Quand le froid était meurtrier en Creuse
Les hivers d’autrefois étaient particulièrement rudes. En janvier 1893, la neige et le froid paralysèrent l’ensemble du département. Et particulièrement Guéret, comme on pouvait le lire dans l’édition du mardi 17 janvier du journal, L’Abeille de la Creuse : « La nuit de samedi à dimanche ( du 14 au 15 janvier, N.D.L.R. ), une tempête épouvantable s’est déchaînée sur notre ville […] comme sur tout le département et toute la région. Le vent soufflait avec violence, chassant des tourbillons de neige fine qui s’insinuait partout et jusque dans l’intérieur des maisons. Les rues étaient couvertes, le matin, d’une épaisse couche qui rendait la circulation très difficile. Aussi, à part la sortie obligatoire à l’heure des offices, les Guérétois ont-ils gardé le coin de leur feu. Les trains du jour et de la nuit ont subi de grands retards. Les facteurs ont dû renoncer à faire leur tournée. La nuit dernière ( le 15 janvier, N.D.L.R. ), il a gelé très fort : près de 20° au-dessous de zéro ».
Le mercredi 18, des équipes d’ouvriers municipaux ramassaient les tas de neige amoncelée dans les rues. Le jeudi 19, la température remontait à 7 °C. Le vendredi 20 au soir le dégel s’amorçait grâce à la pluie qui transforma la neige encombrant les rues guérétoises en boue épaisse et froide dans laquelle pataugeaient les piétons.
Ayant enfin reçu la copie de ses correspondants, L’Abeille revint le mardi 24 sur les embarras causés par la neige dans le département : « Du côté de Lépaud, Nouhant, etc., les chemins disparaissaient sous une épaisse couche de près d’un mètre. Les cantonniers ont dû pratiquer des tranchées pour permettre aux voitures de circuler. À Saint-Sébastien, La Chapelle-Baloue, Azérables, […] il a fallu ouvrir des tranchées dans la neige amoncelée sur les routes pour les rendre praticables aux voitures. Encore les courriers n’ont-ils pu circuler le 17 janvier. Beaucoup de pommes de terre entassées dans les granges ont été gelées. Entre Genouillat [ sic ] et La Châtre, la voiture du courrier a dû suspendre son service et les dépêches ont été portées par des piétons. […] Les courageux facteurs ruraux n’ont pu pendant plusieurs jours remplir leur mission qu’au prix des plus grandes fatigues ».
Morts de froid et dans la neigeLors de cet épisode neigeux, on déplora la mort de deux personnes : Jean Revisse 73 ans, sans profession, natif de Peyrat-la-Nonière qui, frappé de congestion en raison du froid, s’écroula aux pieds de M. Perrot, auquel il demandait l’aumône, dans un hameau près de La Souterraine, le jeudi 19 et Antoine Randonneix, 80 ans, sans profession, retrouvé mort de congestion également, le vendredi 20, dans la cabane où il vivait, près de la gare de Vieilleville.
Lors d’un nouvel épisode neigeux, début février 1901, on releva à Saint-Goussaud une épaisseur de 60 centimètres. Elle arrivait à hauteur des fenêtres du rez-de-chaussée des maisons, bloquant les habitants chez eux. Pour éviter de trop longs retards dans la distribution des lettres, la Poste fit effectuer le service à cheval sur certains points. Il y eut aussi des morts : un jeune homme d’Azat-Châtenet, M. Guillonet, 17 ans, revenait d’une noce à la limite de la commune quand, pris dans une bourrasque de vent et de neige, tomba et perdit connaissance. Inquiet de ne pas le voir rentrer, son père aidé de voisins se mit à sa recherche. Ce ne fut que le lendemain qu’on découvrit le corps de l’infortuné sous un mètre de neige.
Michel Ruby, 47 ans, du village de Plazanet, commune de Faux-la-Montagne, parti le mardi 5 février à Gentioux et ne reparut pas à son domicile. Supposant qu’il s’était perdu dans la neige qui atteignait à certains endroits quatre-vingt centimètres, ses voisins le recherchèrent pendant cinq ou six jours. Son corps sera retrouvé à la fin du mois, enseveli aux trois quarts par la neige, au pied d’un hêtre, non loin de Gentioux. Une véritable tragédie, car la victime, veuf, était père de cinq enfants.