ru24.pro
World News in French
Февраль
2024

L'orgue de l'église de Guéret peut-il devenir muet ?

0

Le sujet est peut-être dans les tuyaux, mais encore faudrait-il le savoir. Que va-t-il advenir de l’orgue dans l’église de Guéret ? C’est la question que se pose l’association des Amis de l’orgue, et à laquelle la mairie ne répond toujours pas.

En tant que mobilier d’église (*), l’instrument appartient en effet à la Ville, qui a aussi la charge de son entretien. Or l’orgue de Guéret en a grand besoin. C’est ce que souligne l’association depuis plusieurs années maintenant.

Une opération à 42.000 €

Un devis a été établi en 2022 pour son “relevage”, une sorte de grande révision de l’instrument, qui est nécessaire tous les vingt ans environ. Il s’établissait à 39.000 euros…

« Nous comprenons que cela fait une somme, concède la présidente de l’association Liliane Bardon. Et l’on sait que la mairie nous soutient généralement. Mais nous aimerions quand même une réponse de sa part sur ce sujet précis, et même si c’est échelonné dans le temps, pour que nous puissions avoir une visibilité. »

a présidente de l’association précise que le coût estimé voici deux ans vient de passer à 42.000 euros sous l’effet de l’inflation. « À trop attendre, l’orgue continue de s’abîmer et il ne faudrait pas qu’on atteigne un point de non-retour, avec des dommages qui seraient irréversibles », prévient aussi Jacques Viennois, autre membre éminent de l’association.

Qui souligne que la position de l’instrument, au-dessus du sas d’entrée, favorise sans doute les variations de température. Les Amis de l’orgue ont décidé de tirer cette alarme dans notre journal à la suite d’une déconvenue en décembre dernier.

« Nous faisons deux concerts par an, explique M.Viennois. Mais pour celui qui était programmé mi-décembre l’organiste n’a pas pu se produire car il a senti aux répétitions que l’instrument ne suivait pas. Notre orgue est suffisant pour la messe mais il ne tient plus la route, dans la durée, pour les concerts », se désole-t-il.

Le Jour de l'orgue en la cathédrale de Bourges

Liliane Bardon appuie : « Nous ne pouvons plus faire venir de pointures comme nous l’avons déjà fait par le passé tant que l’orgue n’est plus fiable… C’est pourtant un très bel instrument. Et un patrimoine, évidemment. Il a été reconstruit à partir d’éléments d’un orgue Stein du XIXe siècle, dans les années 1980, par Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux, qui ont aussi travaillé sur ceux de Notre-Dame, de la chapelle royale de Versailles, de la cathédrale de Poitiers… »

En mai 2023, les Amis de l’orgue ont organisé un concert qui a permis de récolter 2.000 euros qu’ils promettent de verser au pot commun pour la rénovation. Tandis que cet automne, un expert de la DRAC est venu confirmer qu’un relevage devenait nécessaire.Liliane Bardon et Jacques Viennois, des Amis de l'orgue, alertent sur son devenir. 

Contactés sur le sujet, les services de la Ville n’avaient pas rendu réponse à date de publication.

(*) Les lois de 1905 puis 1908 prévoient qu’il est à la charge de la collectivité mais reste à disposition du culte. 

Jean-Marie Gaborit, facteur d’orgue Installé à Poitiers, rayonne sur les orgues du centre ouest, dont celui de Guéret. Quelle est la particularité et la valeur de l’orgue de Guéret ?Il ne reste pratiquement rien de l’orgue du 19e siècle, si ce n’est la structure du buffet et quelques tuyaux de façade. Mais l’intérieur a été repensé pour se diriger sur quelque chose de l’ancien temps, avec un tempérament inégal, comme au 18e siècle, avant que la musique soit normée au niveau mondial. L’orgue de Guéret a été précurseur de cette tendance à redonner de la personnalité aux instruments.En quoi consiste l’opération de maintenance dont il a besoin ?On dit qu’il faut un relevage tous les vingt ans environ. Celui-ci est installé depuis quarante ans et à ma connaissance il n’en a jamais eu. Alors qu’il a beaucoup servi. Déjà un dépoussiérage s’impose, c’est comme pour une grosse armoire chez vous. Ensuite il faut aussi démonter le mécanisme pour vérifier l’usure et changer des pièces le cas échéant. Pour un format de celui de Guéret, compter au moins 4 semaines de travail, à 3 ou 4 personnes. Mais je ne sais pas si j’en ferai partie. Pourquoi ?Il se trouve que je suis en retraite dans six mois, alors si la Ville ne rend pas réponse maintenant… Je continuerai à venir voir l’orgue mais je n’ai pas de repreneur. Sur les 15 apprentis que j’ai eus, un seul s’est installé, à Tours, et il est débordé. C’est l’occasion pour moi de tirer la sonnette sur notre profession : dans quelques années, il n’y aura plus personne pour s’occuper des milliers d’orgues que nous avons en France…

Floris Bressy

floris.bressy@centrefrance.com