ru24.pro
World News in French
Февраль
2024

Théâtre, bébés, uniforme... : le réarmement macronien vu de la Creuse

0

Parmi les annonces du président Macron à la mi-janvier, nous en avons sélectionné quelques-unes : celles qui pourraient servir la Creuse (comme la régularisation des médecins étrangers), celles qui pourraient plaire ou pas à nos jeunes Creusois (comme le port de l'uniforme). Et puis celles, aussi, que l’on teste déjà ici.

Le prestige de l’uniforme??

Une jeunesse uniforme dans la cour de l’école?? Pas sûr que les principaux concernés en rêvent, même si, beaucoup en conviennent, ça mettrait déjà tout le monde sur un pied d’égalité.

"Je suis assez mitigé. D’un côté, ça serait bien puisque tout le monde serait habillé pareil et il n’y aurait pas de jugement sur la personne en fonction de ses vêtements. Mais on perdrait un peu de notre personnalité. On serait un peu tous des clones."

Idem pour Isaac qui reconnaît cependant que « ça peut être bien pour ceux qui se sentent mal dans leur peau par rapport à ce qu’ils portent ou qui n’ont pas les moyens ». « C’est bien pour réduire les inégalités mais on ne peut plus s’habiller comme on le souhaite, tempère Noah. Et puis, ça peut coûter cher aussi s’il en faut plusieurs. » Paul, lui, est plus catégorique : c’est non?! « Ça gommerait notre personnalité et moi, je préfère avoir la liberté de m’habiller comme je veux. » C’est finalement du côté des filles que l’avis est le plus tranché… en faveur de l’uniforme. Camille, elle, y voit une bonne occasion de « faire respecter les limites du code vestimentaire » quand Nasria met en avant le principe d’égalité : « L’uniforme, ça serait bien déjà pour les personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir de beaux vêtements. On sera tous sur un pied d’égalité ».

Enfin, quitte à porter un uniforme, Adrian le verrait plutôt « classe, une tenue complète comme on voit aux États-Unis ». « Qu’on ait deux, trois uniformes de styles différents, préférerait Isaac. Et qu’on nous donne le choix. »

Faut-il seulement du temps et de l’argent pour faire des enfants ?

Sophie Masselis a eu son premier enfant à 21 ans, elle est aujourd’hui la maman de sept enfants. « J’ai toujours pris le congé parental de trois ans, ça, c’est vraiment un plus, parce que ces trois premières années sont les plus importantes. Après, sous François Hollande, on n’avait plus que deux ans et j’ai trouvé dommage d’obliger à ce moment-là qui, du père ou de la mère, prendrait le congé. En général, celui des deux qui gagne le plus ne le prend pas. Une seule année de congé (dans le cas où le congé de naissance de six mois pour les deux parents pourrait être pris successivement, N.D.L.R.) mais mieux payée ? Ça peut être bien pour certains. Mais il faudrait aussi conserver la possibilité de trois ans : ça peut être frustrant au bout d’un an de devoir laisser son bébé à une nounou. On pourrait aussi s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Nous qui avons beaucoup voyagé, on avait rencontré en Norvège une maman qui percevait 80 % de son salaire pendant son congé : elle ne perdait quasiment rien. »

"Mais le choix de faire des enfants n’est pas qu’une question financière. Les gens ont moins d’enfants aujourd’hui, oui. Et ce ne sont pas ces petites choses qui font faire des enfants. Même si cela compte aussi pour la retraite et j’en suis contente, même si ce n’est pas grand-chose, au moins j’ai pu profiter de mes enfants. Mais avoir une famille nombreuse, c’est d’abord un choix, un vrai choix."

Et cette mère de famille en sait quelque chose, d’autant plus que « jeune », reconnaît-elle en souriant, elle ne voulait pas d’enfants du tout !

