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Февраль
2025

« Le déclin français est-il réversible ? » de Jacques de Larosière

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Un appel au sursaut face aux politiques du déni et de la facilité monétaire et budgétaire

Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien directeur général du FMI, nous alerte très régulièrement sur l’état de l’économie française et des égarements dont elle est l’objet depuis 40 ans, pour reprendre le thème d’un ouvrage de 2021 que nous avions présenté ici-même.

Un constat global accablant

Les constats sont, de fait, toujours les mêmes : endettement public incontrôlé et démesuré, appareil d’Etat tentaculaire, prélèvements obligatoires excessifs, désindustrialisation préoccupante liée aux excès en matière de fiscalité, déficit devenu permanent de la balance des paiements courants, fuite en avant monétaire, excès de centralisme et de bureaucratie, résistance aux réformes structurelles, aveuglement face aux évolutions démographiques.

Mais ce qui interpelle particulièrement l’auteur est la relative sérénité de l’opinion publique et la superficialité des analyses des médias au regard de la gravité de la situation. Sans même parler de nos politiques.

Pire, nous touchons-là au problème de la liberté d’expression. Dans la mesure où la nécessité des réformes est peu soulignée par des médias peu ouverts au pluralisme des opinions et au débat (ce ne sont pas les libéraux qui diront le contraire). Il en résulte une incapacité à se référer aux faits, puis à proposer de véritables réformes. Au profit du simple discours et des vues superficielles. Et au prix de la poursuite du déclin.

En ce qui concerne l’éducation, qui est à la base de tout, elle se porte de plus en plus mal, comme on le sait. C’est pourquoi Jacques de Larosière appelle de ses vœux notamment une plus grande autonomie des établissements et une amélioration du niveau des enseignants, donc une meilleure rémunération de ces derniers et un recours aux initiatives privées de proximité. Sans surcoût, puisqu’au contraire l’inefficience économique coûte 16 milliards d’euros par an à la France ( !), ainsi que le révèle une étude de l’Institut Molinari à laquelle il se réfère en citant une parution dans Contrepoints.

Même l’apprentissage, qui est une bonne idée, a été perverti par un financement public surdimensionné et une course quantitative nous ayant éloignés de ses objectifs initiaux, pour leur préférer une baisse artificielle des chiffres du chômage au prix d’un déficit budgétaire encore accru et d’un système surétatisé.

Une France qui recule

Qu’il s’agisse d’éducation, de tissu industriel, de Recherche & Développement, de finances publiques, de balance commerciale, de déficit colossal du système de retraites, ou encore de taux de pauvreté, la France s’inscrit en recul constant au cours des dernières décennies en comparaison avec ses voisins.

Le record mondial de dépenses sociales n’arrange pas vraiment les choses. Ce boulet supplémentaire en termes de financement pèse notamment sur la compétitivité de nos entreprises. Il reflète en outre les insuffisances structurelles de notre économie et l’incapacité de nos dirigeants à la réformer. Il en constitue pour ainsi dire le révélateur.

Une situation face à laquelle le débat parlementaire et le débat public de manière plus générale brillent par leur très faible acuité, pour ne pas dire leur immobilisme. Conduisant à entretenir chômage et pauvreté, les politiques de la demande continuant d’être préférées à celle de l’offre, au prix d’un endettement incontrôlé. Ce qui aboutit à compromettre gravement l‘avenir. D’autant que des politiques monétaires laxistes viennent aggraver encore cet état de fait. Avec la complicité passive de politiques mus par le court-terme et leur réélection, mais aussi de hauts fonctionnaires pas en reste sur la question et engagés politiquement, ainsi que de Français en partie hostiles à l’entreprise tout en étant fâchés avec l’économie.

Au détriment des fonctions essentielles qui doivent apporter une certaine stabilité et sécurité à notre pays et de la participation des électeurs aux différentes échéances politiques, découragés par la vacuité de leurs dirigeants.

Alors, que faire ?

Face à l’étendue du problème et du déclin français, Jacques de Larosière en appelle donc, non pas à se contenter de réformettes ou de « trajectoire de normalisation » des finances publiques, comme nos politiques en ont le secret, mais à véritablement « renverser la table ». En remettant en ordre les finances publiques de manière radicale, réaliste et crédible. Condition sine qua non du reflux des prélèvements obligatoires et du retour de nos entreprises à la compétitivité.

Pour cela, il préconise la réduction drastique nos dépenses publiques, afin de les ramener en dix ans au niveau de nos partenaires européens. Il suggère de les baisser d’environ 200 milliards d’euros. Perspective réaliste politiquement, à condition de bien l’expliquer aux Français. Il s’agirait avant tout d’améliorer l’efficacité des dépenses, sans nécessairement toucher aux allocations sociales. La méthode consiste à examiner les strates de dépenses qui se sont accumulées et ont été reconduites d’année en année sans remettre en cause leur légitimité.

Système de retraites, dépenses de fonctionnement hors salaires, effectifs de la fonction publique, surcoût lié à l’apprentissage, niches fiscales, Jacques de Larosière expose en détail ses propositions en les chiffrant. Il aboutit bien à un total de près de 200 milliards d’euros en dix ans.

Pour mieux nous en convaincre, l’ancien gouverneur de la Banque de France établit la comparaison avec les efforts encore plus importants réalisés par la Suède au cours des années 1992-2010, mais aussi ceux plus récents du Portugal, de l’Espagne, ou du Canada par exemple.

Il indique cependant que cette remise en ordre des finances publiques ne sera durable que dans la mesure où l’on mettra fin aux politiques de stimulation continuelle de la demande et de manipulation des taux d’intérêt.

La restauration de notre crédibilité et de notre compétitivité passera par des investissements dans l’innovation. Les technologies digitales dans lesquelles nous sommes en retard, ou les énergies (nucléaire notamment) doivent être privilégiés selon lui.

D’autres axes de réflexion jalonnent l’ouvrage. Ils portent sur la durée du travail, le taux d’emploi, la qualité des formations, l’inflation de textes réglementaires, ou encore les politiques de l’argent facile.

C’est aussi au niveau européen que Jacques de Larosière recommande de porter l’action. Se tourner davantage vers la concurrence que sur la gouvernance et l’endettement serait plus efficace à long terme. Aussi bien sur le plan économique que de la société en général.