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Des charges bancales contre Sarkozy

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Absence de preuves, accusateurs louches, magistrats acharnés… le procès du « financement libyen » de la campagne de Nicolas Sarkozy n’est pas à la gloire de la justice française. C’est ce que démontre l’accusé à chaque audience.


À la fin des Frères Karamazov, de Dostoïevski, Dmitri, accusé d’avoir tué son père, est renvoyé devant la justice. Le lecteur sait qu’il n’est pas coupable ; mais un faisceau d’indices particulièrement accablant le désigne comme tel. Kirillovitch, le procureur, en un réquisitoire terrible, égrène ces indices un à un, et, pour le public, ne met plus en doute la culpabilité du mis en cause. Fétioukovitch, l’avocat de la défense, sans savoir que son client est innocent, plaide alors longuement en sa faveur, et démonte une à une les « charges dont aucune ne soutient la critique, si on les examine isolément ». Je divulgâche : en dépit de sa plaidoirie brillante, et que le lecteur sait être conforme à la vérité, l’accusé sera reconnu coupable et condamné.

Bancal

Il me semble, à la lecture des comptes-rendus d’audiences concernant l’affaire libyenne, que l’on accable de même Nicolas Sarkozy sous un véritable déluge d’indices, mais dont aucun n’est sérieux, pris isolément. Le 10 février, l’ancien président de la République, entendu au tribunal, niait tout en bloc ; et pour cause ! pas une charge qui ne vacille : une poussée, elle s’effondre. Il ne s’agit pas ici de décréter péremptoirement l’innocence de Sarkozy ; seulement, de reconnaître que l’accusation a beau être hargneuse, elle n’en demeure pas moins bancale ; de fait, le doute subsiste.

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Pour commencer, l’accusé nie tout en bloc. Un détail, peut-être ; il n’empêche : quand la culpabilité ne fait pas de doute, on plaide coupable. Mais passons. La présidente, prenant les faits dans l’ordre chronologique, commence par rappeler l’origine de cette affaire : des accusations lancées par Mouammar Kadhafi et son fils, Seif al-Islam, étayées depuis par sept anciens dignitaires. Hélas, quelle crédibilité accorder à ces gens-là, dont l’un d’entre eux est le beau-frère du dictateur ? — alors même que c’est au palais de l’Élysée que s’est formée la coalition internationale contre le régime de Kadhafi. En janvier, Seif al-Islam a maintenu ses accusations ; réponse de Sarkozy : je ne l’ai jamais rencontré. Vous auriez pu, rétorque la présidente, passer par des intermédiaires ? et Sarkozy de lui demander à son tour : lesquels ? où ? quand ? comment ? Questions bien légitimes (car en droit français la charge de la preuve repose toujours sur l’accusation), auxquelles nous n’aurons pas de réponse…

Ragots ?

La présidente du tribunal s’intéresse ensuite au fameux document dévoilé par Mediapart et censé prouver un accord pour un financement à hauteur de 50 millions d’euros. Problème(s) : ce document, qui provient des services de renseignements libyens, n’est pas plus crédible que les témoignages des dignitaires du régime et du fils du dictateur ; puis la cour d’appel ayant été chargée de statuer sur la plainte pour faux portée contre l’écrit litigieux, — un accord de principe entre Moussa Koussa d’une part, Hortefeux et Takieddine d’autre part —, a justement relevé que l’hypothèse d’une participation d’Hortefeux à une telle réunion paraissait « fragile » au vu de l’examen de son emploi du temps à la période correspondante ; enfin, force est de constater qu’on éprouve toutes les peines du monde à rapporter la moindre preuve sérieuse et incontestable d’un fait aussi énorme, qu’un versement de 50 millions d’euros par Kadhafi à Sarkozy (pourquoi 50 millions, d’ailleurs ? quand le plafond des frais de campagne est fixé à 20 millions). Juste un exemple : l’argent aurait transité sur un compte « Rossfield », avant d’être transféré sur un compte « Cactus » ; mais si un lien existe entre « Rossfield » et Takieddine, la preuve d’un lien entre « Rossfield » et Sarkozy n’est pour le moment nullement démontrée ; puis, de ce compte « Cactus », on ne peut retirer pas plus de 10 000 euros par mois, et 100 000 euros par an ; comme le relève l’ancien président, « s’il fallait financer ma campagne par 10 000 euros, il faudrait dix ans »Le procureur aura beau insister : Nicolas Sarkozy se contentera de lui répéter que malgré le fait que les liens entre Takieddine et l’argent libyen ne font plus guère de doute, il n’est versé à la procédure aucune preuve d’un pacte de corruption le concernant, lui : « Est-ce que quelqu’un pense que Monsieur Takieddine est assez généreux pour me donner de l’argent ? » Non. Quant aux carnets du ministre Ghanem (retrouvé noyé dans le Danube : circonstance pour le moins troublante !), s’ils constituent un début de preuve, ils demeurent insuffisants à fonder une vérité judiciaire ; l’ancien président, qui ne les a jamais vus, les considère pour le moment « sujets à caution » : espérons que le procès puisse nous éclairer un peu mieux sur ce point précis.

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Quelle est donc la valeur de cette enquête qui ne repose que sur des témoins, morts ou vivants, tous plus indignes de confiance les uns que les autres, et ayant eu un intérêt manifeste à faire tomber Sarkozy ? Et si tout cela n’était en effet que « gossips » et « ragots » ? L’accusation parviendra peut-être dans l’avenir à verser des preuves un peu plus substantielles d’un financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. En attendant, il y a bien un fait qui reste avéré, et que l’accusé rappelle bien opportunément : c’est que personne n’avait jamais entendu parler de cette prétendue corruption, avant qu’il n’envoie des avions contre la dictature libyenne.

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