« Certains pensent aussi, à tort, qu’avoir plusieurs enfants peut empêcher de mener à bien certains projets comme de voyager par exemple. Nous, pas du tout ! Et plus on est nombreux, plus il y a de la diversité dans la famille et c’est une telle chance. »

Régulariser pour faire reculer le désert médical ?

La régularisation annoncée des médecins étrangers exerçant sur notre territoire ? Le docteur Mavova veut y croire, même s’il « attend des précisions. Jusque-là, l’hôpital ne m’a rien dit. La ministre de la Santé a dit qu’on devait rester en poste mais on ne sait pas. On ne comprend pas tout ». Mais il l’espère, oui. En poste aux urgences de la Croix-Blanche à Aubusson depuis un an et sept mois, il exerce comme stagiaire associé. « J’ai un diplôme de médecin généraliste que j’ai passé dans mon pays, le Congo, raconte-t-il. Quand je suis arrivé en France en mars 2022, j’ai postulé à Aubusson, qui a retenu ma candidature. Il a donc fallu que je rentre au pays pour faire toutes les démarches administratives afin d’obtenir mon visa et je suis revenu ici. En France, j’ai aussi passé un diplôme inter-universitaire pour valider cette compétence pour travailler aux urgences. Ce n’était pas facile au début, je pouvais faire des gardes seul mais sous la couverture d’un senior. »

Candidat aux épreuves de vérification des connaissances, le docteur Mavova n’a pas été sélectionné : « J’ai eu 10/20 mais comme c’est un concours, il y a un certain nombre de places. Si cela avait été un examen, ça aurait été bon. C’est le grand problème que l’on a, nous, les Padhue, c'est-à-dire les praticiens à diplôme hors union européenne : après deux ans d’exercice, si on n’a pas l’EVC, on est obligé de rentrer au pays. Je vais être un médecin qui ne sera pas en règle puisque, au bout de deux ans sans l’EVC, je ne pourrai plus travailler et donc je ne pourrai pas avoir de titre de séjour. C’est arrivé à un de mes collègues : il s’est retrouvé sans emploi et sans logement. »

"Moi, là, j’ai la boule au ventre : en juin, je peux devenir un sans-papiers, sans travail, sans maison. Et je devrai rentrer au pays. Alors que dès qu’on arrive en France, où l’on manque de médecins, on passe des examens pour se mettre à niveau !"

Lever le nez des écrans

L’an passé, La Clé des champs à Aubusson était la seule école creusoise à relever le défi des Dix jours sans écran : du 23 mai au 1er juin, les élèves avaient ainsi remisé tablettes, smartphones, télés et autres consoles au placard, en profitant pour faire d’autres activités. Certains avaient pris conscience, à cette occasion, du nombre d’heures qu’ils pouvaient passer devant un écran quand d’autres étaient déjà bien au fait. Cette année, l’école remet le couvert, la directrice étant particulièrement sensible à la cause.

« On fait passer le permis Internet depuis plusieurs années ici et, chaque année en conseil d’école, je le dis et le répète : le danger des écrans n’est pas mesuré, s’inquiète Catherine Paquet. Là, pour ce défi, on s’est donc inscrit dès octobre : l’an dernier, l’accent avait été mis sur les CM2, cette année, l’école entière – soit 96 enfants – va participer. » Dont Arnaud, Ece, Eugénie, Élizabeth, Berat et Capucine, déjà volontaires. Ece, 10 ans, l’a déjà fait l’an passé : bien consciente qu’elle passe trop de temps sur sa tablette, essentiellement pour jouer, la petite fille reconnaît que « pendant dix jours, d’autres activités m’ont occupée mais ça m’a manqué. Et, après le défi, j’ai recommencé comme avant ». L’exercice sera-t-il plus bénéfique à long terme cette année?? Elle le souhaite. Eugénie, Élizabeth et Capucine rejouent, elles aussi, le jeu cette année.

