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Февраль
2024

A bord de la voiture radar de la police nationale, à Clermont-Ferrand : "L'idée n'est pas de matraquer mais de faire ralentir"

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A bord de la voiture radar de la police nationale, à Clermont-Ferrand :

Vous vous êtes fait flasher sans vous en rendre compte et sans que l’on vous arrête ? Derrière ce PV se cache sans doute une voiture radar, l’une des armes les plus redoutables pour traquer les excès de vitesse. Nous avons embarqué à bord de l’une d’elles, à Clermont-Ferrand.

La berline banalisée quitte le commissariat de Clermont-Ferrand, aussi furtive qu’un félin puis se fond dans la circulation, totalement anonyme. Rien n’indique qu’il s’agit là du plus sophistiqué et redoutable véhicule de la police nationale : près de 38.000 PV à elle seule en 2022 et plus de 29.000 en 2023. À part, peut-être, cet imposant boîtier photo planté sur le tableau de bord. Ou les uniformes – obligatoires – de deux fonctionnaires installés à l’avant.

Ce matin d’hiver, la voiture radar ou équipement terrestre mobile (ETM), l’une des composantes de la brigade de sécurité routière, s’apprête à traquer petits et grands excès de vitesse partout dans l’agglomération.

"Tous les jours, avant de partir, on regarde les mains courantes pour voir s’il y a eu des accidents la veille"

"Si c’est le cas, pendant une semaine, on met le secteur à blanc, pour marquer le coup." Le langage est martial car c’est bien de guerre dont il s’agit. Une lutte de longue haleine contre la vitesse, première cause d’accidents mortels en France, encore trop présente sur les routes puydômoises, aussi bien dans les zones rurales qu’en ville. Démonstration avenue de l’Agriculture, l’un des axes sortants les plus fréquentés de Clermont-Ferrand. Sur cette trois voies, véritable rampe de lancement avant de déboucher sur l’A711 qui mène à Lempdes, nombre de conducteurs ont tendance à appuyer lourdement sur l’accélérateur. Or, la vitesse y est limitée à 50 km/h.

L'antenne radar bien cachée

L'ETM se positionne sur un trottoir, du côté droit de la circulation. Sans quitter son siège, le gardien de la paix Sylvain paramètre la tablette tactile qui permet de contrôler le radar embarqué. Adresse, conditions météo, sens de détection, arrêté municipal faisant foi sur cet axe… Des informations obligatoires qui permettront de valider le PV. "On met en route et c’est parti." L’antenne radar, dissimulée dans la plaque d’immatriculation, entre en action, détectant les vitesses des véhicules qui arrivent par l’arrière et la transmettant à une unité centrale cachée dans le coffre. "La voiture prend à partir de 61,2 km/h", précise le policier.

Le radar est géré à partir d'une tactile où sont entrées les données propres à chaque contrôle et où apparaissent les photos des voitures flashées. À peine vingt secondes se sont écoulées et déjà la photo d’une première voiture apparaît sur la tablette, immortalisée à 77 km/h. Puis deux autres, dans la foulée, à 65,5 km/h et 79 km/h. Aussitôt après une quatrième… En une minute, déjà neuf conducteurs flashés. Et ce, sans être arrêtés ni même s’en rendre compte sur le moment. Le radar embarqué, assorti d’un boîtier infrarouge, n’émet pas de lumière. Seule façon pour l’automobiliste d’échapper à cette chausse-trappe routière aussi invisible qu’imparable, les applications de trafic comme Waze ou les pages Facebook spécialisées. Le radar embarqué a beau être discret depuis sa mise en circulation dans l’agglomération, en 2018, les conducteurs les plus avisés le connaissent déjà bien.

Au bout de cinq minutes, avenue de l’Agriculture, la berline est déjà signalée sur les réseaux sociaux. Comme par magie, le trafic ralentit… Le point de contrôle est déjà compromis mais la caméra a tout de même piégé 28 voitures sur 62 mesurées. Cette arme implacable peut aussi flasher en roulant. Il suffit aux policiers de mettre la plaque dans l’axe de circulation. "Dans ce cas-là, c’est notre voiture qui sert de référence. Quand est sur une voie à 110 km/h, il faut donc que l’on nous double franchement." Les axes aussi rapides ne sont pas nombreux à Clermont-Ferrand et sa banlieue, contrairement aux zones à 30 km/h, qui se sont multipliées. Sachant que pour des raisons techniques, le radar ne peut fonctionner qu’à partir de 50 km/h, "on ne peut pas travailler correctement en mode mouvement dans l’agglomération".

L'antenne radar est dissimulée derrière la plaque d'immatriculation de la voiture. Une maigre consolation, sans doute, pour ceux qui voient dans cet outil de répression une « pompe à fric », incapable de distinguer le vrai danger public du conducteur distrait. Certes, avec ses milliers de photos par an, le coût de ce véhicule, évalué à près de 100.000 €, a été largement amorti. Mais le pilote de la voiture radar l’assure : "Nous n’avons pas de quota. On tourne à environ 150 photos par jour. Le but n’est pas de matraquer mais de les faire ralentir".

Des résultats sur certains axes

L’équipe mobile terrestre peut aussi intervenir à la suite de l’appel d’un riverain témoin du passage régulier d’un fou du volant. "On va faire trois ou quatre jours sur le site concerné et on fait remonter l’information à la personne." Avec parfois des résultats. "Depuis des années, on fait le boulevard Edgard-Quinet et ça roule beaucoup moins vite aujourd’hui." Idem avenue de l’Agriculture. "On y a fait des vitesses astronomiques pendant longtemps et seulement quelques-unes aujourd’hui."

La brigade de sécurité routière n’est pas tournée que sur le répressif. Inlassablement, Séverine Malhanche, à sa tête, se rend auprès de tous les publics pour les sensibiliser au danger de la vitesse. "Plus on roule vite, plus la distance de freinage s’allonge et en ville, cela ne pardonne pas", martèle-t-elle. Les chiffres qu’elle livre au gré de ses interventions sont implacables. "À 50 km/h, il faut 25 mètres pour s’arrêter et à 60 km/h 36 mètres. Or, onze mètres, cela suffit pour ramasser un piéton." Pour elle, la prévention est indispensable pour faire prendre conscience de cette réalité. "Parfois, quand je sors le réactomètre, un logiciel qui permet de simuler le temps de réaction d’un conducteur, certains hallucinent."

Combat de longue haleine

Un travail indispensable au vu des comportements à risque et du nombre d’accidents mortels en hausse sur les routes du Puy-de-Dôme. Mais un travail de longue haleine. "Le routier, c’est comme les stups, c’est un puits sans fond. Mais il ne faut pas s’arrêter. On travaille main dans la main avec d’autres acteurs de sécurité routière et j’espère qu’un jour on va y arriver."

Olivier Choruszko