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Vendée Globe 2024. Charlie Dalin : « Yoann était rentré dans ma tête »

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Non seulement il a mis tout le monde d’accord sur l’eau... mais en plus il est brillant en conférence de presse, Charlie Dalin ! Lucide malgré la fatigue, il livre des analyses au cordeau et pèse soigneusement ses mots. Sans excès de langue de bois cependant, d’autant que sa victoire le rend plus disert sur le Vendée Globe 2020 et cette fameuse deuxième place sur tapis vert... Un coup dur qui s’est avéré un redoutable carburant pour l’édition 2024.

2020 : une 2e place restée en travers...

« En 2020, j'étais le premier à faire ma conférence de presse dans cette même salle ornée des portraits des vainqueurs, mais je savais que quatre ans plus tard, ce ne serait pas ma photo sur les murs. Cette pensée m’avait traversée, même si j'étais quand même heureux d'avoir fait le Vendée Globe, d'avoir conclu ce premier tour du monde et de retrouver tout le monde. Là, quatre ans plus tard, je suis de nouveau le premier à faire cette conférence. Mais cette fois, normalement, dans quatre ans, ma photo sera sur les murs de la salle et ça c'est cool ! »

Un IMOCA plus que parfait

« J’ai eu la chance de construire un nouveau bateau taillé pour ce tour du monde en solitaire, un bateau développé grâce à l'expérience acquise sur le Vendée Globe 2020. C’est un bateau qui est vraiment adapté au parcours et qui est très agréable à vivre avec sa zone de vie arrière. C'était très plaisant, même dans les mers du Sud, c'était agréable. J'étais dans mon petit cocon, dans ma petite bulle à l'arrière. C'est un bateau très aérien, optimisé pour voler tôt. On a quand même fait un grand bon avant par rapport à Apivia question performance au portant. Le Vendée Globe, c'est une course qui se passe beaucoup dans l'Atlantique, donc il fallait aussi un bateau polyvalent qui soit capable de marcher dans toutes les conditions. Je suis content de ce choix, c'est un bateau qui marche très bien et qui a une glisse assez facile. Un très beau bateau ! En plus, j’ai pu tirer dessus vraiment très fort. Et le bateau a tenu même si j'ai eu une fissure de 1,50 m dans le bordé... en deux heures de strat, c'était réglé. C'était assez dingue de pouvoir tirer sur le bateau comme ça. J'ai l'impression de re-naviguer comme en Figaro. En Figaro, souvent, tu préfères rester avec la voile en drapeau que de prendre un ris quand ça forcit. En fait, maintenant, on fait pareil en IMOCA, on navigue pied au plancher en permanence. »

Mes dernières heures en mer...

« J'ai savouré jusqu'au bout, j'ai savouré ces dernières heures aussi, parce que même si j'étais très heureux d'arriver, franchir la ligne d'arrivée c'était aussi la fin de ce Vendée Globe. J'en ai profité au maximum cette nuit, je me suis fait un petit plaisir en allant au large, je pense que ça aurait été beaucoup plus rapide en passant à l'intérieur des îles, mais c'était pas plus mal, ça m'a permis de faire quelques siestes un petit peu plus longues et de profiter de voir le bateau glisser au clair de lune dans des vents assez légers. Je pense que ça a un peu retardé mon arrivée, mais au final ça nous a permis d'avoir une lumière assez incroyable sur la ligne d'arrivée, donc c’est pas plus mal. »

L’avenir dans tout ça ?

« Je ne m'interdis pas de me projeter dans un nouveau Vendée Globe en 2028. Je vais déjà profiter de cette victoire, on verra. La Route du Rhum l'année prochaine, ça par contre c’est clairement un objectif ! Un projet Ultim ? Ce n’est pas d’actualité mais c’est sûr que ce sont des bateaux fantastiques. Un jour peut-être ? »

Au cœur de la tempête...

