ru24.pro
World News in French
Февраль
2024

Au-delà du cas Mayotte, l’offensive de LR et du RN contre le droit du sol

0

C’est Noël tous les jours, en ce moment, pour le Rassemblement national. Pas une semaine ne se passe sans que le parti d’extrême droite ne revendique une "victoire idéologique". Dernière en date : l’annonce de Gérald Darmanin d’une révision constitutionnelle pour supprimer le droit du sol sur l’île de Mayotte, en proie à un important flux d’immigration illégale. "Il y a beaucoup de travail à Mayotte, comme il y en a d’ailleurs en Guyane, pour instaurer la loi de République. Parce qu’il n’y a pas deux catégories de Français et pas deux catégories de territoires", assurait pourtant Gérald Darmanin en 2018 sur France 2 lors d’un débat face à Jean-Marie Le Pen. "Marine Le Pen a été entendue", "Que de temps perdu" fanfaronnent les frontistes, qui portent cette mesure depuis des années. Le RN insiste sur ce prétendu succès pour s’extraire de son isolement doctrinal et parachever son entreprise de dédiabolisation. Comme il l’avait fait après le vote de la loi immigration, décelant avec emphase dans la restriction de l’octroi des APL aux étrangers une instauration de la "priorité nationale". Et puisque la brèche est ouverte, pourquoi s’arrêter là ?

"Pourquoi ce qui est possible à Mayotte ne le serait pas sur l’ensemble du pays ?, feignait de s’interroger, sur France info ce lundi, le président du parti Jordan Bardella. Il faut supprimer le droit du sol sur l’ensemble du territoire." Ce changement de pied du gouvernement permet au RN de remettre sur la table sa proposition historique et d’avancer ses pions dans cette bataille culturelle. Au prix d’un parallèle hasardeux entre la situation à Mayotte et dans l’Hexagone. "Ce qui est en train de se passer à Mayotte est à regarder avec grand intérêt, parce que c’est le futur de notre territoire", assurait encore ce matin Jordan Bardella, faisant fi des différences entre les situations mahoraise et métropolitaine : selon l’Insee, Mayotte est peuplée de 310 000 habitants dont 48 % sont des immigrés comoriens ou venus d’autres pays d’Afrique.

"Certains veulent se racheter une virilité après la séquence de la loi immigration"

Le président de la formation d’extrême droite s’est trouvé un allié en la personne d’Eric Ciotti. Le patron de LR a appelé dimanche sur X (ex-Twitter) à supprimer le droit du sol "partout sur le territoire national", tant "ce qui se passe à Mayotte risque de toucher demain la France métropolitaine". Le député des Alpes-Maritimes avait lancé cette proposition dès la primaire de 2021 pour enrayer le délitement de "l’âme française". Le sujet devrait être ce mardi au menu de la réunion du groupe des députés LR.

Aujourd’hui, la droite s’est acquise à l’idée de restreindre ce mécanisme d’attribution de la nationalité française. Une proposition de loi présentée cet automne par LR prévoyait "d’effacer" le droit du sol si les parents étrangers étaient en situation irrégulière au moment de la naissance de l’enfant ou en cas de casier judiciaire lors de la demande de nationalité. "La restriction du droit du sol est une nécessité pour tout le territoire français", défend l’eurodéputé François-Xavier Bellamy. Un cadre LR déplore en revanche un "débat tarte à la crème." "La question fondamentale de notre immigration intérieure n’est pas le droit du sol. Mais certains veulent se racheter une virilité après la séquence de la loi immigration."

Une menace pour l’exécutif

Le dépôt d’un projet de loi constitutionnel sur Mayotte permettrait à LR de faire vivre ce débat à travers le dépôt d’amendements. Mais, consciente qu’elle ne pourra rien faire voter seule, la droite assure qu’elle ne mènera pas cette guerre culturelle à tout prix et qu’elle votera une restriction du droit du sol limitée à Mayotte. Avec un argument déjà rodé : la situation sur l’île relève de l’urgence, et pas de la négociation.

Cette double offensive est une menace pour l’exécutif. Aucune majorité ne peut se former à l’Assemblée pour tailler en pièces le droit du sol. Mais elle peut nourrir une confusion entre un projet gouvernemental circonscrit à un territoire et un projet national porté par des oppositions. Au pragmatisme brandi en étendard par le pouvoir répondent des démarches d’essence idéologiques. "On ne doit pas passer pour ceux qui viennent sur les terres du RN", résume le sénateur macroniste François Patriat. Perdre cette bataille de communication, c’est offrir une victoire culturelle à l’extrême droite. Et qu’importe la situation exceptionnelle à Mayotte. En politique, perception et réalité ne font qu’un.