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Grand guignol gothique

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Difficile de repasser les plats derrière le génial Murnau (Nosferatu le vampire, 1922), le non moins génial Tod Browning (Dracula, 1931) et les épigones successifs du roman de Bram Stoker transvasé à l’écran : Terence Fischer (Le cauchemar de Dracula, 1958, Les maîtresses de Dracula, 1960, Dracula prince des ténèbres, 1966) ; Vernon Sewell (Le Vampire a soif, 1968) ; Freddie Francis (Dracula et les femmes, 1969) ; Peter Sasdy (Une messe pour Dracula, 1970) ; Roy Ward Baker (Les cicatrices de Dracula, 1971) ; Werner Herzog (Nosferatu fantôme de la nuit, 1979) ; Coppola (Dracula, 1992) ; Neil Jordan (Entretien avec un vampire, 1994) et j’en passe.  

Veine intarissable

Il faut croire pourtant que la veine est intarissable : Robert Eggers, qui s’est fait du film d’horreur une de ses spécialités, –  cf. The Witch, 2015, The Lighthouse, 2019 avec un écart vers la saga historique (The Northman, 2022) – embarque avec lui pour un troisième opus Willem Dafoe, lequel campe ici le vieil émissaire des forces irrationnelles.

Le jeune agent immobilier Thomas Hutter (Nicholas Hoult), qui fait ses premiers pas dans la profession, a été envoyé en mission dans les Carpates pour signer le contrat de vente d’un château en ruine auprès du comte Orlok (Bill Skarsgärd, doté d’une voix synthétique d’outre-tombe), tandis que, restée au foyer, sa tendre et chère (Lili-Rose Depp) reste la proie de cauchemars prémonitoires et de crises d’hystérie qui la laissent anéantie. Voilà donc le commis rendu dans l’antre fétide du vampire, monstre pustuleux et velu dont la légendaire nécrophilie terrorise le voisinage des gitans autochtones.

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Dans ce nouvel avatar qui, le cédant volontiers au gore, amplifie non sans complaisance les attributs traditionnels du genre (avec une petite incursion du côté de L’Exorciste), les canines du vampire, notons-le, ne poussent pas. Cela nous prive du petit frisson d’horreur auquel le genre nous a accoutumé, au moment où les babines dévoilent la double excroissance pointue d’émail blanc. Cette fois, le vampire mord plus goulûment que jamais, mais jamais dans le cou : il s’attaque directement au système cardio-vasculaire de sa proie. Et Dieu, un cœur, que ça saigne ! Un vrai torrent !

Outrancier

Nosferatu se laisse regarder. Avec une indifférence polie. Aux vrais cinéphiles on conseillera de revoir le monumental Murnau. Tout y est déjà : le voyage en calèche vers ces contrées hostiles, la soif inextinguible du vampire, la colonie des rats échappés du vaisseau, qui contaminent la ville de la peste… L’inégalable noir et blanc de cet incunable muet éclipse pour l’éternité l’emphase visuelle, sonore, dégoulinante et surchargée d’hémoglobine qui, dans ce Nosferatu millésimé 2024, tire jusqu’à l’outrance les ficelles du superlatif. Le magnétisme lointain qui, à distance, fera de la femme de Thomas, Ellen (Lily-Rose Depp), tourmentée par ses cauchemars depuis l’enfance, une victime de la libido d’un vampire tératologique, c’est du grand guignol à la sauce gothique. Robert Eggers boursoufle une tradition qui n’avait aucun besoin d’ingrédients supplémentaires.   


Nosferatu. Film de Robert Eggers. Avec Lili Rose Deep, Nicholas Hoult, Bill Skarsgärd, Aaron Taylor, Willen Dafoe, Emma Corrin… Etats-Unis, noir et blanc/couleur, 2024.
Durée : 2h12
En salles le 25 décembre 2024

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