L'historienne Nicole Cadène donnera deux conférences à Vichy et au Donjon
Focus sur deux conférences que donnera l’autrice Nicole Cadène, au Donjon et à Vichy. Docteure en histoire, membre du Groupement d’intérêt scientifique dédié aux recherches françaises sur le genre et les sexualités, elle est l’invitée du collectif Hubertine-Auclert, au Donjon, jeudi, et à Vichy, vendredi.
EntretienQue vous inspire le fait qu’Hubertine Auclert n’ait pas de statue ?
Nicole Cadène : « À part celle qui orne sa tombe au Père-Lachaise, non seulement Hubertine Auclert n’a pas de statue, mais son nom ne figure pas dans le Petit Larousse. Son rôle historique reste occulté. Cela rejoint le problème de la sous-représentation des femmes et des féministes dans la mémoire collective. Gisèle Halimi, à l’origine de la dépénalisation de l’avortement et de la criminalisation du viol, n’a pas été admise au Panthéon. Malgré une campagne amorcée lors du bicentenaire de la Révolution française, Olympe de Gouges, autrice de la Déclaration des droits des femmes et de la citoyenne, reste également exclue de ce temple civique. »
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Au cours de vos recherches, certaines pensées d’Hubertine Auclert vous ont-elles semblé contestables ?
« Il m’est arrivé d’avoir des difficultés à déchiffrer sa graphie, mais sur le fond, rien à redire ! Auclert développe une pensée très logique : Pas de droits sans devoirs, pas de devoirs sans droits. En d’autres termes, pourquoi les femmes sont-elles astreintes à l’impôt quand elles ne peuvent en contrôler l’usage, étant exclues du droit de vote ?
Hubertine Auclert n’a pas de statue et n’est toujours pas dans le Petit LarousseL’image qu’on a généralement d’Hubertine Auclert est celle d’une militante audacieuse, ne se laissant intimider par rien. Or, son journal révèle à quel point son combat était âpre et solitaire. »
Quel jugement global portez-vous sur la pionnière du féminisme ?
« Mon rôle d’historienne ne consiste pas à juger, mais à essayer de comprendre. Hubertine Auclert a beaucoup fait pour la cause des femmes, à commencer par l’invention du terme de “féministe”, dans son journal La Citoyenne , en 1882, pour désigner le combat pour l’égalité des sexes.
Elle a lutté pour l’obtention des droits civils (le Code Napoléon assimilait les femmes aux mineurs et aux fous), pour l’accès des filles à l’éducation et à toutes les professions, pour l’égalité salariale, pour la féminisation de la langue, pour le partage des tâches domestiques, contre les violences faites aux femmes…
Si elle n’a pas obtenu grand-chose, elle a fortement contribué à faire évoluer les mentalités. Aujourd’hui, beaucoup de ses combats restent d’actualité. »
Conférences :sur le thème « Pas de statue pour Hubertine », au Donjon, salle socioculturelle, ce jeudi 7 mars, à 20 heures, après la pièce de théâtre Merci Hubertine ;sur la vie intime d’Hubertine Auclert, ce vendredi 8 mars, à 14 h 30, à la médiathèque Valéry-Larbaud de Vichy. Renseignements par mail : collectifhauclert@gmail.com
Quelles sont les raisons qui vous ont amenée à adhérer au collectif Hubertine-Auclert ?
« J’apprécie que le collectif présente le féminisme comme un humanisme. On a trop souvent tendance à considérer le féminisme comme partisan, alors qu’il est guidé par des valeurs d’équité et de justice. J’ai également été sensible à la volonté de mettre en lumière Hubertine Auclert. Cela s’est traduit par l’attribution de son nom à différents lieux, comme la place de son village natal, à Saint-Priest-en-Murat ou l’école de Chazemais.
Par ailleurs, le collectif accomplit un travail d’éducation et crée du lien social sur le territoire. Le dynamisme de ses membres m’évoque cette citation de Victor Hugo : Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. »
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