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Январь
2024

Dyslexie : un "trouble" qui n'empêche pas le leadership

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Le nouveau ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a multiplié ces derniers jours les fautes de français. Est-ce à mettre sur le compte de l’émotion, de la fatigue, ou est-ce une véritable difficulté pour lui ? Le quotidien Libération dans son portrait "En marche à l’ombre" publié en novembre dernier indique que le ministre a été un "enfant dyslexique". "Il reste mal à l'aise avec la prise de parole. Sa première conférence de presse lui a laissé un souvenir désastreux. Lors de la présentation de la liste macroniste en mars 2019, il avait écorché plusieurs noms de colistiers", écrivait le quotidien. Et cela change tout.

Ni gloire ni honte, la dyslexie est une difficulté persistante de lecture et d’écriture qui peut se traduire par des troubles de langage oral. Contrairement aux idées reçues, la dyslexie ne disparaît pas à l’âge adulte, mais il est possible d’en limiter les effets, par un travail acharné dans l’enfance. La dyslexie perle la vie de ceux qui (sup)portent cette particularité. Ses manifestations peuvent resurgir à la faveur d’un coup de fatigue, d’un trop plein d’activités ou d’un changement d’environnement de travail. "Malheureusement, les troubles "Dys" sont trop souvent mal compris, ce qui génère discrimination et harcèlement. La discrimination envers les personnes "Dys" peut se manifester à tout âge de la vie, de l’école au monde du travail", relève dans un communiqué diffusé ce 17 novembre la Fédération française des Dys.

Si certains journalistes et internautes sont tombés à bras raccourcis sur les erreurs de langage de Stéphane Séjourné, sont-ils pour autant à blâmer ? Ils sont en réalité dans la droite ligne de cette idée bien française que celui ou celle qui ne maitriserait pas parfaitement la langue ne serait pas à la hauteur pour occuper des postes de premier plan. Et c’est bien là le drame, cette confusion entre les capacités, les compétences et l’expression, car les mots sont leurs maux.

Les personnes dyslexiques représenteraient 6 % à 8 % de la population française. Ils sont vos collègues, vos patrons, vos médecins, vos informaticiens, scientifiques, chercheurs et Prix Nobel (Jacques Dubochet, Chimie 2017), journalistes (Thomas Legrand), espions, chef d’expédition (Jean-Louis Etienne). Bien qu’ils soient particulièrement à l’aise dans l’innovation, la résolution de problèmes complexes ou le leadership, les dyslexiques se camouflent encore en France. A l’opposé, au Royaume-Uni, Sir Richard Branson, multimillionnaire fondateur de l’empire Virgin clame sur tous les toits qu’il a réussi grâce à sa dyslexie. En France, celle-ci est un angle mort. Notre système scolaire n’est pas encore assez adapté à cette particularité, ni même les RSE en entreprise.

Alors, que perd la France à ne pas se soucier de faire émerger les Richard Branson, Spielberg ou Ingvar Kamprad (fondateur d’Ikea) ? Il serait préférable de s’intéresser aux forces de ces personnes avec une cognition différente plutôt que d’en faire un sujet de moquerie. N’est-il pas temps de changer notre regard, de nous intéresser aux nouvelles recherches sur la dyslexie qui démontrent le rôle clé qu’ils ont à jouer dans les évolutions de la société (défis climatiques, IA etc... ) ?

"Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit", écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Pour contrer cette vaine polémique, le gouvernement aurait gagné à anticiper sur ce sujet de la dyslexie d’un de ses ministres. Cela aurait été un geste fort, un symbole porteur d’espoir pour nombre de Français.

*Marine Balansard, directrice d'Ariseal, cabinet de conseil et de formation, et coauteure de Les super pouvoirs des dyslexiques en entreprise avec Quentin Bous, éditions Eyrolles.