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Январь
2024

Comment les petites stations du Cantal résistent au manque d'enneigement ?

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Elles sont installées dans les plus beaux endroits du Cantal, discrètes. Les stations de pleine nature proposant des raquettes et du ski de fond sont de petites structures, souvent le reliquat d’une époque où le ski se conjuguait sur tout le massif avant que le Lioran n’attire les moyens nécessaires pour permettre la création d’une station répondant aux désirs d’une clientèle hivernale avide de descente.

Aujourd’hui, leur positionnement est leur premier atout : rallier Cabrespine depuis le Légal, rejoindre le buron de Bâne depuis Pailherols, traverser les sombres forêts de la vallée du Mars au Falgoux, embrasser le cirque d’Eylac sous la brèche de Rolland ou découvrir l’aubrac autrement entre Cantal et Aveyron sont autant de promesses d’aventure. Problème : comme leur grande sœur du Lioran, elles souffrent du manque de neige.

S'adapter

« Pour l’instant, l’hiver est timide, retrace Claude Prunet, maire de Pailherols et président des Flocons vert, l’association qui gère la station pleine nature qui traverse le plateau. Dans ces cas-là, on peut proposer de la randonnée, des VTT électriques, mais cela redémarre plutôt au printemps. » Il repense aux seaux de flotte tombés sans discontinuer, la semaine dernière, sur tout le département :

L’hiver, s’il n’y a pas de neige, il n’y a plus personne qui monte

Toutes les stations contactées suivent ainsi le même mot d’ordre : « On ne bâtit pas un budget là-dessus, mais il faut être réactif, continue le maire. S’il y en a, il faut que cela soit damé ! » « Je prends la neige quand elle est là », confirme Frédéric Geusset, au col de Légal. Installé dans un gîte rénové par la communauté de communes, il peut préparer 35 kilomètres de pistes quand l’or blanc tombe. « Volontairement, je ne vends pas de séjours de ski, je ne peux pas le garantir. Mais je suis au pied du GR 400, à 1.200 mètres d’altitude. On s’adapte. »Au pire, « si je n’ouvre pas le domaine, je n’ai pas de charges. S’il y a de la neige, mon chiffre d’affaires augmente mais mon résultat net ne change pas ». « Le modèle est totalement différent de celui du Lioran, continue Xavier Fournal, maire d’Albepierre-Bredons, président du syndicat qui gère la station de Prat-de-Bouc et administrateur de la Saem du Lioran. Un hiver à cent jours de neige n’est pas équilibré financièrement, si l’on considère les charges de damage. Les collectivités compensent. Quand il n’y a pas de neige, on prend moins de prestataires. Économiquement, cela se supporte. »

Se concentrer sur la période de février

À chaque station sa structure, mais elles sont toujours légères. Au Légal, c’est Frédéric Geusset, via une délégation de service public qui gère le gîte et les pistes. À Pailherols, les Flocons verts ont cédé le matériel pour l’euro symbolique à la communauté de communes. La collectivité finance aussi le salarié prêt à sauter sur la dameuse au moindre flocon. À Saint-Urcize, petite station de six pistes de ski alpin et 35 km de ski de fond, avec une jonction sur Laguiole, c’est le personnel communal qui s’y colle et « majoritairement des bénévoles », indique le maire de la commune de l’Aubrac, Bernard Remise. Au Falgoux aussi, un pisteur est engagé en février, quand la station ouvre et la mairie met à disposition ses agents et fonctionne avec des bénévoles. « Pour limiter les coûts, on se concentre vraiment sur la période de février, indique le maire, Louis Chambon. S’il n’y a pas de neige, il n’y a pas de charges. » Avec une limite : « On arrive sur la fin d’un système. Il est de plus en plus difficile de trouver des bénévoles et le matériel est ancien. On a investi dans les raquettes parce qu’on peut les louer à la mairie, mais on ne rachètera pas des skis, bâtons et bottes. En attendant, « il y a un attachement à la station dans la vallée, il y a une notion historique. Il s’est tout le temps fait du ski au Falgoux et c’est très agréable d’aller se promener là-bas en forêt. L’hiver, quand il y a un peu de neige, c’est bien aussi pour les hébergements du secteur ». À Pailherols, les Flocons verts constituent une sorte de synthèse du village et jouent un vrai rôle social. « Toutes les associations font partie des Flocons verts, dont le comité des fêtes. Il n’y a que les chasseurs qui n’y sont pas, note Claude Prunet. Cela évite les divisions et l’activité de la station profite à tout le canton, pas qu’à l’association. » En creux, en décrivant « l’espoir » apporté par un week-end de janvier enneigé, Xavier Fournal dit la même chose :

La semaine suivante, il y a eu un redoux et tous les efforts ont été vains. On avait mis en place la Nordic académie, cette année, sur cinq semaines et on avait fait le plein, soupire-t-il. Notre activité est plébiscitée par les locaux et les écoles, complémentaire du Lioran, plus écologique aussi puisqu’on utilise que des barrières à neige sur le secteur de Prat-de-Bouc. Tous les acteurs du secteur en profitent

La plupart des stations proposent des services l’été, « que l’on peut transposer l’hiver », assure Xavier Fournal, en citant les VTT électriques qui sont, le plus souvent, achetés par les communautés de communes et mis à disposition des prestataires. Cela permet d’optimiser le personnel salarié et c’est une prestation qui peut apporter un revenu. C’est toutefois là que le bât blesse : il n’est guère aisé de rentabiliser le paysage, les randonneurs ne paient pas de péage. « Il faut vraiment proposer des activités encadrées, accompagnées, avec des guides par exemple, continue Xavier Fournal. Mais c’est plus compliqué sans neige. »Saint-Urcize réfléchit, elle aussi, à « une station toute saison avec des animations et des VTT électriques ». Mais davantage pour se diversifier et étoffer l’offre que pour des raisons économiques. Car, dit le maire de la petite station familiale, créée il y a 55 ans, « les remonte-pentes sont amortis depuis longtemps, on n’a pas de canons à neige et on n’en aura pas ! Aujourd’hui, on est à l’équilibre, mais on ne gagne pas d’argent ». Ainsi, avec un foyer de ski de fond géré par le président du ski-club, Philippe Reversat, « cheville ouvrière du ski à Saint-Urcize », beaucoup de bénévoles et du personnel communal mis à disposition en temps de neige, « il n’y a pas beaucoup de frais ».

Légères et résilientes, ces stations peuvent profiter de l’attrait des Français vers une montagne moins aménagée, plus naturelle, en complément du ski alpin au Lioran. « Les gens nous le disent : quand ils viennent en hiver, ils veulent revenir pour voir comme est le Cantal en été, résume Frédéric Geusset, au col de Légal. Il y a vraiment quelque chose à penser sur le quatre saisons. » Pour un pas de côté, une autre façon de découvrir le massif. 

Isabelle Barnérias et Pierre Chambaud