Lucas Boniface et Baptiste Vadic se confient sur leur première saison chez les pros avec TotalEnergies : "C'est juste incroyable"
Comment avez-vous réagi à la signature chez les pros de votre coéquipier ? Lucas Boniface : Avec le début de saison qu’on avait réalisé, on savait qu’on avait marqué des points. Quand j’ai su que c’était bon pour Baptiste je me suis dit : “Il n’est pas malheureux lui”. (Rires) Cela m’a fait super plaisir, c’était mérité. Baptiste Vadic : Après notre très bon début de saison, Lucas s’est blessé en chutant tandis que, de mon côté, j’étais moins bien. On a commencé à avoir peur. Pendant deux mois, je ne savais pas si c’était bon. L’échéance était repoussée. Puis le jour de ma signature, JR (Jean-René Bernaudeau) m’a dit : “On fait aussi signer ton copain”. Lucas était là, c’était un super moment. L.B. : À partir de là, tu souffles et tu te régales sur les courses.
Qu’est-ce que cela change d’être cycliste professionnel ?
L.B. : La certification Strava (application mobile pour enregistrer des activités sportives via GPS, NDLR). (ils rigolent) C’est stylé. On voit que tu es pro et l’application devient gratuite.B.P. : C’est pareil avec Zwift (programme d’entraînement en ligne sur home-trainer, NDLR). De manière générale, on est davantage entourés et encadrés. C’est plus structuré. Il y a plus de choses mises en place pour la performance. […] J’ai bien aimé aussi le premier stage en décembre. L.B. : Lors de ce stage, les marques viennent te voir pour te présenter leur produit et te demander leur avis pour les améliorer. Chez les amateurs, tu n’as pas le choix, tu prends et tu ne peux pas dire : “il faut changer ça” ou “ça serait mieux comme ça”.Baptiste VADIC
Comment avez-vous vécu la coupure hivernale ? En étant stressé et sur la retenue pour être prêts pour votre première saison chez les pros ?
L.B. : Au contraire ! Quand tu es amateur, tu te mets la pression pour passer pro. Alors que lorsque tu as signé, tu sais que tu auras deux semaines de stage en décembre en Espagne puis deux autres en janvier. Tu peux donc profiter à fond et voir des copains qui n’habitent pas à côté et que tu n’as pas l’occasion de voir dans l’année.B.V. : On a fêté le contrat (sourire). J’ai profité des gens que je ne vois pas souvent. L’an dernier, après Paris-Tours je n’avais presque pas arrêté en enchaînant avec la saison de cyclo-cross pour être plus fort à la reprise. Je voulais rester au poids. Là, je me suis reposé, surtout mentalement, après m’être mis la pression toute l’année.
Lors de vos stages de préparation, avez-vous senti que cela roulait plus vite chez les pros ?
L.B. : Non, cela roule moins vite. Chez les amateurs, c’est toujours celui qui est le plus fort pour faire péter les autres. Chez les pros, rouler, c’est ton métier. Tu ne tiens pas une saison si tu roules comme un amateur. Nous sommes plus accompagnés dans l’entraînement, on nous indique les zones (de puissance, NDLR) dans lesquelles rouler. Parfois, on se traîne.B.V. : Lors du premier stage, le but c’était de faire de l’endurance pour avoir une base foncière pour toute la saison. Plus tu roules à basse intensité, plus tu vas taper dans les graisses. Le but était de faire gonfler notre moteur (sic), pas de rentrer cramé. C’est agréable. On fait ça pour pouvoir courir de janvier à octobre.Lucas Boniface a été stagiaire chez les pros l'été dernier
Comment avez-vous été accueillis au sein du groupe ?
L.B. : Lors de mon stage, l’été dernier, j’avais couru avec pas mal de monde. Je parle beaucoup avec Geoffrey Soupe. Il est incroyable, on rigole pour les mêmes trucs à la con. On ne ressent pas de différence comme le plus jeune, le plus fort, etc. Ils donnent ce qu’ils ont. […] J’ai vraiment senti un avant et après 2023 : il y a une différence avec plus de Français et vraiment un côté famille. C’est ce que voulait Jean-René. .B.V. : L’avantage d’être passé par Vendée U c’est qu’on retrouve pas mal de coureurs qu’on a côtoyés avec la réserve de l’équipe pro. Tu n’arrives pas dans l’inconnu, cela se fait naturellement, c’est plutôt bien. Après, je suis le plus jeune de l’équipe et je me retrouve parfois avec des coureurs plus anciens qui ont des enfants. Cela fait bizarre au départ mais cela se passe très très bien. C’est une vraie famille.
Après vos premières courses professionnelles, quelles différences notez-vous avec les épreuves amateurs ?
