La surtransposition des normes environnementales, une manie française ?
Les agriculteurs français se plaignent souvent de ne pas pouvoir se battre à armes égales, en particulier avec leurs homologues du Vieux continent, en raison des contraintes supplémentaires qui leur sont imposées, notamment en matière environnementale. Les chiffres leur donnent d’ailleurs raison. En vingt ans, la France est passée de deuxième à cinquième exportateur mondial. L’Hexagone, dont les importations ont doublé depuis 2000, est même désormais déficitaire en matière alimentaire avec les pays de l’Union européenne. Sans les vins, il le serait également avec le monde entier. Dans la surtransposition des normes, deux exemples de filières sont souvent avancés, celles des pommes et de la betterave à sucre.
1. Les pommesAutrefois l’un des fleurons de l’agriculture française, la pomiculture est aujourd’hui en difficulté. En l’espace de dix ans, les exportations sont passées de 700.000 à 350.000 tonnes. Quand, dans le même temps, les importations doublaient à 200.000 tonnes, en grande majorité en provenance de Pologne, d’où vient un tiers des pommes consommées en France, en particulier sous forme de compotes. Le principal concurrent de l’Hexagone écrase les prix. 40 à 50 centimes contre 1,20 € pour une pomme française de qualité équivalente. Si les charges globales, notamment celles liées au coût du travail, expliquent en partie ce delta, les pomiculteurs polonais disposent d’un autre avantage : un catalogue de 450 molécules pour traiter leurs arbres contre 300 pour leurs homologues français. Un manque de cohérence pointé du doigt par un rapport sénatorial en 2022. « À travers les compotes, nous faisons manger à nos enfants les 150 molécules que nous avons interdites chez nous. Prises individuellement, ces interdictions peuvent paraître justifiées. Mises bout à bout, elles conduisent à une impasse technique et à une perte de compétitivité », pointait à l’époque l’un des rapporteurs, Laurent Duplomb (Les Républicains).
2. Les betteraves à sucreAprès une dérogation de trois ans, la France a totalement interdit en 2023 l’usage des nicotinoïdes, suspectés d’être très nocifs pour les abeilles. Là aussi, l’Hexagone a choisi d’aller plus loin que l’Union européenne, qui autorise toujours l’utilisation d’une famille de nicotinoïdes, l’acétamipride, dont l’homologation a été même prolongée jusqu’en 2033. Résultat, les betteraviers français se retrouvent sans alternatives efficaces pour traiter la jaunisse du puceron.
Là où leurs collègues allemands peuvent pulvériser en curatif avec l’acétamipride. Face à cette distortion de concurrence, le gouvernement s’est engagé à indemniser les planteurs pour leur perte de production. Mais certains planteurs ont déjà préféré jeter l’éponge.
Dominique Diogon