Ecole : pour réduire la fracture territoriale, agissons d’abord contre les inégalités éducatives !
Alors que l’Éducation nationale vient tout juste de dévoiler les derniers résultats des évaluations à l’entrée en sixième, la relégation de la France périphérique – toujours plus manifeste en matière d’accès aux services publics – se confirme également en matière scolaire. Ainsi, à l’entrée en 6e, les enfants des bourgs et des petites villes sont ceux qui connaissent les plus grandes difficultés scolaires. En Français par exemple, ils comptent 12 % d’élèves en difficulté de plus que la moyenne nationale.
Ces chiffres confirment les conclusions de travaux du ministère qui montraient en 2019 que les élèves des petites villes présentent des écarts à la moyenne abyssaux aux épreuves écrites du brevet comparés à ceux des autres types de communes. Une partie de l’explication réside dans le fait que les enfants de la France périphérique sont structurellement exclus des politiques d’éducation prioritaire, mises en place pour fournir des moyens humains et pédagogiques supplémentaires aux établissements situés dans des territoires difficiles.
Ces moyens sont essentiellement dirigés vers les Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), l’appartenance à un de ces QPV (nécessairement situé dans un ensemble urbain d’au moins 10 000 habitants), étant un des 4 critères d’affectation en Réseau d’éducation prioritaire (REP). Certains territoires ruraux bénéficient tout de même des moyens de l’Education Prioritaire mais c’est l’exception.
Ainsi, si l’on compare la carte des 20 % d’établissements comptant la plus grande proportion d’élèves en difficultés scolaires à l’entrée en 6ème avec celle des 20 % d’établissements appartenant à un REP, on est frappé par leur décorrélation, en particulier dans les territoires ruraux. Alors que dans les grandes villes les REP capturent 62 % des établissements à forte proportion d’élèves en difficulté, dans les zones rurales et les petites villes, seulement 23 % des établissements à forte proportion d’élèves en difficulté sont labellisés REP.
Réformer l'éducation proritaire
Autrement dit, à niveau de difficultés scolaires identique, les chances de bénéficier d’un soutien renforcé varient du simple au triple selon que l’on vit en ruralité ou dans une grande ville. Une discrimination systémique des enfants des zones rurales qui commande de repenser en profondeur notre politique d’éducation prioritaire.
Pour assurer l’égalité de tous les enfants de France devant l’accès aux moyens de l’école, il convient d’en finir avec les multiples critères opaques de l’éducation prioritaire pour adopter un critère unique et transparent fondé sur les résultats scolaires. Par exemple la proportion d’élèves en difficulté aux évaluations nationales d’entrée en 6e. Cela permettrait de rendre cette politique plus transparente et plus juste en affectant les moyens supplémentaires de l’école (2,6 milliards d’euros par an) sur un critère qui dépend de l’école.
C’est d’autant plus urgent que l’éducation prioritaire tend à devenir dans l’imaginaire collectif un symbole des politiques sociales qui excluent les habitants de la France périphérique. La réformer pour mettre tous les enfants de France sur un pied d’égalité et réduire la fracture territoriale éducative constitue un impératif incontournable de cohésion nationale. Notre démocratie a pour fondement l’idée que par l’école, chaque enfant doit pouvoir, s’il en a les talents accéder aux plus hautes charges. Elle ne peut espérer durer en s’accommodant de ne rien faire pour tenir cette promesse à toute une partie de sa jeunesse.
*Christophe Guilluy, essayiste, auteur de La France Périphérique (Flammarion, 2014) et Jean-Baptiste Nouailhac, fondateur d’Excellence Ruralités