« Cette grosse dépression au sud des Kerguelen... je pense que nous étions que trois bateaux à pouvoir le faire. Il y avait Seb, Yoann et moi. Il y a 4 ans si j'avais fait face à la même dépression dans l'Indien, je pense que je n'y serais pas allé. D’ailleurs j’avais contourné la tempête Thêta, cette dépression tropicale qu'on avait rencontrée au sud des Açores, et c'est un truc que j'ai regretté. Là du coup, quand j'ai vu ce truc se présenter, j'ai longtemps hésité mais je me suis dit qu'il fallait que j'y aille parce que c'était la bonne option. On s'est parlé un peu avec Yoann pendant la course. Il m'a dit qu'il avait hésité à y aller... C’est passé pour moi, mais c’est sûr qu’il ne fallait pas avoir de pépin technique, rien qui ralentisse le bateau parce que derrière, on subissait des conditions vraiment très dures... Après cet épisode, j’ai encore dû cravacher fort pour ne pas me faire manger par l’anticyclone qui a bloqué les autres. »

Le record revient au vainqueur

« Même si on peut être plusieurs à battre le temps de référence, il n'y en a qu'un qui bat le record, c'est le vainqueur. C'est un peu le bonus... Mais c’est vrai qu’on est allé très vite ! L’Atlantique Sud et l’Indien sont passés en un claquement de doigts. En fait on a franchi un gap avec ces bateaux et c'est vraiment un plaisir de pouvoir jouer avec les systèmes météo comme on a pu le faire. C'était quelque chose qui était avant réservé au multicoque, avant. Je savais que nos bateaux étaient capables de tourner en moins de 70 jours. Ça, j'en étais convaincu. De là à descendre à 64, je n'aurais pas forcément misé dessus ! »

Ma pharmacie mentale

« Je m'étais rendu compte que la partie mentale était centrale sur la première édition. Avant de partir sur ce Vendée Globe, j'ai fait un peu la liste des situations mentales difficiles que j'avais vécues il y a 4 ans, et on a fait appel à un préparateur spécialisé. On a fait une boîte à outils par thème : fatigue, avarie, décision stratégique. Du coup, à chaque fois que je faisais face à une de ces difficultés, je pouvais sortir mon petit cahier et trouver la parade, le bon outil. Et c'était assez top d'avoir cette petite pharmacie mentale à portée de main, jamais loin de moi dans ma zone de vie. »

Un grand cartésien... qui se soigne

« C’était un torrent d'émotions incroyable, cette arrivée en vainqueur. D'habitude je ne suis pas très sentimental avec les bateaux, ce n'est pas trop mon style, je ne suis pas quelqu'un qui parle au bateau par exemple, ou qui l’embrasse sur la ligne. Et je ne sais pas, cette année je me suis surpris à lui parler de temps en temps. Je me suis autorisé à être un petit peu moins cartésien, un peu plus dans l’émotion du moment. »

Tenir la fatigue à distance

« Ma perception de mon niveau de fatigue est sans doute faussée par l'euphorie de la victoire, mais je me demande si je ne suis pas un petit peu moins fatigué qu'il y a 4 ans. Cette année, dès que le bateau était réglé, dès que la vitesse était satisfaisante, la seule chose que je faisais, c'était de me jeter dans ma banette pour, dormir, dormir, dormir, parce qu'on ne dort jamais assez. Et en fait, j'ai fait ça toute la course. »

Yoann est rentré dans ma tête

« Ça ne s'est vraiment pas joué à grand-chose. Ça s'est joué au niveau du Cabo Frio, au Brésil, un endroit où les conditions météo sont très compliquées. Ce qui est sûr, c'est que dans la fin de mer du Sud, je ne naviguais pas comme d’habitude. Je naviguais comme Johan. Il est un peu rentré dans ma tête à ce moment-là. Quand je suis arrivé dans l'Atlantique, j'ai fait un peu un reset, j'ai changé quelques pièces sur le bateau en anticipation en me disant, allez, on change ces pièces-là, ce sont des pièces qui vont être sollicitées sur la remontée de l'Atlantique, même si elles fonctionnaient encore. Et j’ai essayé de faire la même chose mentalement, de repartir sur de nouvelles bases et de naviguer selon mes habitudes, mes trajectoires. Ça m’a plutôt réussi. »

De gros écarts... pas si étonnants

« A la question de savoir si je suis surpris par les écarts, je dirais oui et non. Quelque part les bateaux sont de plus en plus rapides quand les conditions sont favorables, et toujours aussi lents quand elles se sont défavorables. Alors oui, ça peut faire des gros écarts à la sortie. Mais ça ne reflète pas un « gap de niveau » entre Yohann et moi et le reste. C'est vraiment qu'ils ont été mal servis à partir de l'océan Indien. Puis après, il y a un enchaînement. Nous, on a eu un enchaînement assez vertueux, assez incroyable. Je pense qu'on n'a pas vécu la même, on n'a pas vécu les mêmes mers du sud. J'ai eu un sud assez exceptionnel, jamais plus de 40 nœuds de vent. Quelques grains de grêle, mais rien de très violent. »