ru24.pro
World News
Декабрь
2025
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31

L’Occident a une responsabilité dans l’impasse à Gaza, par Arié Bensemhoun

0

Alors que le temps s’égrène dans les ruines de Gaza et que les derniers corps d’otages peinent à être restitués, l’idée même d’une paix durable apparaît plus que jamais comme un mirage. Le Hamas, fidèle à sa logique de guerre sainte jusqu’au-boutiste, refuse son désarmement - préalable pourtant indispensable à la reconstruction du territoire et à la stabilité régionale. L’Occident se donne bonne conscience à coups de résolutions et de communiqués, mais la reprise des combats paraît inévitable tant que le Hamas persiste à violer ses engagements du plan Trump.

L’impasse n’est pas née du seul fanatisme des uns ni de la résistance des autres. Elle est aussi le fruit d’un enchaînement d’erreurs des nations occidentales — singulièrement de l’Europe, France en tête — qui ont perdu le sens des valeurs qu’elles prétendaient défendre et ont, par faiblesse, permis au Hamas de subsister.

Tout a commencé par une faute de perception. Là où Israël a vécu le 7 octobre 2023 comme une blessure existentielle - une razzia pogromiste d’un autre âge - l’Occident a voulu le replacer dans la grammaire obsolète du "conflit israélo-palestinien". Ce réflexe pavlovien a aplati l’histoire, dilué la tragédie et permis au terrorisme de se redéployer sous les habits d’une prétendue "résistance". Les chancelleries occidentales ont refusé de voir que le 7-Octobre n’était pas qu’un nouvel épisode de barbarie palestinienne, mais l’expression d’une guerre métaphysique : celle que le fanatisme islamiste livre à la civilisation.

Cette guerre, dix ans après les attentats de Paris et la vague de djihadisme qui a frappé l’Europe, l’Occident ne la connaît pourtant que trop bien. Mais l’islamisme, faute d’avoir été combattu pour ce qu’il est, a su troquer la kalachnikov pour le prosélytisme, l’entrisme et le "palestinisme", cette idéologie centrée sur la cause palestinienne. Dans toutes les grandes villes du monde libre, des cortèges défilent au cri de "Free Palestine" non plus pour dénoncer une prétendue "occupation" mais pour contester l’existence même de l’État juif. Et tandis que les synagogues de Paris, Londres ou Berlin doivent être placées sous protection, les chancelleries occidentales parlent de "désescalade", refusant de nommer la haine qui s’exprime aussi bien dans leurs rues que dans celles de Gaza, lorsque les corps d’otages y étaient exhibés comme des trophées de guerre.

Au lieu de nommer le mal, on a préféré le contextualiser. Dès le lendemain des massacres, on parlait de "proportionnalité", de "cessez-le-feu". La prudence diplomatique est devenue une morale de substitution. Dans cette symétrie héritée d’un pacifisme sentimental, le Hamas triomphe symboliquement, il se pare du masque de la victime et retourne la compassion mondiale à son profit, tout en orchestrant la souffrance de la population qui l’a élu.

Puis de la faute morale a découlé la faute politique qui a scellé l’impasse. En septembre 2025, dix États occidentaux, menés par la France, ont reconnu un "État de Palestine" sans condition. Ce geste, présenté comme celui de la "justice", comme une offrande à la paix, a été en réalité un renoncement, où l’Occident a consacré la stratégie du chantage et du sang.

Derrière cet humanisme d’apparat, une realpolitik frileuse : préserver le gaz qatari, ménager Riyad, ne pas froisser Ankara. Dans une Europe minée par les tensions communautaires et la montée d’une haine décomplexée des Juifs, la reconnaissance d’un État palestinien a été conçue comme un anesthésiant social, non comme un projet de paix. En consacrant cet État dans le sillage du plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah, l’Occident a envoyé le message le plus dangereux : la violence paie.

