Il y a deux siècles, Thiers était déjà un bassin de la coutelleri(z)
Patrice Fournet est historien indépendant et généalogiste à Clermont-Ferrand. Son métier consiste notamment en des recherches sur le foncier et le bâti pour les personnes intéressées par l’histoire de leur terrain.
Pourquoi une étude sur la culture du riz à Thiers ?
À Thiers, un projet universitaire en lien avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) est en cours. C’est pour ce projet, sur les aménagements de cours d’eau de la basse vallée de la Durolle et de la Credogne, qu’on m’a demandé de faire des recherches sur les anciennes rizières thiernoises.
Comment avez-vous conduit vos recherches ?
Dans les années 1740, tout était recensé dans des documents stockés à l’Intendance d’Auvergne, qui peut aujourd’hui être considérée comme l’équivalent de notre Conseil départemental. Ces documents sont encore disponibles à l’étude de nos jours. On trouve entre autres un dossier sur une épidémie qui s’est propagée à Thiers entre 1741 et 1742. Je suis parti de cela pour mes recherches. Je me suis attaché à extraire tous les petits indices qui apparaissaient en filigrane sur la culture du riz, et je les ai mis bout à bout pour constituer mon dossier.Dans le bassin Thiernois, en 1740 et 1741, on trouvait des rizières du côté du Moutier et de Puy-Guillaume.Qu’avez-vous découvert ?
On savait déjà qu’à cette époque-là, la France avait connu plusieurs périodes de disette. Pour tenter d’y remédier, le pouvoir royal a décidé d’expérimenter la culture du riz sur ses terres. En 1740, la ville de Thiers se retrouve donc site pilote de la culture du riz en Auvergne, pas très loin du Moutier. Après une première récolte plutôt correcte, il est décidé de reconduire l’expérimentation en l’agrandissant. Une quinzaine d’hectares de terrain est transformée en rizière du côté du Moutier, tandis qu’à Puy-Guillaume, on installe une nouvelle culture, vers la Bâtisse.
Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui on ne se souvient qu’à peine de cet épisode de l’histoire thiernoise ?
Pour moi, cela est dû au fait que l’histoire de la peste de Thiers a pris le pas sur celle de la culture du riz. En effet, en 1741, une épidémie se propage dans la cité des couteliers, et fait 1.200 victimes en un an. C’est une hécatombe. Beaucoup de voix s’élèvent, accusant les eaux stagnantes des rizières. Aujourd’hui, on sait que cette peste est plutôt due à un problème d’insalubrité. Mais, toujours est-il qu’à cause de cette épidémie, la culture du riz a dû être stoppée.
Pensez-vous que Thiers serait devenue précurseure de la culture de cette céréale ?
Je n’en suis pas sûr. Je pense que l’essai aurait continué sans la peste, mais on faisait déjà état d’un problème de maturité du riz à la deuxième culture. Le climat du bassin était sûrement trop frais pour avoir un rendement impeccable.
Fanny Rodriguez