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Syrie: à Maaret al-Noomane, faire revivre la ville martyre au plus vite

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Bilal Al-Rihani dépérissait loin de son échoppe et l'a rouverte cette semaine avec sa femme et son fils de 14 ans, sans eau ni électricité, pour y préparer ses feuilletés à la cannelle, spécialité de la famille depuis 150 ans: et malgré l'environnement dévasté, la minuscule boutique du pâtissier de 45 ans ne désemplit pas.

Chaque voiture qui passe entre les ruines s'arrête en s'annonçant à grands coups de klaxon: ses clients sont, comme Bilal, des habitants chassés par les combats, prêts à se réinstaller pour rebâtir leurs maisons dévastées.

"Je fais de bien meilleures affaires ici que dans le camp (où il était déplacé, NDLR)!", assure le pâtissier. "Cette rue était la plus commerçante et animée de la ville, jour et nuit", ajoute-t-il en désignant l'artère crevassée.

- Axe stratégique -

Située pour son malheur sur l'axe stratégique de la route M5 qui relie Alep, la deuxième ville du pays située dans le nord-ouest, à Damas, la capitale, Maaret al-Noomane a été l'objet de violents combats dès 2012 entre les rebelles désormais au pouvoir et l'armée du président déchu Bachar al-Assad.

Passée sous le contrôle du groupe radical islamiste Hayat Tahrir al-Shams en 2017, qui a mené la coalition de rebelles ayant pris le pouvoir le 8 décembre dernier, elle est reprise en 2020 par l'armée syrienne appuyée par l'aviation russe, dont les bombardements massifs achèvent de pousser les derniers résidents vers les camps de déplacés d'Idleb, le fief rebelle.

La ville, assiégée par les Croisés au début du deuxième millénaire, comptait près de 100.000 habitants avant le conflit. Elle est devenue une cité fantôme, symbole de la dévastation du pays.

Les autorités n'encouragent pas encore ses anciens habitants à y retourner, par crainte des mines et de munitions non explosées cachées sous les débris et détritus. Mais les Casques blancs, qui ont toute la guerre durant assuré la sécurité civile dans les régions rebelles, sont au travail.

Ils s'apprêtent à emporter quatre corps dans des sacs mortuaires à bord de leur ambulance: "Des soldats de l'armée tués par des gens d'Assad", lâche l'un d'eux. Règlement de comptes entre perdants? Il n'en dit pas davantage.

Le conflit en Syrie, déclenché en 2011 par la répression brutale de manifestations prodémocratie, a fait plus d'un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.
Rebâtir en mieux
Au carrefour suivant, une autre équipe à bord d'un bulldozer évacue les éboulements de pierres pour dégager la chaussée.

"Ce quartier a été nettoyé et nous sommes là pour protéger les gens et leurs biens", énonce le policier Jihad Shahin, 50 ans, qui assure que "l'activité revient en ville".

"On va rebâtir mieux qu'avant", promet-il.

Mais Kifah Jaafer, responsable local de la "Direction des Zones libérées", installé dans un bâtiment datant du mandat français en Syrie, demande du temps.

"Il n'y a pas d'école, aucun des services de base. Pour le moment, on essaie de s'organiser pour aider les gens au mieux. Mais il va falloir des efforts et beaucoup d'aide, la ville manque de tout."

Kifah Jaafer a l'habitude, il gérait l'un des camps de déplacés d'Idleb avant de revenir s'occuper de sa ville, collectant les requêtes et les besoins.

A l'autre bout de la ville, Ihab al-Sayid et ses frères ne se préoccupent guère des manques et pénuries, évacuant à grandes pelletées le toit effondré de leur maison.

Ihab al-Sayid, 30 ans, a été grièvement blessé dans un bombardement russe en 2017 et a subi plusieurs opérations au cerveau pour retrouver sa mobilité, explique-t-il en préparant le café sur un réchaud à même le trottoir, son fils de quatre ans à ses côtés.

"Les gens d'ici sont des gens simples, tout ce dont on a besoin, c'est de sécurité. Nous sommes revenus depuis cinq jours pour réparer et revivre ici", assure-t-il alors qu'un froid vif tombe avec le soleil.

"On s'est débarrassé d'Assad, ça donne du courage", justifie-t-il.