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Февраль
2024

A Moulins, des trésors du Grand Siècle oubliés retrouvent la lumière

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Non, le XVIIe siècle n’est pas seulement celui de Louis XIV et de la construction du château de Versailles. Le Grand Siècle reste finalement assez méconnu. C’est encore plus vrai dans le Bourbonnais, tant la période a été éclipsée par la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance, quand Anne de France s’était entourée des plus grands artistes français et étrangers de l’époque. En portant à hauteur d’œil ces immenses tableaux souvent oubliés au fond des églises du Bourbonnais (Moulins, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bressolles, Souvigny…), le Musée Anne-de-Beaujeu invite à redécouvrir cette période riche, "avec des artistes de premier plan. Il y a eu beaucoup de redécouvertes ces dernières années, et encore beaucoup à découvrir", souligne la co-commissaire de l’exposition Giulia Longo, ancienne conservatrice du musée Anne-de-Beaujeu (elle a depuis rejoint l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, à Paris).

Un siècle synonyme d'activité artistique intense

"Le Grand Siècle a été marqué par des épidémies, des conflits très durs. En Bourbonnais, il régnait un certain calme car on était éloigné des frontières. Il n’y a plus de grands mécènes, la richesse n’y est pas grande, mais il n’y a pas, non plus, de grande pauvreté", explique Guennola Thivolle, conservatrice des antiquités et objets d’art du département de l’Allier, autrice d’une thèse sur les pratiques de la commande picturale en Bourbonnais entre 1531 et 1790 et cocommissaire de l’exposition. "Les familles qui secondaient les ducs de Bourbon continuent à passer commande pour décorer leurs demeures privées et les chapelles. On embellit les édifices religieux pour prendre le contre-pied de l’iconoclasme protestant". 

Giulia Longo dans la salle présentant les principaux commanditaires de l'époque.  Guennola Thivolle, co-commissaire de l'exposition. Le siècle aura donc été synonyme d’activité artistique intense, liée aux commandes de la noblesse et du clergé, donnant naissance à des chefs-d’œuvre, comme le mausolée et le plafond de la chapelle de la Visitation, à Moulins. Ce dernier, reconstitué dans l’exposition, est signé Rémy Vuibert, élève de Simon Vouet et collaborateur de Nicolas Poussin, un des plus grands peintres du XVIIe. Les visiteurs découvriront aussi un dessin préparatoire. Les commanditaires n’hésitent pas à solliciter des artistes installés en dehors de la région. La présence à Moulins de la duchesse de Montmorency, la plus célèbre d’entre eux, occasionne une nouvelle floraison de tous les arts dans le Bourbonnais : architecture, sculpture et peinture.

Mythologie, littérature

Un des chefs-d'œuvre de la nouvelle exposition : Le Roland furieux. Les sujets ne sont pas seulement religieux. Dans les demeures privées, on veut montrer qu’on est cultivé, on choisit donc des sujets mythologiques, littéraires. Une des œuvres présentées, anonyme, fait penser à une bande dessinée, avec trois niveaux de lecture : le Roland furieux, du nom d’une fresque guerrière et amoureuse sur fond de croisade. "S’agit-il d’un modèle pour un carton de tapisserie ? On l’ignore".Tableau orientalisant avant l'heure. 

Des styles artistiques éclectiques

"Le titre de l’exposition, baroque, est un peu réducteur car plusieurs courants artistiques sont représentés, le maniérisme, le clair-obscur, l’école caravagesque [à la manière du peintre italien Le Caravage], on a même un tableau orientaliste avant l’heure", explique Giulia Longo. "Ces tableaux sont passionnants d’un point de vue historique, car on y trouve souvent les armoiries ou le portrait du commanditaire", souligne Guennola Thivolle.

Reconstitution du plafond de la chapelle de la Visitation. Photo Corentin GaraultLes sujets ne sont pas seulement religieux et les courants artistiques, multiples.  Un médecin qui inspira Molière

Autre commanditaire important de l’époque, le Moulinois Charles Delorme, qui fut médecin de trois rois de France, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV : "C’était un personnage. Il parlait latin tout le temps, il a servi de modèle à Molière".Guennola Thivolle et Giulia Longo, les deux commissaires de l'exposition Tresors du baroque. Ambiance de salon baroque au musée Anne Beaujeu. Photo Corentin Garault. Dans un décor très travaillé de cocon baroque, avec des canapés invitant à profiter des œuvres, l’exposition insiste aussi sur la circulation importante des artistes de l’époque. Ainsi l’Italien Giovanni Gherardini décora le plafond de la bibliothèque du collège des Jésuites, actuel palais de justice de Moulins (aussi reconstitué dans l’exposition). Une vidéo permet de retracer ses voyages, de l’Italie à la France et à la Chine. 

Les tableaux exposés proviennent d’une dizaine de communes de l’Allier, du musée d’art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand, le musée de la Visitation à Moulins, ou encore, le musée du château de la Louvière à Montluçon. Les estampes et dessins ont été empruntés au musée du Louvre ou à des collectionneurs privés, des sculptures et documents issus des fonds des archives départementales de l’Allier et de la Nièvre.

Ariane Bouhours

Pratique. L'entrée de la nouvelle exposition Trésors du baroque. Musée Anne-de-Beaujeu, place du Colonel-Laussedat à Moulins. De septembre à juin, du mardi au samedi, 10 h à 12 h et 14 h-18 h. Dimanches et jours fériés, 14 h à 18 h. Fermé le 1er mai. En juillet-août, du lundi au samedi, 9 h 45-12 h 30 et 14 h-18 h 30. Dimanches et jours fériés, 14 h à 18 h 30. Plein tarif : 5 €. Tarif réduit, 3 €. Gratuit jusqu’à 17 ans. Visites commentées. Dimanche 25 février à 15 h 30 et jeudi 29 à 14 h 30. Mercredi 6 et dimanche 24 mars à 15 h 30. Mercredi 3, dimanche 7, à 15 h 30, jeudi 18 et jeudi 25 avril, à 14 h 30. Dimanche 26 et mercredi 29 mai. Dimanche 23 et mercredi 26 juin. Réservation conseillée, tarif plein 8 € ; réduit, 4 €. Gratuit jusqu’à 16 ans. 04.70.20.48.47 En chiffres. 30 : Une trentaine de tableaux sont exposés 10 : Ces tableaux sont originaires d’une dizaine de communes du département de l’Allier 6 : Six grands tableaux ont été restaurés, grâce au soutien financier de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, le Conseil départemental de l’Allier et la Fondation du patrimoine.Des composants des peintures à humer. Photo Corentin Garault Parcours jeunesse. L’atelier d’un peintre est reconstitué. Les plus jeunes pourront admirer les couleurs utilisées, toucher des outils, humer des ingrédients utilisés dans la fabrication des peintures : huile de lin, résine de pin... D’autres modules sont proposés aux enfants.