Lucas Boniface : Chez les amateurs, si t’es bon, tu passes partout. Chez les pros, il faut vraiment connaître son profil. Cea roule très très vite et tu sais qu’il y a des trucs que tu ne peux pas faire. Sur la première course, les sprinteurs ont tous pété car les grimpeurs sont partis à bloc. Ils te maltraitent. La différence est énorme entre chaque profil : grimpeur, puncheur, sprinteur, rouleur, etc. Baptiste Vadic : Tu ne fais pas ce que tu veux. Chez les amateurs, si t’as décidé d’attaquer, tu le fais. Là, si tu veux remonter dans le vent, tu le fais une fois ou deux. Mais pas plus. Il faut rouler intelligemment, en étant protégé. Le collectif joue encore davantage. L.B. : T’es tout en haut chez les amateurs et tu recommences tout en bas chez les pros. Baptiste Vadic a signé directement chez les pros.
Quels sont vos objectifs pour votre première saison chez les pros ?
L.B. : Je pense que j’aurais un rôle de poisson-pilote pour les sprints lors des Coupe de France et que je vais aider les leaders lors des classiques. Je veux aussi découvrir le maximum de courses pour éventuellement y revenir dans un rôle différent. B.V. : Je souhaite découvrir le métier, les courses, la façon de courir et mon réel profil. Je vais travailler pour le collectif et trouver la qualité qui pourrait me permettre de gagner dans le futur en travaillant dessus.
Comment vivez-vous les critiques sur l’équipe TotalEnergies, accusée de ne pas avoir de résultats ?
L.B. : C’est toujours facile lorsque tu n’es pas dans l’équipe et donc pas au courant des choix. A l’époque de Voeckler, il y avait beaucoup de Français et cela marchait très bien. L’équipe se reconstruit autour de jeunes coureurs locaux. Les entraîneurs savent ce qu’ils font, j’ai confiance en eux. Lorsqu’un coéquipier gagnera une étape de Paris-Nice ou du Tour de France, tout sera oublié.B.V. : C’est motivant pour la suite. J’ai envie de montrer à toutes ces personnes qui ne connaissent pas l’état d’esprit de l’équipe qu’elles se trompent. Notre équipe se restructure, il faut du temps pour que tout se mette en place. Je suis convaincu qu’il y aura de bons résultats cette saison.
Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas eu autant de Limousins chez les pros. Qu’en pensez-vous ?
L.B. : Je trouve ça incroyable. J’ai débuté le vélo à quatre ans. On faisait le trophée de France des jeunes avec Valentin (Retailleau) et notre comité du Limousin n’avait rien comparé aux autres. On était ridicule mais on s’amusait. [...] Pareil pour les Coupes de France de cyclo-cross, quelques années plus tard, on n’avait rien, pas de matériel, pas de roues, mais on continuait à faire les déplacements. [...] Lors de l’assemblée générale de l’UC Condat, le club de mon enfance, la présidente a pleuré en retraçant mon parcours. Cela m’a touché. On peut devenir pro en passant par un petit club ou une structure (Pôle Espoirs de Guéret) qui n’a pas les meilleurs équipements. B.V. : C’est une fierté. Nous ne sommes pas énormement en terme de population en Limousin mais on sort trois coureurs pros. Cela prouve qu’on a les clubs et structures pour performer. C’est grâce au Pôle Espoirs de Guéret, aux clubs, à toutes les courses de la région, aux déplacements avec le Comité du Limousin, etc. Geoffrey SOUPE et Lucas BONIFACE
Postulez-vous au Tour de France dès cette année ? L.B. : Non, même si j’en rêve, forcément. Pour un néo-pro, c’est beaucoup trop. Il y a la pression du résultat, la pression médiatique, tu peux prendre cher tous les jours. Par contre, cela serait beau de faire le Tour ensemble un jour. B.V. : On en rêve tous mais le faire dès la première année, cela ne serait pas un cadeau. C’est un autre niveau, un autre palier, une course de trois semaines. Je pense qu’on n’est pas assez mûr, qu’on n’a pas assez de kilomètres et d’expérience. Il faut apprendre à connaître son corps et ses qualités avant d’y postuler.
Quel est votre rêve de cycliste pro ?
L.B. : Participer à tous les Monuments et au Tour de France, en clin d’oeil à mon oncle (Michel Périn, 7e en 1973). Si on parle de rêve, j’aimerais faire un Top 10 ou un podium sur un Monument. B.V. : Participer au Tour de France et à des courses qui me correspondent comme le Tour du Limousin. L.B. : En fait, le rêve c’est gagner, tout court. N’importe quelle course. Il n’y a pas de petite course. B.V. : Oui notre rêve c’est de gagner. Tout simplement.
Kevin CaoKevin.cao@centrefrance.com