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Elisabeth Borne à l'Education nationale : ce dossier brûlant qui attend déjà la ministre

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Pas besoin de se lancer dans de savants calculs pour arriver au constat suivant : Elisabeth Borne sera bien la sixième ministre à prendre les rênes de l’Education nationale depuis 2022. L’ancienne hôte de Matignon apparaît en première place dans l’ordre protocolaire du nouveau gouvernement Bayrou, annoncé le 23 décembre dernier, avec un portefeuille de poids élargi à l’enseignement supérieur et à la recherche. Autant dire que de nombreux dossiers attendent la nouvelle ministre, que ce soient les suppressions de postes d’enseignants annoncées pour la rentrée prochaine, le devenir des groupes de besoins au collège, la réforme de la formation des enseignants ou encore le programme d’éducation à la sexualité qui a récemment suscité de vifs débats. Autre urgence que la polytechnicienne Elisabeth Borne aura à régler : le sort de la nouvelle épreuve de mathématiques qui, dès 2026, devrait compter pour le bac, au même titre que l’épreuve anticipée de français. Jusqu’ici, les lycéens qui se contentaient de suivre un enseignement de mathématiques de 1h30 dans le cadre du tronc commun étaient exemptés d’examen final. A partir de l’année prochaine ce ne sera plus le cas puisque tous les élèves de 1ère seront évalués au mois de juin. C’est du moins ce qui avait été annoncé par l’ex-ministre Anne Genetet avant que les détails sur les modalités et les contours de cette épreuve aient été mis entre parenthèses ces dernières semaines.

Nul doute qu’Elisabeth Borne, elle-même ingénieure générale des ponts et chaussées et férue de mathématiques, y portera une attention particulière. Voilà des années que le système éducatif cherche la recette pour remonter le niveau dans cette discipline. Les derniers résultats de l’enquête internationale Timss 2023, dévoilés le 4 décembre dernier, montrent que le chemin est encore long puisque la France se retrouve, une fois de plus, en bas du classement des pays de l’Union européenne en mathématiques et en sciences. Cette nouvelle épreuve contribuera-t-elle à redresser la barre ? "Par cette décision, l’ex-ministre Anne Genetet voulait imprimer sa marque et apparaître comme celle qui redonne aux maths ses lettres de noblesse. Un sujet qui préoccupe un grand nombre de français et notamment les acteurs économiques", explique ce haut fonctionnaire habitué des couloirs de la rue de Grenelle.

En réalité, Anne Genetet n’avait fait que reprendre la mesure annoncée par l’un de ses prédécesseurs Gabrial Attal dans le cadre du lancement de son plan "Choc des savoirs" le 5 décembre 2023. "Je crois profondément que notre culture commune est également scientifique. Aussi, j’ai décidé qu’à compter de l’année scolaire 2025-2026, une nouvelle épreuve anticipée du baccalauréat en fin de première générale et technologique sera dédiée aux mathématiques et à la culture scientifique, pour l’ensemble de nos élèves", expliquait-il. Encore avant, dès mars 2022, l’idée avait été évoquée dans un rapport réalisé par un collectif de spécialistes coordonnée par Pierre Mathiot, le père de la réforme du lycée et du bac, et remis au ministre d’alors Jean-Michel Blanquer. "Mais, à l’époque, il était question que tous les élèves suivent le même programme de mathématiques inclus dans le tronc commun et non pas uniquement les non spécialistes comme c’est le cas aujourd’hui. Nous avions invoqué un autre impératif : que les épreuves de spécialités soient organisées en mars et non pas en juin, car il n’était pas question de surcharger encore un peu plus les établissements scolaires avec ce nouvel examen", explique Pierre Mathiot.

