Le pass Culture, un dispositif cher aux effets limités, pour la Cour des comptes
- Une enveloppe qui n'a pas réussi à combler les inégalités
Si 84% des jeunes de 18 ans utilisent le pass Culture -une enveloppe de 300 euros dédiée aux activités culturelles- le dispositif "n'a pas totalement réussi à toucher les jeunes les plus éloignés de l'offre culturelle", a indiqué le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en pointant que les barrières d'accès à la culture "ne sont pas seulement financières".
Ainsi, ceux qui n'y ont pas recours correspondent "aux publics les moins familiers des pratiques culturelles", précise l'institution dans un rapport. Par exemple, parmi les jeunes dont les parents sont ouvriers ou employés, "seuls 68% ont activé leur pass".
- Une diversité des pratiques culturelles très limitée...
Entre 42% et 55% des montants dépensés chaque trimestre concernent des achats de livres. Si les places de concert ou de cinéma sont également plébiscitées, "seuls 7% des jeunes ont réservé en moyenne au moins une fois un spectacle vivant autre que musical (théâtre, danse, cirque, etc.)", relève la Cour.
Faute de "contrôles", 16 millions d'euros ont aussi bénéficié à des "escape games", s'est agacé Pierre Moscovici. A la suite d'une demande du ministère de la Culture, ces activités n'en bénéficient plus, a-t-il précisé.
"Le principal impact du pass Culture (...) se traduit par une intensification des pratiques culturelles déjà bien établies", relève le rapport.
La Cour des comptes regrette toutefois l'absence d'étude sur les pratiques des jeunes avant l'attribution du pass, ce qui en aurait facilité l'évaluation.
Le ministère et la société qui gère le dispositif ont annoncé que des questionnaires obligatoires seraient mis en place pour son obtention.
- ... pour des coûts qui ont bondi en cinq ans
Un "recadrage budgétaire" est "indispensable" pour la Cour, alors que la dépense budgétaire liée au pass est passée de 93 millions d'euros en 2021 à 244 millions d'euros en 2024, soit 2,6 fois plus.
A ce montant s'ajoutent les 80 millions d'euros qui concernent la part collective du pass, financée par le ministère de l'Education nationale et dédiée aux établissements scolaires.
Le pass était aussi censé être pris en charge par des recettes issues du secteur privé. Or il est financé dans sa quasi-totalité par l'Etat et géré par une société privée.
Ce paradoxe exige une "remise à plat de la gouvernance" pour la Cour, pour permettre "un meilleur pilotage du dispositif" et "une meilleure information du Parlement et des citoyens".
- Des réformes annoncées par le ministère
La Cour s'est néanmoins félicitée de la volonté annoncée par la ministre de la Culture démissionnaire, Rachida Dati, de réformer le pass.
Dans une tribune au journal Le Monde en octobre, elle avait dit vouloir donner "davantage aux jeunes de condition modeste, sans négliger les classes moyennes", et en finir avec la liberté totale des bénéficiaires pour réserver une partie de l'enveloppe aux réservations de spectacles vivants.
Pour corriger cette situation, la Cour suggère de flécher l'enveloppe à partir de critères sociaux ou du quotient familial pour limiter un "effet d'aubaine" profitant aux jeunes disposant déjà d'un capital culturel ou financier élevé.
La société SAS Pass Culture, qui gère le dispositif, devrait également être transformée en opérateur de l'Etat, selon l'institution.