Soldats américains tués en Jordanie : la nébuleuse "Résistance islamique en Irak"
Il s’agit de la première attaque meurtrière contre des soldats américains depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël, le 7 octobre, et elle pourrait avoir des conséquences déstabilisatrices dans une région frappée par un conflit larvé avec l’Iran. Dimanche 28 janvier, trois militaires américains ont ainsi été tués et au moins 34 autres blessés dans une attaque de drone sur la base américaine Tower 22, dans le nord-est de la Jordanie, près de la frontière syrienne.
Le président américain Joe Biden, qui a promis de répliquer après l’attaque, a déclaré que celle-ci avait été "menée par des groupes de combattants radicaux soutenus par l’Iran, opérant en Syrie et en Irak". En parallèle, la "Résistance islamique en Irak", nébuleuse de combattants issus de groupes armés pro-Iran, a affirmé avoir mené dimanche des attaques "à l’aube avec des drones", contre trois bases abritant des troupes américaines en territoire syrien. Celles-ci se trouvent à proximité de la frontière irakienne et jordanienne, non loin du site où a eu lieu la frappe meurtrière, qui n’a pas officiellement été revendiquée.
Un groupe opaque
Communiquant ses actions sur une chaîne Telegram, la "Résistance islamique en Irak" ne renvoie pas à un groupe homogène, mais désignerait plutôt un spectre de diverses milices pro-iraniennes, menant notamment des opérations en Syrie depuis octobre 2023 et le début du conflit entre Israël et le Hamas, selon le Washington Institute, think tank américain travaillant sur la politique étrangère des Etats-Unis au Proche-Orient. Ainsi, depuis le 30 octobre, la "Résistance islamique" aurait revendiqué 20 attaques contre les forces américaines en Irak et en Syrie selon cette même source.
Depuis la mi-octobre, plus de 150 frappes de drones ou tirs de roquettes ont en effet visé les soldats américains et ceux de la coalition, en Irak et en Syrie, répercussion directe de la guerre à Gaza entre Israël, allié de Washington, et le Hamas palestinien, soutenu par Téhéran. Dimanche, l’attaque est survenue contre Tower 22, une base dont "on sait peu de choses" selon l’agence de presse anglaise Reuters, si ce n’est qu’elle se trouve à proximité du site d’Al-Tanf, qui "a joué un rôle clé dans la lutte contre l’Etat islamique et dans le cadre de la stratégie américaine visant à contenir le renforcement militaire iranien dans l’est de la Syrie".
L’ombre de l’Iran
"Ce qui compose la Résistance islamique en Irak reste délibérément vague", indique le think tank américain Atlantic Council. Néanmoins, des dirigeants de groupes armés ont fait des déclarations publiques liant clairement les attaques contre les intérêts américains en Irak, au soutien de Washington à Israël et à ses opérations militaires dans la bande de Gaza." Un prolongement de la "stratégie de façade" de l’Iran et de ses mandataires, poursuit le Washington Institute, dans son rapport sur cette nébuleuse, pointant les liens entre la "Résistance islamique en Irak" et d’autres groupes financés par l’Iran, comme le Harakat Hezbollah al-Nujaba, proche du mouvement terroriste chiite libanais.
Mais de son côté, l’Iran a réfuté lundi toute implication dans l’attaque, affirmant ne pas chercher "l’expansion" du conflit au Moyen-Orient. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Nasser Kanani a réaffirmé que Téhéran n’était "pas impliqué dans les décisions prises par les groupes de résistance sur la manière avec laquelle ils soutiennent la nation palestinienne". Ces groupes "ne prennent pas d’ordre de la République islamique" et "ils décident de leurs actions sur la base de leurs propres principes", a-t-il insisté.
Des représailles "conséquentes"
Les Etats-Unis ont néanmoins assuré qu’ils répondraient "d’une manière très conséquente", sans toutefois vouloir l’escalade au Moyen-Orient. "Nous ne cherchons pas de guerre avec l’Iran", a déclaré lundi sur CNN John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche. Ces derniers mois, les Etats-Unis ont lancé plusieurs frappes contre des milices pro-iraniennes en Irak et en Syrie, mais sans affronter directement l’Iran.
Quelles seront les conséquences de cette attaque sur le déroulement du conflit au Proche-Orient ? "Si les Etats-Unis veulent montrer qu’ils sont prêts à se battre – et à gagner – ils doivent attaquer des cibles iraniennes importantes. L’Iran devra riposter de la même manière", indique dans L’Express le politologue américain George Friedman, de Geopolitical Futures. "Téhéran tentera de mener une campagne courte mais très intense pour décourager les alliés des Etats-Unis de se joindre à la mêlée."
Dans l’extrême est de la Syrie, les groupes pro-iraniens se préparent quant à eux à l’éventualité de représailles rapides. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, "des groupes de combattants pro-Iran ont évacué 12 positions" dans les régions de Boukamal et d’al-Mayadine lundi. Des transferts motivés par "la crainte d’une réponse américaine".