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Январь
2024

Pourquoi et comment faire lire nos enfants ?

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Pressés d’entrer au CP pour « apprendre à lire », les enfants ne le sont plus tant d’ouvrir un livre quelques années plus tard, ni comme il y a cinquante ans, de lire un livre « sans images ». Depuis, les écrans font une concurrence déloyale aux livres et cannibalisent les temps de loisirs auparavant dédiés au sport, aux copains et à la lecture.

Le livre décroche

Selon l’étude barométrique « Les Français et la lecture » du Centre national de livre, nous consacrons en moyenne 41 minutes par jour (4 h 47 par semaine) à la lecture d’un livre, tous genres confondus (roman, BD, livre de cuisine, etc.), contre 3 h 14 par jour (22 h 38 par semaine) passées devant un écran (pour autre chose que lire un livre). Le décrochage avec le livre s’accentue encore pour les 15-24 ans - un jeune sur cinq dit ne pas lire du tout, ce qui est inquiétant lorsqu’on sait le lien entre lecture et réussite scolaire, entre non-lecture, chute de l’esprit critique et montée du complotisme. 

À quoi ça sert ?

Lire ne sert pas qu’à être « bons en français », à maîtriser sa langue maternelle, à gagner en vocabulaire, orthographe, grammaire et syntaxe. Lire, c’est aussi s’ouvrir à un autre imaginaire, un autre monde que le sien. C‘est indispensable pour former sa pensée, aller chercher les informations dont on a besoin, comprendre les données d’un problème, etc.

Pour Régine Hatchondo, présidente du CNL (1), « il faut aider à sanctuariser un temps dédié au livre dans le quotidien en redonnant à tous l’envie de lire pour le plaisir » et « faire prendre conscience que les écrans abîment le cerveau des enfants et affecte la santé psychique ».

Manga vs roman

Et ce n’est pas Michel Desmurget, chercheur en neurosciences cognitives, auteur de Faites-les lire ! Pour en finir avec le crétin digital qui la contredira. Lui qui rappelle aussi que lire des BD et des mangas, ce n’est pas non plus la même chose que lire un roman ou de la poésie.

Certains pourraient y voir un combat d’arrière-garde, Régine Hatchondo y voit « un combat de l’humanité », et « pour l’égalité » car la (non) lecture recouvre aussi les inégalités économiques socioprofessionnelles. Il s’agit d’un choix de vie entre « surfer » ou « s’imprégner d’un univers pour se connaître et mieux connaître les autres ». « La lecture, c’est un temps avec soi-même et pour s’oublier », dit encore Régine Hatchondo.

Lire des BD et des mangas, ce n'est pas la même chose que lire un roman ou de la poésie. Photo Thierry Lindauer  

Comment donner le désir de lire ?

Mais que faire alors quand ce désamour pour la lecture frappe même les familles de lecteurs (encore que moins fortement) qui ont fait la « fortune » de l’édition jeunesse et lu des histoires à leurs tout-petits ?

C’est que lire est un exercice difficile et de longue haleine qu’il faut encourager et soutenir longtemps. « Même quand l’enfant commence à lire tout seul, les parents ne doivent pas arrêter de lui lire des histoires », prévient Michel Desmurget dans une interview accordée au groupe Centre France La Montagne en novembre dernier.

Partager le goût de la lecture et mettre en avant des auteurs contemporains au travers d’événements comme les Nuits de la lecture, le festival « Partir en livre » ou les rencontres d’auteurs dans les établissements scolaires est une autre piste. « On sait que ces événements ont un impact à long terme sur la lecture », assure Régine Hatchondo. Les clubs de lecture, les ateliers d’écriture sont d’autres pistes à développer.Lire des BD et des mangas ce n'est pas la même chose que lire un roman ou de la poésie. Photo Rémi Dugne

S’adapter

L’Éducation nationale, dont les programmes de lectures sont trop éloignés des enfants et des adolescents d’aujourd’hui, a aussi un rôle à jouer en abordant les thèmes qui leur parlent davantage. L’introduction du recueil Mes forêts de la poète québécoise Hélène Dorion au bac de français est à ce titre une bonne nouvelle. Les temps dédiés à la lecture personnelle en classe ou lors des pauses méridiennes avec les opérations « Silence, on lit », une autre.

« Lire et faire lire » avec Robert Balsan

De leur côté, les non-lecteurs souhaitent « une offre mieux adaptée et des lectures plus faciles », (on note les efforts de l’édition jeunesse pour les dyslexiques).

Et le CNL ne cache pas, non plus, que les réseaux sociaux peuvent aussi contribuer à développer la lecture en s’appuyant sur des influenceurs et des personnalités prescripteurs de lectures. Amener à la lecture est un combat qui pourrait être élevé au niveau de ceux des « cinq fruits et légumes » et des « 30 minutes d’activités physiques » par jour. Une question d’hygiène de vie. 

(1) L’étude barométrique 2023 « Les Français et la lecture » et l’interview de Régine Hatchondo sont à retrouver sur le site du centre national du livre (CNL).

Géraldine Messina