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Rachida Dati face à Michel Barnier : à Paris, le poison du soupçon avant la législative partielle

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Fidèle à sa réputation. Lundi 21 juillet, Rachida Dati rassemble ses soutiens au Solférino, un café cossu du 7e arrondissement de Paris. Officiellement, elle est venue vanter la "chance historique" de la droite aux municipales de 2026 dans une belle ode au rassemblement.

La ministre de la Culture s’amuse de la présence de nombreux journalistes, pas vraiment là pour l’écouter parler uniquement urbanisme et propreté. Cela tombe bien, elle non plus. Devant ses troupes, elle dézingue la candidature à la législative partielle de Michel Barnier dans la 2e circonscription de Paris, vacante depuis l’invalidation de l’élection de Jean Laussucq par le Conseil constitutionnel.

Barnier "instrumentalisé"

Retenir ses coups contre l’ancien Premier ministre au nom du respect de la fonction ? Pas vraiment le genre de Dati qui décrit un homme "instrumentalisé" par les tenants de la "division et de l’échec". Qui ? Ces "fossoyeurs" - sénateurs parisiens et maires LR d’arrondissement LR - qui refusaient la réforme de la loi Paris-Lyon-Marseille et qui accueillent avec enthousiasme la candidature du Savoyard.

"Il ne peut pas y avoir deux candidatures à Paris", tonne Rachida Dati, établissant un parallèle entre l’ambition parlementaire de Michel Barnier et une candidature à Paris. Comme si la première était condamnée à entraîner la seconde. Se lancera-t-elle contre lui ? Rachida Dati entretient l’ambiguïté stratégique sur ses intentions et se garde de tout propos définitif. Tout juste a-t-elle demandé à la commission nationale d’investiture de LR d’être auditionnée le 28 juillet.

La succession d’Anne Hidalgo est l’obsession de Rachida Dati. Cette quête guide tous ses choix stratégiques, de son entrée au gouvernement Attal en janvier 2024 à son retour opportuniste chez Les Républicains (LR) avant l’élection de Bruno Retailleau à la tête du parti. Elle œuvrait alors en sous-main pour Laurent Wauquiez, partisan, comme elle, d’une réforme de la loi électorale PLM.

"Si tu n’y vas pas, tu fabriques un plan B"

Paris, le combat d’une vie. Qu’un ancien Premier ministre débarque, et la sarkozyste voit rouge. "Barnier, c’est une baleine qui arrive dans une bassine", sourit un dirigeant Renaissance. "Rachida pipote en parlant de la méchante droite parisienne qui instrumentalise Barnier. Elle n’aime pas les têtes qui dépassent, ajoute un élu LR parisien. C’est une femme de pouvoir qui, cette fois, subit la situation." Alors, elle fonce. Rachida Dati est-elle emportée par une crainte irrationnelle, adversaire de toute logique ? Ou bien est-elle animée par la légitime suspicion de ceux qui ont quelques coups d’avance ?

Elle a bâti un plan simple pour porter les couleurs de la droite et du centre à Paris. Etre la seule. "Il n’y a pas d’alternative" : ce refrain entonné par les élus locaux lui convient. Candidate de la fatalité, mais candidate quand même. L’arrivée de Michel Barnier fait un peu tâche. Le camp Dati craint qu’il ne soit le remède à cette "fatalité", et une alternative possible à leur favorite dans la capitale. La candidature de la ministre de la Culture, mise en examen en 2021 pour "corruption et trafic d’influence" dans l’affaire Carlos Ghosn, suscite de fortes réserves à droite. Un confident l’a invitée à prendre les devants : "Si tu n’y vas pas, tu fabriques un plan B comme Barnier. Une élection en octobre lancera aussi ta campagne municipale !"

