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Февраль
2024

"Elle veut peser sur 2027" : Elisabeth Borne à l’Assemblée, les coulisses de sa rentrée

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Elisabeth Borne ne l’a pas oublié. Au soir de son limogeage de Matignon par Emmanuel Macron, la Première ministre reçoit un bouquet de fleurs expédié par Gérald Darmanin. Une longue guerre d’usure prend fin. Chacun peut pardonner à l’autre ses avanies. Elle, l’offensive estivale du locataire de Beauvau pour lui chiper sa place. Lui, le sabotage de sa rentrée politique à Tourcoing. La rivalité est éteinte, la paix peut être signée. L’examen du projet de loi immigration avait esquissé cet armistice. Chargés par le chef de l’Etat d’obtenir un accord à toux prix avec la droite, Élisabeth Borne et Gérald Darmanin avaient travaillé en bonne intelligence. Et partagé un dîner, avant Noël, dans un restaurant de fruits de mer.

Depuis, ils ne se quittent plus. Les deux compères ont déjeuné ensemble ce mardi 6 février, après les vacances marocaines de l’ex-cheffe du gouvernement. La donne a changé. Élisabeth Borne est redevenue députée du Calvados. Devenue, plutôt. Elue lors des législatives de juin 2022, elle n’a jamais siégé à l’Assemblée nationale, puisque nommée à Matignon avant son élection. L’élue Renaissance fera son retour ce mardi au Palais Bourbon, à l’occasion d’une séance de questions au gouvernement (QAG).

Déjeuner avec Braun-Pivet et Darmanin

Élisabeth Borne prépare avec minutie cette nouvelle vie. Elle a déjeuné le 5 février avec la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, trois jours après avoir pris un café avec son prédécesseur Richard Ferrand. Elle a rompu le pain avec son successeur Gabriel Attal, échangé avec des ministres - comme Roland Lescure - et des députés. N’hésitant pas à envoyer des clichés de son escapade marocaine. Ses interlocuteurs décrivent une femme "motivée", "pas aigrie" et soucieuse "d’apprendre". Mordante, aussi. Un ancien membre du gouvernement, sondé pour un déjeuner, a répliqué avec perfidie à son invitation : "On dira du mal de tout le monde." "On devrait y arriver", lui a-t-elle répondu avec humour.

La majorité prépare cette arrivée. Le patron du groupe Renaissance Sylvain Maillard a échangé fin janvier avec sa nouvelle collègue. Élisabeth Borne siégera à la Commission des affaires étrangères, alors que son suppléant était aux affaires sociales. Elle a informé de ce choix par SMS son président Jean-Louis Bourlanges, avant de converser quelques minutes avec lui en marge de l’hommage national aux victimes françaises du Hamas. "C’est une commission très adaptée pour un ancien Premier ministre, juge le centriste. Elle est prestigieuse et très dégagée des querelles internes."

Cajoler l’ex-cheffe de gouvernement sans l’exposer aux coups : le camp présidentiel tente de résoudre cette équation. Ainsi, Élisabeth Borne occupera une place centrale dans l’hémicycle - le siège 255, actuellement occupé par Ingrid Dordain Saint - et éloignée des oppositions. "On fait cela avec tous les ministres, glisse une collaboratrice Renaissance. On ne va pas les asseoir à côté des LFI." Comme l’a révélé Politico, le cas Borne s’est invité au menu d’un déjeuner réunissant la direction du groupe Renaissance à l’Assemblée. La députée des Yvelines Nadia Hai a proposé d’organiser un pot à la questure rassemblant les ministres de retour à l’Assemblée, comme Olivier Dussopt ou Élisabeth Borne, et leurs suppléants. Autre interrogation : faut-il lui réserver un traitement particulier mardi lors de sa première réunion de groupe ou l’accueillir comme une députée ordinaire ?

"Ce n’est pas déshonorant pour elle"

Élisabeth Borne n’est pas une parlementaire lambda. Une députée Renaissance a manqué de s’étouffer quand elle a appris que la polytechnicienne allait rejoindre l’hémicycle. "Tu es sérieuse ?", lui a-t-elle lancé. Il semble que oui. En déplacement dans sa circonscription du Calvados jeudi, elle s’est dite "heureuse de retrouver des députés avec lesquels (elle) travaille depuis 2017" et a assuré vouloir "aller au bout de son mandat". Une réponse à ceux qui l’envoient déjà au Conseil constitutionnel ou dans le privé. "Elle a pris goût à la politique, note un conseiller ministériel. Elle veut peser sur la ligne de 2027 et se montre attentive à ce que le bloc central demeure."

Un retour, mais pour quoi faire ? L’Assemblée est entravée par la majorité relative, tandis que le Premier ministre Gabriel Attal compte réformer davantage par voie réglementaire que législative. Une peur du vide étreint les parlementaires face à l’ordre du jour des prochains mois. L’hémicycle est un chaudron menacé de tourner à vide. "C’est dans ces moments plus calmes qu’on peut travailler des questions de fond, défend le député de Paris David Amiel. Cela va davantage l’intéresser que faire des batailles d’amendement sur des PJL." "Ce n’est pas déshonorant pour elle de revenir au Parlement, ajoute une ministre. C’est un beau mandat. A elle maintenant de le définir et d’en faire ce qu’elle veut."

De l’avis général, Élisabeth Borne ne compte pas structurer l’aile gauche de majorité, vieille antienne en Macronie. "Je ne la vois pas en animatrice de micro-chapelle au vu des responsabilités fortes qu’elle a exercées", tranche une cadre Renaissance. Le dimanche 7 janvier, elle proposait encore à Emmanuel Macron un gouvernement resserré : pourquoi ne pas regrouper Bercy et le Travail ? Fusionner énergie et écologie ? Education et enseignement supérieur ? Passer en deux mois d’architecte d’un dispositif gouvernemental à administratrice d’une boucle Télégram n’est guère exaltant. Et puis, l’élue du Calvados n’a pas cultivé une relation forte avec les parlementaires lors de son passage à Matignon. Elle ne bénéficie pas d’un réseau d’élus, comme Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire. "Elle connaît mal ce groupe dans toutes ses composantes", note une députée. Là réside peut-être son premier défi : se familiariser avec une majorité diverse. Avant de nouer un compagnonnage politique ?