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Февраль
2024

Pourquoi l'assouplissement du DPE pour les petites surfaces ne suffira pas sortir l'immobilier de la crise

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Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, l'a confirmé lundi 12 février au Parisien. Les petits logements de moins de 40 mètres carrés très pénalisés par le diagnostic de performance énergétique (DPE) tel qu’il est conçu actuellement vont bénéficier d’une révision d’étiquette.« Plus la surface d’un logement est petite, plus la part de l’eau chaude sanitaire (taille du ballon, entre autres, NDLR) pèse sur son classement, sans lien réel avec le nombre d’occupants. Cela aboutit à ce que plus de 27 % des très petits biens, ceux de moins de 40 m2, soient considérés comme des passoires, ce qui ne reflète pasla réalité », a justifié le ministre. 

140.000 logements sauvegardés

Autre point qui handicapait les petits logements : l’indice de compacité thermique, c’est-à-dire le résultat de la somme des surfaces déperditives (portant sur l’extérieur ou sur des locaux non chauffés) divisé par la superficie du bien. Une méthode de calcul là aussi défavorable aux T1 et T2.La réforme devrait consister en une pondération par des coefficients davantage adaptés aux surfaces réduites. La modification de l’algorithme devrait permettre à une bonne proportion des studios de gagner une ou deux étiquettes et, ainsi, desortir de la catégorie des passoires énergétiques (les classes F et G), permettant ainsi leur maintien sur le parc locatif. Cette modification sera effective à compter du 1?? juillet et concerne aussi les bailleurs sociaux, a précisé, lundi soir, le cabinet du ministre.140.000 logements de moins de 40 m² seraient ainsi conservés sur le marché. Soit 15 % des plus de 910.000 classés F et G en F rance. Pour rappel, dès 2025, tous les logements G seront interdits à la relocation. Ce sera aussi le cas des F en 2028et des E en 2034. Des mesures destinées à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre : le secteur du bâtiment produit chaque année près du quart des émissions nationales. 

« Ça ne résoudra pas tout » 

Recul des transactions, baisse du prix au m², pénurie de logements locatifs… Le marché de l’immobilier en France est en crise. Via cette réforme, le gouvernement en tend le soulager. Dans l’ensemble, les professionnels du secteur saluent l’initiative. « Le nouveau DPE a été mis en place sans concertation en 2021 et cette modification va permettre de remettre des appartements à la location, même si on crée un DPE light », se félicite le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron. Même satisfaction chez Bastien Hulin, président adjoint de la chambre des diagnostiqueurs de la Fédération nationale de l’immobilier (CDI-Fnaim). « L’impact du ballon d’eau chaude et de la VMC était beaucoup plus fort sur les petits logements. On demandait ce coefficient de pondération sur la production d’eau chaude sans toucher au moteur de calcul du DPE. Ça va améliorer la situation pour les étudiants et les petits revenus. Mais ça ne résoudra pas tout… »

Danielle Dubrac, présidente de l’Union des syndicats de l’immobilier, qui réunit les professionnels du secteur, abonde : « Cette correction va permettre de passer le cap de 2025 en maintenant dans les logements G les locataires mais très clairement, ça ne va pas suffire : il faut massifier des travaux en copropriété avec des financements associés ». Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier, va plus loin dans la critique : « C’est une mesurette, un rapiéçage de DPE, mais aucunement une mesure de soutien à une offre locative de qualité. Cette crise de l’accès au locatif résulte des difficultés à l’accession à la propriété. On a de moins en moins de propriétaires qui veulent continuer à louer, car les rendements sont insuffisants et il y a de plus en plus de contraintes. En outre, on construit de moins en moins d’appartements qui, avant, étaient soutenus par des réductions d’impôts liés à l’investissement locatif ».

« Juste moins pire »

Corinne Jolly, présidente du site spécialisé de petites annonces immobilières De particulier à particulier (pap.fr), sourit quand on lui demande si cette révision du DPE va détendre le marché. « Bon, en 2025, ce ne sont plus 900.000 logements qui vont être enlevés du parc immobilier, mais 760.000, avec les 140.000 logements qui, via cette réforme, vont sortir de la catégorie passoires énergétiques. C’est juste moins pire. »

À plus long terme, Corinne Jolly affirme que « les objectifs de calendrier du DPE restent inatteignables. Des logements F et G, il y en a 5 millions en France et on est censés les avoir rénovés en 2028. Or, le gouvernement affiche comme ambition la rénovation en 2024 de 200.000 logements ! Il faudrait que ce soit cinq fois plus ! » Conséquence de cette équation impossible : le mal-être des propriétaires bailleurs qui hésitent entre deux options : vendre leur bien avec une décote ou financer des travaux onéreux pour pouvoir continuer à louer. « Ils se renseignent, cherchent, ils sont très sceptiques. Il faut dire que le fait qu’on soit encore en train de corriger le “thermomètre” à dix mois de l’application de la première interdiction, c’est hyper inquiétant. En fait, on n’a toujours pas le bon thermomètre alors que ça fait quinze ans que le DPE existe. »

Un simulateur

Le gouvernement semble vouloir aller vite. Depuis mardi, un simulateur de l’Ademe permet à ceux qui disposent déjà d’un DPE de vérifier s’ils sont concernés par la réforme et de savoir si la lettre est améliorée. L’information est disponible immédiatement, gratuitement et ne nécessite pas de recourir à un diagnostiqueur. En pratique, il suffit d’indiquer dans le cadre dédié le numéro du DPE (13 chiffres et lettres en haut à droite de la première page du diagnostic) et le résultat initial du DPE apparaît avec, plus bas, le résultat corrigé si correction il y a. Si le nouveau mode de calcul améliore votre note, vous pourrez imprimer ou télécharger une nouvelle attestation officielle à partir du 1er juillet 2024. Au total, ce sont 3,32 millions de petits logements qui, potentiellement, pourraient voir leur étiquette améliorée. 

 

Nicolas Faucon