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Февраль
2024

Les consultations citoyennes par scrutin ont-elles leur place dans le Brivadois ? Des élus répondent

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Le 4 février dernier la ville de Paris invitait, pour la deuxième fois en moins d’un an, ses électeurs à se prononcer sur une question de politique de la ville. Si, dans le Brivadois, une consultation citoyenne a été organisée en 2023 par la commune de Chanteuges (voir par ailleurs), ces initiatives sont le plus souvent inexistantes. Pourquoi ne pas avoir plus souvent recours à la démocratie participative ? Quelques maires ont accepté de répondre à cette simple question.

D’autres façons d’interroger les citoyens

" Nous ne l’avons jamais fait jusqu’à maintenant, reconnaît celui de Brioude, Jean-Luc Vachelard. Avec la démocratie participative, il faut faire attention à la question qui est posée, comme au national. " Et l’élu, qui rappelle les faibles taux de participation auxquels se sont confrontés les scrutins parisiens (5,7 % des électeurs en février 2024, 7,5 % en avril 2023), d’expliquer l’une des craintes qu’il a vis-à-vis de ce type de consultation :

On a toujours un peu peur que les gens ne votent pas en lien avec la question posée, mais plus en réaction à l’équipe qui la pose… .

Des propos qui trouvent un écho chez le maire de Langeac, Gérard Beaud. " À un référendum, on ne peut répondre que par oui ou non. Il faut faire attention à la question. Et derrière, il peut y avoir des ambitions politiques. "

Si, dans ses souvenirs, Langeac n’a jamais eu recours à un scrutin pour une question de politique locale, son maire a quand même déjà demandé l’avis des citoyens. " Quand il a été question de connaître l’avis des gens sur le choix d’éteindre les lumières la nuit, on a lancé un questionnaire. Les gens avaient plusieurs possibilités de réponse. On préfère faire de cette manière-là. Et quand on souhaite améliorer l’accueil à la mairie, on laisse un document à disposition des gens pendant plusieurs mois. " Pour Gérard Beaud, deux autres arguments viennent se poser en défaveur d’un scrutin : " Il y a aussi une question de projet. Quand on a été élu, on l’a été sur le programme que l’on portait. Et quand on est républicain, on respecte ce vote. " L’autre concerne la taille de la commune : " Pour un scrutin, il faudrait que l’on soit éloigné de notre population. Or, on est au contact. Quand quelque chose ne va pas, on le sait vite. Et il nous est arrivé de faire des sondages ciblés sur les riverains concernés. Cela a été le cas avec les arbres de l’avenue de la Gare. Et je crois plus à l’échange, à l’organisation de réunions publiques. " Un avis que partage Jean-Luc Vachelard : 

On connaît nos citoyens. On les voit, on discute avec eux. La démocratie rurale, c’est être sur le terrain. Le scrutin est peut-être moins nécessaire chez nous qu’en agglomération.

Dans une commune plus petite, à Paulhaguet, le maire, Gérard Belin ne voit pas vraiment l’intérêt de recourir à un scrutin. Lui aussi rappelle que les élus ruraux rencontrent facilement leur population. " Cela ne nous est jamais venu à l’idée. Et en général, on pense que cela va arranger les choses alors que dans nos petits villages, ça risquerait plutôt de diviser les gens. Pour le moment, je n’y pense pas. Et quand tout se passe bien, il ne faut pas compliquer les choses… "

Une mobilisation qui a un coût

Si Sainte-Florine n’a pas non plus eu recours au vote citoyen pour une question de politique locale, son maire, Raymond Fouret, avoue ne pas se l’interdire. 

