La chronique politique de Jean-Michel Aphatie : "La pente sur laquelle a glissé l’homme jeune de 2017"
Aux hommes l’armée (Lecornu), la police (Darmanin), la justice (Dupond-Moretti) et le pilotage économique (Le Maire). Aux femmes, la santé (Vautrin) et l’éducation (Oudea-Castera). Une femme (Rima Abdul-Malak) dans l’équipe précédente avait critiqué cet immense acteur (Gérard Depardieu) accusé par de multiples femmes d’avoir violé leur consentement. Virée. Chassée. Au motif que l’art est plus fort que la violence infligée à la moitié de l’humanité.
Et d’ailleurs, pourquoi Élisabeth Borne a-t-elle été priée de quitter Matignon ? Généralement, un Premier ministre perd son poste pour purger une raclée électorale, ou bien parce qu’une crise a surpris sa vigilance. Ici, rien de tel.
Le remaniement qui a propulsé le jeune Gabriel Attal à la tête du gouvernement s’est produit à froid. Pour quelle raison ? Le Président ne le dira jamais et d’ailleurs personne ne le lui demande vraiment. De quoi renforcer le sentiment qu’une femme au sommet de l’État demeure une incongruité.
Recul de la morale publiqueAutre leçon. Naguère, une mise en examen conduisait un ministre à se retirer. Aujourd’hui, la même situation qui, soulignons-le, ne dit rien de la culpabilité ou de l’innocence, n’empêche pas la nomination au ministère de la Culture de Rachida Dati, poursuivie pour "corruption" et "trafic d’influence". On peut y voir un recul, évidemment dommageable, de la morale publique.
Les peurs dominentEnfin, les mots employés dévoilent l’idéologie de la nouvelle équipe gouvernementale. Lors de la passation des pouvoirs avec Élisabeth Borne, mardi, à l’Hôtel Matignon, Gabriel Attal a évoqué "l’immigration", la "souveraineté", l’"autorité". À l’origine, le macronisme était un optimisme qui, regardant au dehors avec confiance, suggérait l’épanouissement de la Nation dans un ensemble plus vaste. Cette période est terminée.
Les peurs aujourd’hui dominent et, pour tenter de les surmonter, s’installe la tentation du repli avec son cortège de méfiances, de tristesse peut-être, de nostalgie sans doute.
La transition d’un état d’esprit à l’autre s’est faite sans prévenir, sans expliquer, donc d’une certaine manière sans assumer. Mais la réalité est là. Il ne s’agit plus ni de droite ni de gauche. Il s’agit d’une pente sur laquelle a glissé l’homme jeune de 2017 et au bas de laquelle l’attend la femme qui deux fois déjà a échoué aux portes de l’Élysée.
Jean-Michel Aphatie
Journaliste politique reconnu, Jean-Michel Aphatie, passé par la presse écrite et la radio, tient une chronique, chaque jour, dans "Quotidien" sur TMC.