"Je ne suis pas instrumentalisé"

Michel Barnier montre patte blanche. Lui, à qui on prête davantage d’envies élyséennes que parisiennes. "Ce qui l’intéresse est 2027", assure un proche. Dans un courrier adressé aux adhérents LR, le Savoyard jure n’avoir "aucune ambition municipale". Bien, mais insuffisant. "Il n’écrit pas qu’il soutient Dati en 2026", note un baron local. Voilà l’ancien commissaire européen otage des querelles intestines de la droite parisienne, plus connue pour ses luttes fratricides que son apport au débat intellectuel. Le doute, sincère ou fantasmé, monte. Serait-il manipulé par quelques sénateurs parisiens hostiles à Rachida Dati et ravis de trouver une façon de lui savonner la planche ? "A mon âge, je ne suis pas instrumentalisé", s’est écrié l’intéressé auprès d’une vieille connaissance. Le poison du soupçon envenime l’affaire, quand elle n’est pas perturbée par des réflexes ancestraux. Barnier, presque un manant dans un château ! "Qu’on vienne décider des choses sur votre territoire sans demander votre avis ou avoir votre accord, cela ne s’est jamais fait. C’est un acte d’hostilité", raille un proche de Rachida Dati, avec une rhétorique de baronnie.

"Irrationnelle". Chez les contempteurs de la ministre, l’adjectif tourne en boucle pour la décrire. L’ancienne députée européenne serait mue par son simple instinct, farouchement opposée à tout partage de la lumière. Elle a pourtant quelques raisons d’être méfiante envers sa famille, à qui elle a parfois causé du tort. Il y a cette rancœur contre celle qui a quitté le navire LR en 2024, en pleine campagne des européennes. Ces réserves, aussi, sur l’adepte des "punchlines", fragilisée par les affaires. C’est ainsi. La direction retailliste de LR n’est pas friande du personnage. "Le cas Dati, c’est indémerdable", glissait en juin un élu proche de Bruno Retailleau.

La ministre n’a pas encore rencontré en tête-à-tête le nouveau président de LR. Le ministre de l’Intérieur a poussé Michel Barnier à se lancer après l’invalidation de l’élection de Jean Laussucq. Et se montre évasif auprès du Figaro sur un adoubement de la ministre. "Les discussions vont pouvoir commencer. Ce n’est plus seulement une question de personnalité mais d’équilibre."

"Ne pas braquer les gens"

Lors de la campagne interne, le locataire de Beauvau a sondé une figure de la droite parisienne : "Explique-la moi. Je n’ai pas le mode d’emploi." L’a-t-il depuis ? Il est permis d’en douter, tant a été offert à la sanguine Dati des prétextes de conflit. Retailleau apprécie Michel Barnier, à qui il doit tant. Mais la publication d’un tweet laudatif à son endroit dès l’annonce de sa candidature, doublé d’un message publié sur le compte officiel de LR - "Notre prochain député" - ne pouvait que crisper Dati.

Une commission nationale d’investiture (CNI) doit départager les prétendants LR le 28 juillet. Le patron des députés LR Laurent Wauquiez l’a glissé à Michel Barnier lors d’un entretien téléphonique : il y a un problème de méthode. Comme cette annonce de candidature en pleine conférence de presse de François Bayrou aux airs d’acte précipité. Mais l’hypothèse d’une candidature Dati flottait dans l’air, il fallait donc tirer le premier. Il y a enfin ce communiqué de la fédération LR de Paris saluant le 16 juillet le choix de Michel Barnier, signé par quelques ennemis de Rachida Dati. "Personne n’imaginait qu’elle irait à ce moment", certifie un signataire. Suffisant pour distiller le doute, ou faire mine de douter. "Le rôle du parti est d’assurer suffisamment de concertation pour ne pas braquer les gens", raille un cadre LR. Ainsi Rachida Dati a refusé de participer ce lundi à une réunion avec Michel Barnier et Bruno Retailleau.

La droite est désormais suspendue au choix final de la turbulente membre du gouvernement. Chacun tente de cerner ses intentions. Ira-t-elle au bout ? Souhaite-t-elle simplement obtenir le soutien de LR aux municipales au terme d’un rapport de force ? Les engagements devront être forts. "Ils peuvent être défaits au lendemain de l’élection", raille une proche. Le poison du doute, toujours.