Doit-on sacrifier le mode de vie des petites gens pour répondre aux angoisses environnementales des urbains ?
« Wauquiez est le candidat des gens qui fument des clopes et qui roulent au diesel ». C’est la phrase que Benjamin Griveaux, par d’une fulgurante sincérité, avait lâchée lors d’une interview et qui avait fait grand bruit. Cette petite phrase prononcée par ce fils de notaire diplômé de Science Po Paris, illustre le mépris d’une certaine classe de responsables envers les « petites gens » qui ne rentrent plus dans le monde moderne, ouvert et « inclusif » tel qu’on voudrait le construire.
Les Français aisés des métropoles qui parlent anglais et qui bénéficient des « mobilités douces », vivent désormais dans un monde différent de celui des Français besogneux qui peuplent encore l’immense territoire national. Deux mondes qui ne se fréquentent plus et que ne connaissent plus.
Ceux qui « fument des clopes et qui roulent au diésel » habitent souvent une maison héritée ou un pavillon loti loin des centres-villes. Ils se réunissent entre amis autour d’un barbecue et boivent le verre de vin ou de pastis pour partager le plaisir de l’amitié en regardant un match ou en refaisant leur monde. Le dimanche ils emmènent les jeunes à la chasse ou faire un tour de vélo alors qu’on prépare le déjeuner. L‘été, ils vont au camping et s’y rendent en voiture familiale, souvent diésel car c’est moins cher.
L’urbain, ouvert sur le monde, habite dans les métropoles et se déplace à vélo, en trottinette électrique ou en transport en commun. Jeune et sans enfant, ou jeune parent socialement intégré, il part facilement en week-end dans une capitale européenne pour visiter des expositions d’exception et passe ses nuits au concert ou en discothèque branchée. Pour ses vacances, il aime voyager en Thaïlande, à New York ou à Dubaï pour arpenter les sites touristiques, profiter de la lecture sur les plages ensoleillées et acheter des produits hors taxes dans les « malls » ultra modernes. Ces urbains voyageurs sont apparus depuis deux décennies dans nombre de pays où le pouvoir d’achat permet désormais de vivre pour consommer. Ils rêvent le modèle des « ultra-riches » ou des influenceurs qu’ils suivent sur les réseaux sociaux. Ce mode de vie mondialisé se répand grâce aux produits de masse fabriqués en Chine et aux vols low-cost vers les destinations touristiques.
Le monde pourrait avancer comme cela sans encombre mais voilà qu’il faut sauver la planète !
Une myriade d’experts auto-proclamés et de jeunes sortis d’écoles de commerce ou d’ingénieurs ont décidé de s’attaquer au problème. Ils se lancent dans des démarches RSE et militent même pour la décroissance. Comme souvent lorsqu’on œuvre pour le Bien, on prône des actions coercitives et punitives… pour les autres.
C’est ainsi que le mode de vie des petites gens a été stigmatisé par cette jeunesse militante alors que le tourisme de masse et la surconsommation numérique et matérielle des urbains sont passés sous silence. Le steak de bœuf et le saucisson sec sont devenus plus polluants que le minage de bitcoins, les voyages à Dubaï ou les voitures électriques.
Le mode de vie modeste des ruraux est remis en cause et donc fiscalisé alors que les activités numériques ou les voyages en avion le sont peu (kérosène n’est pas taxé). Pire ! Le prix de l’électricité s’envole pour ses usages vitaux à cause, certes de politiques énergétiques erratiques, mais aussi d’une surconsommation énergétique pour des nouveaux besoins qui se développent sans cesse : véhicules électriques, usages numériques, IA…
L’IA et les cryptomonnaies nécessitent à eux seuls des centrales électriques pour alimenter leur gourmandise en électricité (le plus souvent carbonée), et les datacenters émettent tant de chaleur qu’il faut les déplacer dans les déserts froids de Norvège ou du Groenland. Au lieu de s’interroger sur ces nouveaux usages émetteurs de GES, les ONG et les médias ciblent le mode de vie des petites gens. Modifier leurs habitudes alimentaires, les contraindre à changer leur véhicule, leur chaudière, leurs fenêtres, leur machine à laver…sous peine de taxes, d’interdiction ou de stigmatisation.
Les attaques contre la campagne et l’agriculture ne s’arrêtent pas aux émissions de GES. Les écologistes ont réussi à instiller l’idée que les molécules de traitement des animaux (médicaments et antibiotiques) et des végétaux (phytosanitaires) sont des poisons lents responsables des maladies chroniques de notre civilisation (cancers, stérilité, maladie d’Alzheimer…).
Les campagnes massives à l’encontre du glyphosate et des OGM ont été emblématiques de ce point de vue. Malgré les études scientifiques innombrables sur ces sujets et les preuves de leur innocuité pour le consommateur comme pour l’environnement, les ONG et les média ont fait pressions sur les politiques qui ont voté des lois pour leur interdiction. Ces moyens de production innovants n’étant plus accessibles aux agriculteurs européens et français, notre agriculture n’est plus compétitive et donc plus exposée à la concurrence. (cf. Mercosur)
Pourtant, en 2023 le glyphosate a une nouvelle fois été classé non cancérigène et non préoccupant par l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA).
Concernant les OGM, à ce jour, après 30 ans de recul sur les premières générations d’OGM, aucun danger pour l’homme ni pour les animaux d’élevage n’a pu être caractérisé. La seule étude mettant les OGM en accusation est l’étude Seralini sur le Maïs OGM NK 603. Cette étude médiatisée avec zèle par tous les média était « de qualité scientifique insuffisante ». En 2013 elle fut piteusement retirée de la revue Food and Chemical Toxicology dans laquelle elle avait été publiée.
Malgré les immenses précautions qui sont appliquées avant la mise en marché de molécules de traitement pour l’agriculture (Directive 2009/128) les ONG poursuivent leur œuvre contre l’agriculture moderne et donc l’économie des territoires. Elles distillent la peur de la chimie dans la société, accusant sans preuve et mélangeant toutes les informations qu’elles sortent de leur contexte.
L’Etat a déployé des moyens considérables, non pour faire des progrès dans la production permettant de réduire les prix alimentaires ou pour améliorer la qualité, mais pour rechercher des molécules toujours plus rares dans les produits ou leurs matières premières (emballages ou denrées agricoles). C’est ainsi que les crises du bisphénol A, du dioxyde de titane, des nitrites, des PFAS…sont mises en avant par des médias avides de peurs et de scandales.
La recherche permanente du risque infinitésimal est devenue un sport européen alors que l’inflation a réduit l’accès d’une part importante de la population à la nourriture.
Le paradoxe est que cette peur de la molécule invisible est concomitante à la quasi-acceptation du cannabis en Europe, pratique dont les effets sur la santé sont eux parfaitement identifiés.
Il est temps de sortir de l’incohérence et d’arrêter de répondre aux injonctions des ONG écologistes. Les objectifs publics doivent être revus à la lumière des données de la science et des véritables enjeux pour toute la population : une alimentation accessible pour les citoyens et une économie rurale prospère car compétitive.