Yannick Lenfle, la "maman" des jurés du festival du court métrage de Clermont
Pendant la discussion à La Javanaise, son QG, le téléphone sonne. Un SMS. Le réalisateur Wissam Charaf : « Maman, j’arrive lundi. » Maman, c’est Yannick Lenfle. Depuis huit ans, il est assistant du jury national à Clermont. C’est lui qui s’assure que tout se passe bien. « Mon objectif, c’est avant tout qu’ils ne repartent pas frustrés par le palmarès. » Et accessoirement que leur séjour à Clermont reste un bon souvenir. À en croire le SMS de Wissam Charaf, juré en 2020, Yannick est doué pour ça.
Avec sa voix qu’on aimerait enfermer dans un oreiller pour s’y reposer et son calme de mer d’huile, on comprend son surnom de « Maman ». « Ce matin, j’ai reçu un message de Claude Lepape et Hubert Charuel. » Sur l’écran, une photo de la fille des deux réalisateurs et un message « Bon festival Yannick ».
Hubert Charuel lors de sa venue en 2020.
De 8 heures à 4 heures du matinLe natif de Romagnat est un pur produit du festival du court. Venu en scolaire petit, puis juré jeune, puis bénévole, puis assistant du jury. Toujours bénévole. « Je ne pense pas qu’ils pourraient me faire un contrat avec des journées qui commencent à 8 heures avec les journalistes et qui finissent à 4 heures du matin en soirée avec les jurés. » Mais ça vaut le coup de prendre une semaine de congé dans sa MJC lyonnaise. « Fondamentalement, je passe une semaine à regarder des films et à me promener dans Clermont. »
Yannick voit toutes les séances avec le jury. Participe aux discussions. Un peu.
Je reste en retrait, mais parfois on me demande mon avis. Je suis attentif à ce que tout le monde ait la parole. Et puis, je donne un peu un cadre, surtout pour les délibérations. Parce qu’à Clermont, il n’y a pas de président de jury. Il faut arriver à se mettre d’accord.
Le jeudi, il s’enferme donc, avec son jury, dans une pièce de l’hôtel Mercure à Jaude et c’est parti pour quatre heures pour la plus rapide. Huit, pour la plus longue.
« Benoît Delépine, c’est une crème, très posé »« Assister à ces discussions a aiguisé mon regard de cinéphile. Je suis plus attentif aux détails. C’est passionnant d’écouter parler ces artistes. » Des artistes sollicités. Convoités même.
Quand on mange, je scanne le resto et je repère les réalisateurs. Parfois, ils viennent, sans se présenter, et demandent aux jurés ce qu’ils ont pensé de tel ou tel film. Je suis obligé de m’interposer. J’évite L’Univers, c’est le red flag. Surtout à partir de lundi et l’ouverture du marché du festival.
Un peu diplomate, un peu garde du corps. Ici, on est loin du fantasme des divas qui exigent des pistaches-de Madagascar-sans coquille-présentées par un paon du Tibet. Non. Ici, c’est Clermont. « Un changement de chambre ou une voiture pour une journée, c’est le plus fou que j’ai eu. Ils savent que ce n’est pas Cannes et que je suis bénévole », sourit Yannick. Un bénévole qui garde le souvenir de son premier jury avec Benoît Delépine. « Il m’a marqué. C’est une crème. Très posé. Très charismatique. Il aurait pu s’imposer face à des jurés plus jeunes, mais non. » Ou de ce jury de 2020. « Ils se sont entendus tout de suite. Je crée un groupe WhatsApp chaque année. La promo 2020 discute encore dessus. Ils se voient souvent à Paris. Ils ont des projets ensemble. » Encore trois jours intenses, puis délibération jeudi. Et vendredi, comme le veut la tradition, Yannick amènera le jury au sommet du puy de Dôme, puis dans un buron pour manger et enfin à Royatonic. Il faut bien des contreparties.
Simon Antony