Cette faute historique trouve sa logique dans une incompréhension persistante : croire que le conflit israélo-palestinien est territorial. Depuis un siècle, on s’obstine à penser que la paix naîtra d’une ligne tracée sur une carte. Or, les refus des Arabes, puis des Palestiniens, n’ont jamais été géographiques mais ontologiques. Le Hamas, héritier de la collaboration de Mohammed Amine al-Husseini avec les nazis et du rejet arabe de 1947, ne lutte pas pour un État aux côtés d’Israël mais pour un État islamique à sa place. En traitant ce fanatisme comme un nationalisme frustré, l’Occident s’est condamné à proposer des solutions politiques à un mal métaphysique, qui ne pourra être surmonté que par la transformation du regard arabe sur la légitimité du fait juif au Proche-Orient.

Sous la pression des opinions publiques, les gouvernements occidentaux ont abandonné Israël au moment le plus critique de son opération pour détruire le Hamas. Les pauses humanitaires et les cessez-le-feu imposés ont offert au mouvement islamiste le répit nécessaire pour se reconstituer, sans jamais exiger sa reddition. Croyant sauver des vies, l’Occident en a prolongé les souffrances. Ce sont ceux qui se réclament de la paix qui ont, paradoxalement, contribué à la rendre impossible en sortant les terroristes de l’étreinte nécessaire à une résolution définitive du conflit.

En substituant la morale des intentions à la politique des réalités, en plaçant l’émotion au-dessus du discernement, les gouvernements européens ont transformé Gaza en champ d’épreuve de leur propre faillite. Ils ont non seulement validé la stratégie des boucliers humains, mais aussi celle des prises d’otages - avec un Hamas qui séquestre des civils comme gage de sa survie politique, convaincu que l’Occident finira toujours par tordre le bras d’Israël et plaider le compromis au nom d’un humanisme dévoyé.

La faute la plus profonde, enfin, est culturelle : celle d’une civilisation qui ne croit plus en ses propres valeurs, où les nations ne se comportent plus en puissances stratégiques, mais en ONG humanitaires géantes. L’Occident a perdu le courage de nommer l’ennemi, de défendre l’idée qu’une démocratie attaquée a le droit et le devoir de se protéger sans rougir de sa force, lorsque son existence est menacée.

En refusant de penser l’islamisme comme un totalitarisme, il s’est condamné à dialoguer avec l’inhumain. Le Hamas n’est pas un acteur local, c’est une idéologie transnationale, branche palestinienne des Frères musulmans, mue par une théologie de la haine et du martyre. Le traiter comme un interlocuteur raisonnable, c’est réhabiliter le fanatisme sous le masque de la diplomatie. L’islamisme ne négocie pas, il attend. Gaza est devenue le miroir des contradictions occidentales : on y contemple la détresse humaine, mais l’on refuse d’y voir le laboratoire d’une idéologie qui hait tout ce que nous sommes.

En n’établissant aucune condition à la reconnaissance d’un État palestinien, en n’agissant pas pour le démantèlement du Hamas et en délégitimant les opérations israéliennes allant dans ce sens, l’Occident s’est égaré, offrant au mouvement islamiste un répit et un espoir inespéré qui le confortent dans son irrédentisme.

Désormais, comment exiger des terroristes palestiniens qu’ils déposent les armes, alors qu’on vient de les inscrire dans l’ADN d’une nation artificielle à qui l’on a offert, par leur violence, un succès diplomatique historique ? Une fois de plus, l’histoire bégaie, car l’Occident refuse d’apprendre. Une fois de plus, le monde libre cède au chantage de la compassion et trace la route de la prochaine tragédie.

*Arié Bensemhoun est le directeur général d'Elnet France (European Leadership Network), une association vouée au renforcement des liens entre l’Europe et l’Etat d’Israël. Docteur en chirurgie dentaire, il a mené sa carrière dans le secteur privé en tant que conseil en communication stratégique, en affaires publiques et en relations internationales.