Incendies meurtriers au Chili, chaleur extrême : le sud de l’Amérique latine suffoque
Depuis vendredi 2 février, le Chili est en proie à de violents incendies. Des quartiers d’habitations entiers dévastés, des voitures calcinées, des milliers logements détruits… Au total, ce sont près de 26 000 hectares qui ont été réduits en cendres. Et le bilan humain ne cesse de grimper. En seulement quelques heures, le décompte des victimes a doublé, passant d’une cinquantaine de personnes à plus d’une centaine de morts dans la région de Valparaíso, dans le centre du Chili et à environ 120 kilomètres au nord de la capitale, Santiago.
"Nous devons dire, avec l’information reçue du service médico-légal qu’il y a 112 personnes tuées, 32 corps identifiés", a précisé le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Manuel Monsalve, lors d’une conférence de presse dimanche soir. Quelques heures seulement après les déclarations du président chilien, Gabriel Boric, depuis une petite commune de la région du Valparaíso, Quilpué, dont des quartiers entiers ont été carbonisés. Le chef de l’Etat chilien avait alors annoncé 99 morts, avertissant que leur nombre allait "augmenter de manière significative".
Des zones difficiles d’accès
Un bilan qui risque encore de s’alourdir ce lundi, alors que les pompiers peinent à maîtriser les flammes. Une quarantaine de foyers étaient toujours actifs dimanche soir, localisés dans des zones difficiles d’accès, selon l’agence de presse Reuters. La station balnéaire de Viña del Mar est notamment particulièrement touchée. Sa maire, Macarena Ripamonti, et le gouverneur de la région de Valparaíso, Rodrigo Mundaca, font état d’une centaine de personnes portées disparues.
"Mes voisines ont été calcinées", raconte Abraham Mardones, qui a miraculeusement réussi à s’échapper de Villa Independencia, décrite par nos confrères de l’AFP comme l’épicentre des incendies qui ravagent ce pays de 19 millions d’habitants. Quelque 12 000 personnes vivaient dans cette petite ville nichée sur les hauteurs de Viña del Mar, où flotte toujours une odeur de cendres et de plastique brûlé. Selon les estimations, entre 3 000 et 6 000 maisons auraient été touchées par les flammes.
Lilian Rojas habitait près du jardin botanique de Viña del Mar, un secteur également très touché par les incendies. "Il ne reste plus une seule maison ici", dit-elle, au milieu des décombres et des cendres. Cette retraitée de 67 ans s’est fait surprendre par la rapidité des flammes. "Je suis sortie dehors pour voir et les gens étaient déjà en train de courir. Je suis sortie de chez moi, j’ai fermé la porte et je suis partie", décrit Lilian Rojas, qui ajoute en montrant sa robe rose : "C’est la seule chose qu’il me reste."
Dimanche soir, un couvre-feu a été instauré dans quatre communes de Valparaíso, de 18 heures, heure locale, à 10 heures lundi, afin "de faciliter les opérations de secours aux victimes et de récupération des morts".
La plus grande tragédie depuis 2010
Pour le président du Chili, le constat est sans appel. "C’est la plus grande tragédie que nous ayons connue depuis le tremblement de terre de 2010." Une référence directe au séisme de magnitude 8,8 qui avait été suivi d’un tsunami, le 27 février 2010, faisant plus de 500 morts.
L’an dernier, 27 personnes ont péri dans des feux de forêt, fréquents en période estivale au Chili. Mais, cette année, "le nombre d’hectares affectés augmente très rapidement [malgré que] la zone touchée par les incendies aujourd’hui [soit] beaucoup plus petite", a constaté la ministre de l’Intérieur, Carolina Tohá, samedi 3 février. Et de mettre en garde sur le fait que les incendies qui naissent à proximité des zones urbaines présentent "un potentiel très élevé d’affecter les personnes, les maisons et les installations".
Des températures extrêmes
Tout en s’engageant à "apporter son aide dans ces moments difficiles", le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a déploré des "incendies dévastateurs [qui] nous rappellent les ravages de la sécheresse et du climat". Et pour cause, depuis plusieurs jours, le Chili fait face des températures caniculaires qui frôlent 40 °C dans le centre du pays et la capitale, Santiago. "Ces épisodes sont de plus en plus récurrents, c’est pourquoi nous voyons tous les ans des records historiques de températures", a expliqué à l’antenne chilienne de la chaîne CNN Pablo Lobos Stephani, chargé de la protection contre les incendies à la Société nationale des forêts.
Conséquence directe d’El Niño, qui se caractérise par le réchauffement des eaux du Pacifique équatorial conjugué à des variations atmosphériques. Or ce phénomène naturel, qui s’ajoute au réchauffement climatique, frappe actuellement de plein fouet le cône sud de l’Amérique latine, et favorise la naissance de feux de forêt. D’autres pays voisins du Chili pourraient ainsi pâtir des conséquences dévastatrices de cette vague de chaleur qui asphyxie l’Amérique du Sud. Parmi lesquels, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay, où les températures atteignent jusqu’à 48 °C.
Cette chaleur étouffante risque bien de s’installer dans la région. L’Institut uruguayen de météorologie (Inumet) a confirmé que la vague de chaleur durera jusqu’au 9 février, avec des températures pouvant atteindre 41 °C. D’après l’agence de presse uruguayenne Merco Press, au moins 36 000 foyers auraient subi des coupures d’électricité, et 21 territoires sur 24 sont toujours en état d’alerte.
La capitale de l’Argentine, Buenos Aires, a connu, pour sa part, ces derniers jours des températures records : 38,1 °C, une première depuis le 12 février 2023. Afin de limiter le risque de pertes humaines, les autorités sanitaires encouragent les Argentins à consommer entre 2,5 et 3,5 litres d’eau par jour. De leur côté, les autorités sanitaires paraguayennes appellent la population à éviter toute exposition prolongée au soleil et recommandent l’utilisation de crème solaire et de porter des vêtements légers entre 10 heures et 17 heures.