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Январь
2024

Rapport Oxfam sur les super-riches : pourquoi les médias tombent tous les ans dans le même piège

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Selon Oxfam, les cinq personnes les plus riches du monde valaient ensemble 405 milliards de dollars en 2020. Aujourd’hui, leur fortune s’élève à 869 milliards de dollars. Sur la même période, les milliardaires du monde entier se sont enrichis de 3 300 milliards de dollars. Les 5 milliards de personnes les plus "pauvres" du monde ont, elles, perdu 20 milliards de dollars de richesse. Voilà pour Oxfam.

Bien sûr, l’ONG a sélectionné les données qui correspondent à sa thèse. L’année 2020 a ainsi été délibérément choisie comme année de comparaison, parce que les marchés boursiers mondiaux ont connu à ce moment un effondrement massif en raison du Covid-19. Ce qui rend les gains ultérieurs des super-riches d’autant plus élevés en comparaison. Et comme le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a baissé l’année dernière (ce qui ne correspond pas à sa thèse), Oxfam a tout d’un coup utilisé une autre donnée, celle des 5 milliards les plus "pauvres". L’organisation suggère une corrélation entre ce surplus de richesse et cette pauvreté grandissante. Ce qui fait sens pour le nombre important de personnes qui souscrivent au biais de la somme nulle.

Le poète communiste Bertolt Brecht avait résumé cette conception erronée dans son poème Alphabet :

"Et le pauvre homme dit pâlement/Si je n’étais pas pauvre, tu ne serais pas riche."

Mais ces croyances sont fausses. Selon la Banque mondiale, 28 % de la population mondiale vivait dans l’extrême pauvreté en 2000, contre 8,5 % aujourd’hui. Sur la même période, le nombre de milliardaires est passé de 470 à 2 640, et seule une petite partie de cette augmentation est due à l’inflation.

Même la Suède

Les pays où la pauvreté a le plus chuté sont aussi ceux où le nombre de milliardaires a le plus augmenté. En 1981, 88 % des Chinois vivaient dans l’extrême pauvreté : aujourd’hui, ils sont moins de 1 %. Durant la même période, le nombre de milliardaires chinois a explosé plus que partout ailleurs dans le monde, passant de 0 à 562. Seuls les Etats-Unis accueillent plus de milliardaires que la Chine (il y a quelques années, la Chine avait même dépassé les Etats-Unis). La raison de l’augmentation du nombre de milliardaires comme de la chute de la pauvreté est la même : la croissance économique, résultat d’une plus grande liberté économique.

Ceux qui rêvent de pays sans milliardaires n’ont pas besoin d’attendre que ces derniers soient tous expropriés. On retrouve des pays sans milliardaires dans certaines parties de l’Afrique. Il y a aussi Cuba ou la Corée du Nord. La Suisse ou Singapour font eux partie des pays avec une part importante de milliardaires. Même en Suède, dont le modèle est souvent salué, la proportion de milliardaires (par rapport à l’ensemble de la population) est de 60 % plus haute qu’aux Etats-Unis. Même si la Suède a des impôts sur les revenus élevés, elle a supprimé ceux sur l’héritage, les dons et la richesse. Selon l’indice de liberté économique, la Suède est désormais le 10ᵉ pays le plus économiquement libre (c’est-à-dire capitaliste) du monde, alors que les Etats-Unis ne figurent qu’à la 25ᵉ place.

Chaque année, Oxfam publie des "études" qui conduisent automatiquement à la demande que les riches soient davantage taxés. Ces études sont très discutables sur le plan méthodologique. Et pourtant, les médias tombent tous les ans dans le même piège, comme je l’ai montré dans mon livre The Rich in Public Opinion. On peut avoir l’impression que les médias ne veulent même pas regarder les véritables données : ce genre de rapport leur semble crédible parce qu’il correspond à leur ressentiment antiriche, selon lequel les riches sont les boucs émissaires de tous les maux du monde.

* Sociologue et historien allemand, Rainer Zitelmann est notamment l’auteur de l’essai In Defence of Capitalism.