Un casse-tête pour la rue de Grenelle

Aujourd’hui ces deux conditions ne sont plus réunies et l’annonce de cette épreuve anticipée de mathématiques suscite bien des questions : pour éviter une rupture d’égalité, faut-il envisager deux versions de l’épreuve, l’une réservée aux élèves qui ne suivent que le programme de maths du tronc commun, et l’autre dédiée à ceux qui suivent la spécialité maths ? Les professeurs de mathématiques déjà réquisitionnés pour corriger les copies du bac en terminale et pour le passage du grand oral pourront-ils se pencher en même temps sur celles de 1ère ? Quel sera le coefficient attribué à cette épreuve et sur quelles autres disciplines faudra-t-il rogner ? Une équation à plusieurs inconnues qui fait office de casse-tête pour la rue de Grenelle. "Les modalités sont en cours de définition par les services", répondait il y a quelques semaines le ministère l’Education nationale à L’Express. Tandis qu’un ancien conseiller confiait : "L’administration centrale ne voit pas d’un œil très favorable cette épreuve anticipée en raison de la lourdeur administrative qu’elle va engendrer".

En attendant de connaître les orientations de la nouvelle ministre, bon nombre de hauts fonctionnaires de la rue de Grenelle affichent en coulisses leur préférence pour un plan B : la mise en place d’une épreuve "certifiante" qui permettrait de mesurer le niveau de connaissances des élèves en mathématiques sans pour autant qu’elle ne compte pour le bac. Un mode d’évaluation qui aurait le mérite d’être beaucoup facile à organiser et de garantir une certaine équité entre tous les lycéens. Cette piste avait d’ailleurs été étudiée par le Conseil scientifique de l’Education nationale (CSEN) l’été dernier. Dans une note datée de juillet 2024 son président Stanislas Dehaene y voyait une "opportunité exceptionnelle de changer l’image des mathématiques". "Nous ne préconisons pas un énième examen douloureux mais plutôt la mise en place d’une épreuve originale, conçue pour stimuler l’intelligence et la créativité", expliquait la franco-américaine Monica Neagoy, membre du CSEN, le 5 décembre dernier à L’Express. Mais, pour cette docteure en didactique des mathématiques le fait que cette épreuve compte pour le bac pourrait être contreproductif : "Le risque est qu’elle engendre un stress supplémentaire et que chaque élève soit tenté de bachoter dans le seul but de réussir l’examen. Ne nous éloignons pas de notre objectif initial qui est de réconcilier, enfin, les élèves avec les mathématiques".

Baptise Larseneur, expert associé éducation à l’Institut Montaigne, penche lui aussi pour une épreuve certifiante de mathématiques calquée sur le modèle du logiciel Pix qui permet déjà d’évaluer aujourd’hui les compétences numériques des élèves. "Cet outil mis en place par cette start-up d’Etat est à saluer. Les tests se déroulent de façon très fluide et sans pression sur des ordinateurs, au sein des établissements scolaires", explique ce spécialiste qui plaide, comme Pierre Mathiot ou le CSEN, pour une meilleure "culture commune en mathématiques". "Tout le monde devrait avoir les bases suffisantes pour, par exemple au moment des soldes, savoir ce que représente 20 % de 110 euros. Ou encore pour être capable de décrypter la posologie d’un médicament. Autant de questions qui se posent dans la vie courante", explique-t-il. Selon lui, ce devrait être tout l’enjeu de cette nouvelle épreuve dont les modalités restent à éclaircir. "Même si, bien évidemment, l’autre objectif absolu à poursuivre est d’avoir 15 % des élèves, voire plus, d’une génération affichant un très, très bon niveau car ce sont eux les ingénieurs de demain", ajoute Baptiste Larseneur.

Dernier écueil mis en lumière par la dernière enquête Timss 2023 : les différences de niveau en mathématiques entre les filles et les garçons qui commencent à se creuser dès le milieu de CP. Le sujet tient particulièrement à cœur à la nouvelle ministre de l’Education nationale Elisabeth Borne. En mai 2024, près de quatre mois après son départ de Matignon, celle-ci avait rejoint Sistemic, un mouvement lancé pour augmenter la présence des femmes dans les filières scientifiques et technologiques. "C’est un enjeu pour l’égalité femmes-hommes mais aussi pour notre compétitivité et notre croissance", avait alors expliqué la polytechnicienne. Un dossier de plus qui l’attend sur son bureau de la rue de Grenelle.