"L’an dernier, j’ai trouvé ça génial. J’ai passé plus de temps avec ma sœur même si mon temps sur la tablette était déjà limité avant à deux heures par jour et je m’en servais pour les devoirs et regarder un film le week-end. Après le défi, j’ai continué à jouer plus souvent avec ma sœur."

Pour Arnaud comme pour Berat, ce sera une première. Le premier est plutôt serein : « Je ne joue pas souvent sur ma console, environ une heure par semaine ». Berat, lui, reste entre une heure et deux heures chaque jour devant un écran entre tablette et console. Jeunes, ils sont pourtant déjà bien conscients des dangers des écrans : « Si j’ai des lunettes aujourd’hui, c’est à cause des écrans », reconnaît Ece. « On voit des enfants de plus en plus fatigués, alerte la directrice. Sans parler des messages insultants qu’ils peuvent recevoir sur leur téléphone, des réseaux sociaux et de tout ce à quoi ils peuvent avoir accès avec une connexion internet : des jeux vidéo très violents, des sites pornographiques… C’est une véritable boîte de Pandore et tous les parents n’en mesurent pas le danger. »

Passage obligé par les planches ?

Lors de sa venue en septembre 2022, le président Macron, accompagné notamment de son épouse et de la ministre de la Culture, a pu assister à un extrait de Macbeth, donné par des élèves, au petit théâtre de Guéret. Ce jour-là, Hervé Herpe était aux premières loges et pour cause : le directeur de La Guérétoise est également professeur de théâtre au Conservatoire et au lycée Pierre-Bourdan (Hervé Herpe intervient sur l’option théâtre de l’établissement depuis 2001, N.D.L.R.). Forcément, l’un des mieux placés pour parler des bienfaits des planches, notamment sur les plus jeunes générations.

« La pratique du théâtre pour des collégiens est effectivement plus qu’intéressante. Moi, je travaille avec des gamins de la Seconde à la Terminale et on voit bien l’évolution, la prise de confiance. On les voit grandir dans le bon sens du terme. En Terminale, je vois des comédiens très très bien formés et je ne suis plus formateur mais metteur en scène. Toutes les techniques théâtrales servent dans la vie, déjà pour passer des oraux. On apprend à se placer, à placer sa voix. Et, au-delà du côté technique, les sujets abordés dans les pièces de théâtre permettent de vraies réflexions, ouvrent l’esprit. Les gamins font des recherches pour créer leurs personnages. Depuis que je donne ces cours, chaque année, au moins, j’ai un élève qui devient professionnel. Quand je vais à Avignon, je les retrouve. Donc, tout cela peut aussi faire naître des vocations. J’interviens aussi à l’IUT où j’ai adapté un cours dans lequel je donne des clés aux étudiants qu’ils pourront utiliser dans leur carrière sanitaire et sociale. Et ce sont des comédiens hyper-performants. »

"Le théâtre, c’est aussi apprendre à se faire confiance, à écouter les autres, à appréhender des situations avec sérénité. On a sauvé des gosses avec le théâtre."

Alors, rendre le théâtre obligatoire au collège?? « Ça serait plus qu’une bonne chose, estime Hervé Herpe. Je me souviens, il y a quelques années, je suis intervenu sur un projet autour de Baudelaire à Ahun. Les gamins au fond de la salle, ça ne les intéressait pas : “Ça va nous apporter quoi??”. Et le jour du spectacle, je les ai vus pleurer. En Seconde, ils n’osent pas prendre la parole et après une année de théâtre, ce sont ceux qui ont le plus de richesse en eux. » Cette richesse-là, elle sera d’ailleurs au centre du projet des Italiennes de Guéret qui prendra forme au petit théâtre, justement, quand celui-ci sera rénové et rouvert : « Le temps d’un week-end, on accueillera ici ces élèves qui suivent une option théâtre en France et dans les pays francophones ».

Propos recueillis par Séverine Perrier, Adrian Grygier et Isaac Moussa Photos : Bruno Barlier, Stéphanie Para et Séverine Perrier