Crozes-Hermitage, une initiative citoyenne
Le 23 octobre, laissez-vous griser par l’élégance des syrahs de Crozes-Hermitage à La Felicità, insolite repaire parisien, où quarante vignerons passionnés feront rimer jeunesse, convivialité et grand vin…
Dans le marasme ambiant, certaines « initiatives citoyennes » nous mettent du baume au cœur et nous laissent entendre que, non, décidément, tout n’est pas foutu en France… Un collectif de « jeunes » a ainsi eu la bonne idée d’aller à contre-courant des préjugés et autres « enquêtes d’opinions » effectuées par des sociologues dépressifs qui n’aiment rien tant que mettre un thermomètre dans le cul des Français pour voir s’ils ont de la température. Ces « jeunes », donc, ont entrepris de démontrer que, contrairement à tous les ragots colportés sur leur compte, ils sont encore nombreux à aimer boire du bon vin, alors que tous les journaux nous assurent que l’effondrement de la consommation de vin est un « phénomène mondial » (comme le disait Depardieu dans le merveilleux film Le Sucre de Jacques Rouffio sorti en 1976). Comme tous les lecteurs de Causeur sont cultivés et attachés aux racines chrétiennes de notre civilisation, je les invite donc à réserver leur jeudi 23 octobre, de 18h à 23h, pour se rendre gratuitement dans un lieu extraordinaire et tout ce qu’il y a de plus insolite : La Felicita, un espace gigantesque situé dans une ancienne gare du 13ème arrondissement de Paris (où est exposée une ancienne Micheline). C’est là que, sur l’invitation de nos « jeunes », une quarantaine de grands vignerons de Crozes-Hermitage viendront présenter et goûter leurs vins : l’occasion, ainsi, de découvrir l’une des appellations les plus dynamiques et sympathiques qui soient, et de faire le plein de cartons en vue des fêtes de fin d’année (les prix proposés étant exceptionnellement et légèrement inférieurs à ceux du commerce habituel).
Une aubaine
Alors que la plupart des vins de Bourgogne sont devenus aujourd’hui financièrement inatteignables (y compris les Marsannay qu’on pouvait encore se payer l’an dernier), ceux de Crozes-Hermitage forment une aubaine, les prix moyens se situant entre 15 et 25 euros la bouteille (avec, il est vrai, quelques crus d’exception montant jusqu’à 36 ou 40 euros).
Et pour ce qui est du plaisir de boire, la syrah, ici, développe des notes de cassis d’une fraîcheur enthousiasmante, qui nous font oublier le pinot noir de Bourgogne devenu à la longue un peu monotone ! Donc, vous l’avez compris, voici une initiative citoyenne qui va permettre à une appellation encore trop méconnue de conquérir un nouveau public.
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À titre personnel, je le confesse, j’entretiens avec ce vignoble une relation affective qui remonte à l’enfance. Dans les années 1970-80, mes parents et moi vivions près de Grenoble. Nous passions nos week-ends et nos vacances dans une antique ferme en pisé située dans « les terres froides » du Dauphiné, non loin de la Drôme. Une fois l’an au moins, nous allions ainsi visiter le palais idéal du facteur Cheval à Hauterives, puis partions acheter nos vins à Crozes-Hermitage, entre l’Isère et le Rhône, car c’était le vignoble le plus proche. Nous allions ensuite acheter notre huile d’olive à Nyons et en profitions pour rendre visite aux artisans du village de Dieulefit, au milieu de paysages somptueux célébrés par Jean Giono. La Drôme, quelle merveille !
Les vins de Crozes-Hermitage, à l’époque, n’avaient pas trop la cote, le rouge était parfois aigrelet, c’est pourquoi nous privilégions le blanc pour accompagner les ravioles de Royan, les fromages de Saint-Marcellin, la truite du Vercors, la frisée aux noix de Grenoble et le gratin dauphinois… mmh !
Yann Chave, adoubé par la laiterie Bayard
Aujourd’hui, les choses ont bien changé et les progrès qualitatifs accomplis par les 170 vignerons de l’appellation (créée en 1937) forcent l’admiration. N’hésitez donc pas à visiter un jour ce vignoble de 2000 hectares (le plus important de toute la Vallée du Rhône après celui de Châteauneuf-du-Pape) dont les principaux villages sont Mercurol, Pont-de-l’Isère et Gervans. Au nord, les côteaux sont escarpés et durs d’accès, au sud, les vignes sont plantées sur un plateau composé de galets-roulés et d’argile rouge. On y produit 90% de rouge à base de syrah, un cépage qui délivre ici des tannins ronds et souples, sur le fruit et la fraîcheur. Le blanc, lui, se compose de roussanne et de marsanne : la première apportant des notes explosives de fleurs blanches, alors que la seconde cisèle le vin par l’amertume et le relief.
De nombreux jeunes vignerons se sont installés à Crozes-Hermitage au cours de ces vingt dernières années et ont décidé de faire leur propre vin plutôt que de le vendre à la cave coopérative de Tain-L’Hermitage qui est d’ailleurs très réputée.
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Les trois domaines historiques (les premiers à avoir fait connaître ce vignoble dans le monde) sont ceux d’Alain Graillot (dirigé par son fils Maxime), de Laurent Combier (en bio depuis 1970 !) et de Laurent Fayolle.
J’ai pour ma part une prédilection pour les vins de Yann Chave (notre photo) dont le domaine a été créé en 1996. C’est le regretté caviste de Grenoble, patron de la Laiterie Bayard, François Blanc-Gonnet, qui m’avait fait découvrir ce vigneron passionné. « Être adoubé par François, raconte Yann Chave, était pour moi une consécration, car c’était un connaisseur, quelqu’un qui avait dans sa boutique quantités de trésors… C’est chez lui que j’ai bu et acheté ma première Chartreuse de Taragonne ! »
Yann produit des rouges fantastiques qu’il vous faudra absolument goûter le 23 octobre… « Je veux élaborer des vins frais, concentrés et élégants. Je les élève dans des demi-muids de 600 litres. Toute la difficulté et d’avoir en même temps la maturité des raisins et l’équilibre, c’est-à-dire pas trop de puissance alcoolique. » Mission accomplie !
Avec ce type de vignerons-orfèvres, on se rend compte qu’il vaut mieux boire un très bon Crozes-Hermitage à 25 euros qu’un Cornas ou un Saint-Joseph moyens (qui vont coûter près du double !).
Les très bons rouges ont un potentiel de garde de 10 à 20 ans, un peu poivrés, gorgés de sève et veloutés, il faut les marier avec une épaule d’agneau de la Drôme confite à l’ail et aux herbes ou, pourquoi pas, une belle fricassée de poulet de Bresse aux écrevisses du lac Léman !
Yann produit aussi des vins somptueux sur les appellations Cornas et Hermitage, et là, on entre encore dans une autre dimension… Mais commençons par les Croze !
« Génération Crozes-Hermitage » à La FELICITA
Jeudi 23 octobre de 18 à 23h.
Parvis Alain Turing 75013 Paris
Métro Chevaleret ou Bibliothèque François Mitterrand.
Entrée gratuite. Ateliers d’initiation à la dégustation.
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