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Январь
2024

Jusqu'au 21 février, le poisson arrivera au compte-goutte dans les poissonneries

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Jusqu'au 21 février, le poisson arrivera au compte-goutte dans les poissonneries

L’interdiction de pêcher dans tout le Golfe de Gascogne du 22 janvier au 21 février perturbe forcément l’approvisionnement des poissonneries. Chez Roux, à Chamalières, "on se montre philosophe et on s’adapte. "

A partir de cette semaine, le colin de Saint-Jean-de-Luz risque de se faire rare sur l’étal de la poissonnerie Roux, à Chamalières, tenue par Anne-Sophie et Gaëlle Roux, aidées par leur père, Didier, retraité depuis fin 2021.Avec 450 navires à quai depuis lundi dernier dans le Golfe de Gascogne, suite à l’interdiction de pêche pour un mois, "on n’aura pas de poisson du Pays basque, il faudra s’approvisionner ailleurs. Nos petits colinots pêchés à la ligne ne seront pas là", se résignent les deux soeurs.

Quatrième génération et même passion. Anne-Sophie et Gaëlle Roux avec leur père Didier, qui avait pris la suite de son propre père à la Poissonnerie du marché Saint-Pierre de Clermont-Ferrand, créée par son grand-père en 1946. photo Thierry NICOLAS

Et les problèmes d’approvisionnement font, bien sûr, bondir les prix : "Forcément, c’est la loi de l’offre et de la demande ; il y a peu de bateaux qui sortent désormais en mer, donc peu de poissons… "

Rare... et de plus en plus cher

Une augmentation sur un produit déjà cher et dont le prix a explosé au fil des années. "Il y a vingt ans, la sole se vendait 20 euros le kilo, et maintenant elle est à 47 euros. C’est sa rareté qui explique le prix du poisson, il y a de moins en moins de pêcheurs, le gasoil coûte une fortune pour le transport, et les charges sont de plus en plus lourdes. Dans notre entreprise, on paye aujourd’hui autant de charges pour trois salariés et demi que quand nous étions onze…"

Pour gérer ce mois difficile, la famille Roux s’arme de philosophie : "Il faut s’adapter et faire avec, il n’y a pas d’autre solution ! Nous comprenons évidemment les enjeux, et il est impossible de tout concilier. Mais je pense aussi aux pêcheurs à l’arrêt, car un pêcheur, cela représente six emplois à terre".

Et puis "c’est un métier où il y a beaucoup d’intermédiaires. Le pêcheur, la criée, le mareyeur, le transporteur, tout le monde doit prendre sa marge", énumère Anne-Sophie Roux, qui a fait ses études à l'école de pêche à Boulogne-sur-Mer. "Nous ne travaillons qu'avec de petits bateaux, qui font des rotations de 24 heures de pêche. C'est notre exigence de fraîcheur et de qualité."

"Il y a une cinquantaine d'années, il y avait dix à quinze poissonniers à Clermont. Et maintenant, il n'y en a plus que 7.500 dans toute la France. C'est un métier qui me passionne, un autre monde... mais il faut bien sûr être debout vers 4 heures du mat' car, à la criée, c'est premier arrivé premier servi."

Fermer boutique tout un mois n’était, de toute façon, pas envisageable. "Le chômage technique, c’est une chose, mais pendant ce temps-là, on continue à avoir des frais et ce n’est pas l’État qui va payer nos charges."

Un peu moins de clients et un panier moyen qui chute

En une vingtaine d’années, les habitudes alimentaires ont beaucoup changé, et le poisson ne s’invite plus sur toutes les tables. "Le nombre de clients a un peu baissé, oui, mais surtout le prix moyen du panier avec la baisse du pouvoir d’achat, et on ne vend plus du tout la même chose, explique Didier Roux. Maintenant, on passe énormément de filetage, dos de cabillaud et d’églefin, filets de rascasses et de merlan. On vend beaucoup moins de poissons entiers. A midi, beaucoup de gens mangent à l’extérieur et le soir, ils veulent quelque chose qui soit vite fait."La célèbre lotte à l’américaine se fait aussi désirer sur les tables de fêtes. "Il y a quelques années, à Noël, on en vendait 200 kilos, cette année on en a vendu 70 kilos."

Les habitudes changent : le rayon traiteur prend la relève

Si la tradition du poisson le vendredi a pris du plomb dans l’aile, les produits de la mer gardent leur cote d’amour. "Après Noël et le Nouvel an, Pâques était notre troisième grosse date de l’année… Eh bien, maintenant, c’est la Saint-Valentin ! On propose des plateaux et menus qui partent très bien."

"La poissonnerie est moins impactée que la boucherie par les changements de comportements alimentaires liés aux préoccupations environnementales. Il y a une incidence, mais elle est faible."

Pour répondre aux attentes nouvelles, la poissonnerie a, en effet, développé depuis quelques années un rayon traiteur, qui fait vraiment recette.Et l’application Too good to go, qui permet de commander en ligne, a également rapidement trouvé son public. 

Interdiction d'un mois -  La pêche est interdite depuis le 22 janvier et jusqu’au 21 février. Une mesure "jamais vue depuis 1945" et destinée à protéger la population de dauphins. Elle devrait être reconduite l’an prochain à la même époque.

Laurence Coupérier