"On a juste le droit de mourir en silence" : cet éleveur de Haute-Loire continue son combat face aux opérateurs téléphoniques
Dernier rebondissement dans l’affaire opposant le Gaec de Coupet à des opérateurs de téléphonie sur la commune de Mazeyrat-d’Allier : Jean-Dominique Puyt, le vétérinaire expert judiciaire, a remis ses conclusions il y a quelques semaines. « Aucune cause médicale, sanitaire, alimentaire ou zootechnique n’a pu être identifiée. » […] « Les vérifications électriques sur l’installation n’ont révélé aucune anomalie, aucun courant de fuite ni continus, ni alternatifs, ni au niveau de l’antenne, ni au niveau des bâtiments d’exploitation du Gaec n’ont été mis en évidence ».
« Son implication n’est pas écartée »On se souvient qu’en juillet 2021, un pylône de téléphonie mobile (une antenne 4/5G) était implanté à Mazeyrat-d’Allier dans un champ à 200 mètres du Gaec, dans le cadre du programme New Deal destiné à lutter contre les zones blanches (elle est utilisée par les opérateurs téléphoniques Orange, Bouygues Télécom, SFR et Free).
Deux mois plus tard, l’un des trois agriculteurs associés du Gaec, Frédéric Salgues, publiait une vidéo montrant des bêtes « qui s’entassent toutes dans un coin du bâtiment, à l’opposé de l’antenne ». Les bêtes amaigries, une production laitière en baisse de moitié et la mort d’une quarantaine d’animaux : pour Frédéric Salgues, la mise en service de l’antenne 4G est la responsable.
On passera sur les tribulations judiciaires qui s’en sont suivies, pour retenir toutefois qu’en août 2022, le Conseil d’État, saisi par les opérateurs, a annulé la décision du tribunal administratif de couper l’antenne pour voir si la situation revenait à la normale.
À la question de savoir si la baisse de production laitière, la surmortalité et le cas échéant, s’il est établi, le comportement inhabituel du cheptel, sont en lien direct et certain avec l’installation et la mise en service de l’antenne relais exploitée par Orange, le rapport d’expertise stipule qu’« il n’a jamais été établi scientifiquement que l’exposition aux courants électriques ou aux champs électromagnétiques émis par les antennes de télécommunications 3G/4G pouvait présenter un risque quelconque en élevage bovin ».
De ce fait, a priori, il n’existe pas de lien direct et certain entre les troubles de l’élevage et la mise en service de l’antenne relais exploitée par Orange. Néanmoins, l’hypothèse de l’implication de l’antenne-relais 3G/4G exploitée par Orange et mise en service en juillet 2021 dans les troubles d’élevage, n’a pas pu être complètement explorée.
L’ordonnance du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 mai 2022, accordait l’autorisation de fermeture temporaire de l’antenne. À la suite des vives protestations des opérateurs téléphoniques, cette ordonnance a finalement été annulée par le Conseil d’État.
« Il va falloir arrêter cette antenne ! »« Cette situation a empêché de confirmer que l’antenne 3G/4G litigieuse n’était pas impliquée dans le sinistre subi par le Gaec de Coupet », explique le rapport.Résultat des courses : « N’ayant pas pu identifier la ou les causes(s) des troubles d’élevage du Gaec de Coupet survenus à partir de juillet 2021, nous ne pouvons pas fournir au Tribunal les éléments techniques qui lui permettraient de statuer sur les responsabilités encourues ».
Contacté lundi, Frédéric Salgues reste déterminé, malgré cette expertise qui n’infirme, ni ne confirme, la position de l’agriculteur, qui reste convaincu qu’« il va falloir stopper cette antenne. Quitte à l’arrêter moi-même ! ». L’éleveur ne décolère pas. « On a rencontré quatre fois le ministre de l’Agriculture, une fois le Président de la République, et personne n’est capable de prendre une décision ! On a juste le droit de mourir en silence, c’est tout… ». D’autant que le Gaec se retrouve dans une situation financière inconfortable.
Il a procédé à la dernière traite en novembre 2022, après la vente d’une partie de son cheptel. Si les animaux sont partis, le bâtiment lui est toujours là, et avec lui les traites à honorer : « Le bâtiment est vide, mais on continue de payer nos emprunts, à l’assurer, etc.. On a déjà perdu 100.000 euros chacun et on doit rembourser 35.000 euros chaque année jusqu’en 2030… On n’arrive déjà pas à vivre à trois sur 80 hectares de culture. On travaille désormais tous à l’extérieur », se désole-t-on au Gaec du Coupet.
Et Frédéric Salgues de conclure : « Quand je vois qu’on implante de nouvelles antennes et qu’on ne résout pas les problèmes qu’elles posent. Ce sera le prochain scandale sanitaire ! Et ça va arriver plus tôt que prévu ! En Bretagne, 20 à 25 % des exploitations sont impactées et personne ne bouge ! ».
Nathalie Courtial