Le bilan à 25 ans et si la femme n’a pas fait d’enfant à 30 ans on va venir la voir ?

Quid de la parole des femmes dans l’espace public ?

On est passé de « ferme ta gueule » à « cause toujours ». On a toujours parlé, mais on ne nous écoutait pas. Et quand on prend la parole, derrière ce sont des raids numériques de masculinistes, de menaces de viols qui nous tombent dessus. Adèle Haenel et Judith Godrèche ont jeté un pavé dans la mare. On sent que le vent tourne, mais je ne suis pas optimiste.

Pourrait-on imaginer un collectif de colleuse à Brioude ?

Pas vraiment, car les murs ne sont pas lisses (elle rit). Et il faut savoir qu’en faisant ça, on prend un risque juridique : une contravention de 68 €. C’est une infraction, c’est vrai. Mais c’est pour un état de nécessité. C’est un acte de désobéissance civile pour dénoncer quelque chose.

Dans le cadre de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le Planning familial de Brioude organise la projection du film-documentaire Riposte féministe, vendredi 8 mars, à 20 heures, dans la salle Allier de l’Instruction (place du Postel). Elle sera suivie de l’échange avec Cass.

Maryne Le Goff