L'IVG bientôt constitutionnalisée : "Il y aura toujours des mouvements pour en contester la légitimité"
L‘IVG, l’interruption volontaire de grossesse, est en passe d’être inscrite dans la Constitution. Le Sénat a, ce mercredi soir, voté un projet de loi en ce sens avec 267 voix pour et 50 contre.
Que de chemin parcouru depuis l’adoption, le 17 janvier 1975, de la « loi Veil ». Ses dispositions avaient été rendues définitives par la loi sur l’IVG en décembre 1979.
D’autres textes, ensuite, ont renforcé ce droit, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui a rendu gratuits l’avortement et les actes l’accompagnant, à la loi du 20 mars 2017, qui a étendu le délit d’entrave à l’IVG créé en 1993, en passant par une loi de 2014 qui avait supprimé la mention de « situation de détresse ». Dernier texte voté, la loi du 2 mars 2022 a porté de douze à quatorze le délai légal de recours à l’IVG. Autant de textes qui l’ont certes facilité, mais pas encouragé : nuance…
Au-delà des parlementaires, c’est tout un pays ou presque qui a admis le bien-fondé de ce droit : en France, en 2022, 234.300 IVG ont été enregistrées en toute discrétion. Et, cependant, voilà les parlementaires à nouveau convoqués pour lui donner une solennité définitive.
Et pour cause : « Dans bien des pays, s’inquiète la sénatrice Dominique Vérien (UDI), le droit à l’IVG régresse. Je pense notamment à la Pologne et aux États-Unis où si Donal Trump repassait… Et la remise en cause du droit d’avortement va souvent de pair avec celle de la contraception. On voit partout monter une religiosité plus radicale, quelle que soit la religion. »
Mortalité« En France, reprend l’élue de l’Yonne, ce n’est certes pas le cas, mais il vaut mieux anticiper. Il y a et il y aura toujours ici ou là des mouvements pour en contester la légitimité. En mai 2023, des stickers anti-IVG avaient été collés sur les Vélib parisiens par le groupe anti-IVG “Les Survivants”. Des locaux du planning familial sont régulièrement tagués et leurs sites, hackés. Très récemment, dans le talk-show religieux dominical “En quête d’esprit” de la chaîne d’info en continu CNews, il a été affirmé que l’IVG était la “première cause de mortalité dans le monde”. La réalité est tout autre. C’est l’avortement illégal qui est une cause de mortalité ! »
La version arrivée, hier, en milieu d’après-midi, au palais du Luxembourg - « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » - avait déjà convaincu l’Assemblée nationale, presque unanime pour soutenir la révision envisagée.
« Garantie »Pour lever les réticences des sénateurs de droite, l’exécutif avait rédigé une version proche du texte que la Chambre haute avait adopté en février 2023 avec l’appui d’une trentaine de voix LR-centristes. Mais l’accouchement avait été difficile : 166 sénateurs avaient voté pour et 152, contre.Seul ajout depuis : le mot « garantie ». Suffisant pour relancer le débat ?L’amendement porté par le sénateur Philippe Bas (LR) pour supprimer ce mot a été rejeté ce mercredi, en début de soirée, par 214 voix contre et 104 pour, ouvrant largement la porte à l’adoption du texte. Et ce, d’autant plus que le patron du groupe centriste, Hervé Marseille, et son homologue LR, Bruno Retailleau, n’avaient, donné aucune consigne de vote à leurs troupes.
Dominique Vérien avait raison d’être optimiste mercredi matin : « Il y a des signes positifs, assurait-elle. Gérard Larcher a compris que freiner la constitutionnalisation du droit à l’avortement, c’était aller à contre-courant de la société. Et les sénateurs ont bien pris conscience de l’enjeu. »La porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot n’attendait, elle aussi, plus qu’un vote positif du Sénat, évoquant dans la journée une possible réunion en Congrès à Versailles du Parlement « la semaine prochaine » pour inscrire définitivement l’IVG dans la Constitution. Ce sera lundi prochain.
Jérôme Pilleyre
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