Union européenne : Mario Draghi veut un « fédéralisme pragmatique »
A l’heure où certains plaident en faveur d’un fédéralisme en France, la proposition de l’ancien Président de la BCE inquiète. Mario Draghi a récemment prononcé un discours à Oviedo sur le devenir de l’Union européenne (UE) qui est assez largement passé inaperçu en France. A tort.
L’ancien dirigeant italien de la Banque centrale européenne, par ailleurs auteur en 2024 du rapport sur la compétitivité européenne, considère tout d’abord que la « confédération européenne » (c’est ainsi qu’il définit la nature de l’Union) est insuffisante. Il estime par conséquent que « l’avenir de l’Europe doit être une voie vers le fédéralisme » et, en pratique, que « le seul chemin possible est celui d’un nouveau fédéralisme pragmatique ». De quoi s’agit-il précisément ? Il faut, martèle-t-il, une capacité à « agir en dehors des mécanismes plus lents du processus décisionnel de l’Union ». Des « coalitions de volontaires » (des Etats volontaires) se réuniraient « autour d’intérêts stratégiques communs », par exemple dans les secteurs technologiques, les industries de défense ou encore les « leaders industriels ». Mario Draghi assure pour finir que cette méthode « pourrait contribuer à renouveler l’élan démocratique de l’Europe ».
En réalité, la proposition de Mario Draghi n’est guère innovante. Elle s’inscrit dans la vieille idée des « cercles concentriques » qui réuniraient des pays plus « avancés » dans l’union de l’Europe et des pays moins avancés, si ce n’est ici que les Etats se regrouperaient autour de différents projets spécifiques, et non pas de manière globale.
Mais surtout, cette proposition de « fédéralisme pragmatique » est hypocrite. D’une part, parce qu’elle cache d’un voile pudique une volonté de mettre fin à la règle de l’unanimité (au sein notamment du Conseil européen où siègent les 27 chefs d’État et de gouvernement), comme le préconisait d’ailleurs le rapport franco-allemand du 19 septembre 2023. Ensuite, parce qu’elle cache aussi d’un voile pudique une volonté technocratique de centralisation en accroissant sans limites les pouvoirs de Bruxelles au détriment du principe de subsidiarité. Mario Draghi ne déclarait-il pas à la fin de l’année 2023 qu’il fallait que l’UE s’unisse pour « devenir un État » ? Et qui dit État dit entre autres fiscalité propre alors que, aujourd’hui, les « ressources propres » de l’UE sont au sens strict très limitées.
Ces points sont à garder à l’esprit non seulement au niveau européen, mais également au niveau français après qu’un sondage Ifop a dévoilé que 71 % de nos concitoyens seraient favorables à une « France fédérale » (Le Figaro, 25 août 2025) et que l’ancienne ministre de gauche Annick Girardin a déclaré que la France devrait s’inspirer du « modèle fédéraliste » (Le Monde, 6 novembre 2025). Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup…
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