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Январь
2024

Rémunération au "mérite" des fonctionnaires : à quoi ressemblera la réforme de Macron ?

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Plus de "mérite" dans la paie des fonctionnaires. Lors de sa conférence de presse ce mardi soir, Emmanuel Macron a insisté sur la plus grande importance que doivent prendre l’engagement et les résultats des agents publics dans leur rémunération. Cette annonce n’est pas une nouveauté : Stanislas Guerini, ex-ministre de la Fonction publique, avait déjà annoncé en février 2023 que cette mesure sur le mérite serait intégrée à une réforme plus large de la fonction publique.

Celle-ci pourrait bien avoir lieu dans les "prochaines semaines" selon le chef de l’Etat, et devrait être portée par ce même Stanislas Guerini, qui a pourtant perdu son ministère de plein exercice dans le nouvel exécutif et n’a pas encore été confirmé au gouvernement pour l’instant. L’Express vous explique ce que pourrait comporter cette réforme et la rémunération "au mérite" des fonctionnaires, une mesure qui provoque déjà la colère des principaux syndicats.

Comment sont payés les fonctionnaires aujourd’hui ?

Aujourd’hui, la rémunération de la majorité des 5,7 millions d’agents publics (fonctionnaires, contractuels et militaires) se décompose en deux parties : le salaire de base, appelé "traitement indiciaire", et les primes et indemnités, qui constituent la part "indemnitaire" de leur paie.

Le montant du traitement est déterminé par des grilles salariales communes à l’ensemble de la fonction publique (Etat, hôpitaux, collectivités). Il est donc identique pour tous les agents publics à ancienneté et poste identiques.

Les primes et indemnités, de leur côté, s’assimilent à la part variable de la rémunération dans le secteur privé. La part indemnitaire du salaire des fonctionnaires peut par exemple les aider à prendre en charge leurs frais de logement (indemnité de résidence), rémunérer leurs heures supplémentaires mais aussi récompenser leur "manière de servir", une forme de reconnaissance du mérite individuel.

La rémunération au mérite, déjà dans le système actuel

Une prime existe déjà pour récompenser le mérite individuel des agents publics : le "complément indemnitaire annuel" (CIA). Il s’agit d'"une prime facultative qui tient compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir du fonctionnaire", selon la définition de l’administration.

Cette forme de rémunération du mérite individuel ne peut toutefois bénéficier qu’aux fonctionnaires de la fonction publique d’Etat, et représente un pourcentage limité de leur paie. Un rapport commandé par l’ex-ministre de la Fonction publique Amélie de Montchalin soulignait dès mars 2022 que la part du CIA avait vocation à rester "largement minoritaire" dans les primes versées aux fonctionnaires. En effet, "elle ne peut excéder 15 % (des primes et indemnités, NDLR) pour la catégorie A" qui regroupe les fonctionnaires les mieux payés, "12 % pour la catégorie B et 10 % pour la catégorie C", la moins bien rémunérée. Plus généralement, en 2021, les primes et indemnités dans leur ensemble représentaient moins d’un quart (23,8 %) du salaire des fonctionnaires, selon l’administration.

Une réforme portée par Stanislas Guerini dès février ?

Mardi soir, le président de la République a demandé au nouveau gouvernement de Gabriel Attal que pour les fonctionnaires, "le principal critère d’avancement et de rémunération" soit, avec l’ancienneté, le mérite, "en tout cas bien davantage qu’aujourd’hui".

Cette mesure, promise "dans les prochaines semaines", devrait bien être portée par Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique dans les gouvernements d’Elisabeth Borne. Celui-ci "aura à porter une réforme historique de la fonction publique" annoncée depuis plusieurs mois, même s’il n’a pour l’heure pas été reconduit dans ses fonctions, a assuré lundi soir Emmanuel Macron à des parlementaires de la majorité.

Avant la démission du précédent gouvernement, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini s’était déjà engagé à présenter un projet de loi en février. Un des objectifs du texte est justement de "mieux rémunérer ceux qui se décarcassent pour assurer nos services publics", avait détaillé le ministre début novembre à l’Assemblée nationale. L’idée de Stanislas Guerini était alors de mieux récompenser l’engagement individuel, mais aussi collectif des agents publics, par exemple en octroyant une prime à une équipe de fonctionnaires qui aurait atteint son objectif de réduction de consommation d’électricité ou de gaz.

L’hostilité des syndicats

Les principaux syndicats de la fonction publique se montrent déjà assez hostiles à une telle réforme. Dans un communiqué publié ce mardi, la FGF-FO (2e syndicat du public) demande "l’abandon du projet de loi fonction publique, programmé notamment pour casser le statut général des fonctionnaires".

Plus en particulier sur la rémunération au mérite, la CGT Fonction publique a dénoncé la mise en place d’une telle mesure, jugeant dans un communiqué ce mercredi ne savoir "que trop ce qui se cache autour de la méritocratie : des parties de salaires aléatoires, des rémunérations discriminatoires […], le creusement des inégalités entre les femmes et les hommes". Secrétaire général de l’Unsa-Fonction publique (4e syndicat), Luc Farré a ironisé sur le réseau social X : "Emmanuel Macron annonce une rémunération au mérite pour les agents publics : c’est déjà le cas !"

"Donc, au chapitre pouvoir d’achat […] on renvoie tout au mérite individuel", s’est désolée également sur X Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques (3e). Solidaires Fonction publique (6e syndicat) juge dans un autre communiqué que "le salaire au mérite, c’est le salaire à la tête du client, c’est laisser les agents à la merci des arbitraires hiérarchiques". Le bras de fer entre le gouvernement et les partenaires sociaux semble déjà bien lancé.