D’où vient le mot "France" ? L’étrange histoire du nom de notre pays
C’est l’une de ces facéties dont l’Histoire est coutumière : le nom de la France provient de… l’un de nos ennemis héréditaires ! Car nul besoin d’être un éminent étymologiste pour le comprendre : notre pays tire évidemment son appellation des Francs, ce peuple qui le conquit au Ve siècle, après la chute de l’Empire romain. Notons au passage que les experts débattent toujours de la signification de "Franc". Selon les uns, il aurait pour origine un vieux terme germanique, frankon ("javelot", "lance"). D’autres pensent qu’il voudrait plutôt dire "homme libre".
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Quoi qu’il en soit, la signification de "France" a évolué au fil de siècles. À l’origine, le terme "Francie" désignait l’empire contrôlé par les Francs, c’est-à-dire pour simplifier l’actuelle Belgique et la Gaule romanisée située au nord de la Loire. Plus tard, ce territoire s’étendra considérablement pour couvrir une grande partie de notre Hexagone et de l’Allemagne. Une situation qui durera peu ou prou jusqu’en 843, date à laquelle le traité de Verdun le divisa en trois parties, chacune étant dévolue à l’un des petits-fils de Charlemagne. Apparurent alors la Francie occidentale, la Francie orientale et, au milieu, la Lotharingie ou Francie médiane. Trois France pour le prix d’une !
Avançons encore un peu. Au XIIe siècle, l’héritier de la partie orientale de l’empire se nomme Frédéric Barberousse. Comme ses prédécesseurs, il se considère comme le continuateur des César et, pour que les choses soient tout à fait claires, il attribue un nouveau nom à ses terres : "Saint Empire romain" ("germanique" sera ajouté plus tard par les historiens français). Et comme, entretemps, la Francie médiane a été morcelée, la Francie occidentale commence à être désignée seulement par le premier terme : Francie, d’où dérive bien évidemment le mot France (1). On s’approche.
Il reste cependant un problème à régler. Pratiquant à leur manière le cumul des mandats, les Capétiens étaient à la fois rois de (la grande) France et propriétaires d’un (petit) domaine propre que l’on appelait aussi… "France" (d’où l’actuelle commune de Roissy-en-France, par exemple). Le même terme désignait donc aussi bien la région à l’origine du royaume que le pays dans son ensemble, la partie et le tout, comme l’explique Pierre Jaillard, le président de la Commission nationale de toponymie (2). C’est pour sortir de cette ambiguïté que le chroniqueur Jean Froissart, en 1387, choisit de désigner la petite France "Ile de France" - une appellation "logique", dans la mesure où elle était circonscrite par différents cours d’eau : la Marne, l’Ourcq, la Seine et l’Oise.
Au fil du temps, la notion de "France" va être employée pour désigner toutes les terres conquises par les Capétiens (par des moyens souvent peu recommandables d’ailleurs, mais c’est un autre sujet). La Bretagne ? C’est la France ! Le Languedoc ? C’est la France ! L’Alsace, la Corse, la Savoie ? C’est la France ! La Martinique, La Réunion, la Polynésie ? La France, vous dis-je !
Cela ne nous choque pas forcément, mais il faut savoir que cette démarche n’a rien d’universel. En 1603, après l’union de l’Angleterre et de l’Ecosse, le philosophe Francis Bacon, conseiller du roi Jacques Ier, a préconisé de nommer le nouvel ensemble non pas "Angleterre" mais "Grande-Bretagne". Un excellent moyen selon lui d’obtenir "une meilleure union et une agglutination de plusieurs royaumes". La France, elle, a choisi la centralisation, en imposant le nom de son territoire d’origine aux terres et aux peuples passés sous son contrôle.
Terminons cet article par une petite uchronie. Pendant la guerre de Cent Ans, l’Angleterre et la France ont sérieusement songé à des mariages ou à des traités de paix qui auraient pu conduire à une sorte d’union entre les deux royaumes. Et là, nul ne sait comment se serait appelé cet étonnant ensemble…
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- Quand la France commence-t-elle, par Bertrand Lançon (Perrin).
- Les noms de lieux, un patrimoine en mouvement. Sous la direction de Pierre Jaillard (Editions Honoré Champion).
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La collectivité présidée par Renaud Muselier presse les structures qu’elle subventionne de ne pas utiliser le point médian. Sous peine de bloquer leurs financements.
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