Cela peut être envisageable, mais il faut que ce soit un sujet qui touche l’ensemble de la population de la commune. Et être sûr que les gens se déplacent, qu’il y ait plus d’un dixième de la population qui participe. À Paris, il n’y a pas eu grand monde, on voit la valeur du résultat…

Au registre des sujets qui pourraient faire l’objet d’une consultation citoyenne, il cite notamment un dilemme au sein du conseil : " Quand il y a un doute au sein des élus qui vaille la peine d’interroger les habitants. " Lui-même, quand il n’était encore qu’adjoint, avait pensé au référendum : " J’avais eu l’idée quand on a évoqué la coupure de l’éclairage public une partie de la nuit. Pour ça, il fallait que la population connaisse tous les tenants et aboutissants de cette proposition, notamment en termes écologique et économique. Mais finalement, cela a été décidé au conseil à l’unanimité. Le maire était contre le référendum et la suite lui avait donné raison : sur 3.200 personnes, si une dizaine est venue se plaindre, c’était bien le maximum… " Raymond Fouret rappelle un autre point important lié à l’organisation d’un scrutin : " Cela demande une mobilisation importante : des personnes pour assurer le scrutin, l’encadrer, le dépouiller. Et cela a un coût : il faut mobiliser le personnel communal. " À Paris, selon France bleu, le vote organisé sur les trottinettes en libre-service organisé en avril 2023 avait coûté 390.692 euros à la municipalité…

Chanteuges a déjà consulté deux fois ses habitant

En avril dernier, la commune de Chanteuges a eu recours à une consultation publique sous forme de scrutin. La maire, Sandrine Roux, s’explique sur l’utilisation de cet outil de démocratie participative ayant, à son sens, toute sa place. " Nous avons eu recours à cette consultation à propos du projet de microcentrale hydroélectrique. Il y a un enjeu visuel et écologique. Nous, le conseil, sommes plutôt contre ce projet de la communauté de communes, mais on voulait avoir l’avis des habitants sur le sujet. On a pris le parti de demander en sachant que l’on pourrait avoir un résultat inverse. Et ce qui a nous a également poussés, c’est d’avoir un avis des habitants à montrer aux élus de la com’com. "

Des votes pas toujours en accord avec l’avis des élus

Ce qui n’empêche pas la municipalité d’avoir recours à d’autres formes de consultation.

On prend aussi beaucoup de temps pour faire des réunions publiques. Mais celles-ci n’ont pas de valeur juridique. La consultation publique n’en a pas beaucoup plus, certes, mais c’est cadré : seuls peuvent voter les gens inscrits sur les listes électorales. Et la question doit être claire. 

En avril, la participation était de 52 %. Meilleure qu’une précédente consultation publique à Chanteuges. " Je n’étais pas maire à l’époque, mais nous en avions fait une pour savoir si les habitants étaient pour ou contre l’extinction nocturne de l’éclairage public. On avait alors eu 18 % de participation. " Et les résultats obtenus ne sont pas forcément ceux espérés par les élus, comme le rappelle Sandrine Roux. Si, en avril, les votants étaient en grande majorité de l’avis du conseil, cela n’avait pas été le cas lors de la consultation sur l’éclairage : " À l’époque, les élus étaient plutôt contre l’extinction. Et les électeurs ont voté pour. " Le conseil municipal ne s’interdit pas d’avoir à nouveau recours à ce type de consultation. Mais pas pour n’importe quoi :

Il faut des sujets qui concernent tout le monde. Qui soient très structurants ou très impactants. Et qui n’apparaissaient pas dans le programme électoral de l’équipe municipale.

Et dans ces conditions il a, pour la maire, toute sa place : « C’est une façon d’être transparent. Et d’asseoir un projet. »

Investissement humain

Quant au coût de l’exercice ? " C’est surtout de l’investissement humain. Certes, il faut payer les enveloppes, l’impression des listes électorales et des bulletins, mais à l’échelle de Chanteuges, cela représente environ 400 €. Pour l’organisation, c’est le conseil municipal, on ne mobilise pas d’employé communal. " Et la démarche a ses adeptes. L’élue avoue en effet avoir reçu une dizaine de courriers félicitant la commune pour cette démocratie participative.

Pierre Hébrard