Le double discours de François Bayrou, faux réconciliateur
Le nouveau Premier ministre assure être en capacité de retrouver le peuple perdu. Pourtant, il est en même temps connu pour être un partisan du « front républicain »… Le commentaire d’Ivan Rioufol.
La liesse populaire corse, qui a accueilli dimanche le pape François à Ajaccio, fait ressortir l’éloignement de la classe politique insincère. Qui imaginerait une telle ferveur pour Emmanuel Macron, par exemple ? Dès lors, se comprend mieux le choix du Souverain pontife de bouder la mondaine réouverture de Notre-Dame de Paris, avec un clergé relooké aux couleurs de Castelbajac. Là où, à Paris, la foule des chrétiens anonymes a été tenue à distance des puissants, elle a pu cette fois s’approcher au plus près du pape. Lui-même s’est d’ailleurs montré sensible à cette proximité physique avec une piété enracinée. Le Vatican et l’Église corse ont relégué le chef de l’État à un rang inusité de second rôle, lui laissant en fin de journée l’espace d’un court entretien avec François dans une salle d’aéroport.
Aveuglement
Analysant peu auparavant la crise de confiance que connait la politique, François Bayrou, tout juste nommé Premier ministre vendredi, a eu raison de déplorer « le mur de verre » qui sépare les citoyens du pouvoir. Le diagnostic, à vrai dire, n’est guère original. Il n’en reste pas moins que le biographe d’Henri IV, qui s’est donné un destin présidentiel, a promis d’œuvrer à une « réconciliation nécessaire ». La question est de savoir si son centrisme affiché, qui ne compte que 36 députés (Modem), peut accompagner la radicalisation rageuse de Macron, qui veut écarter ceux qui réclament son départ anticipé. A s’en tenir au parcours sinueux de Bayrou, soutien du chef de l’État depuis 2017 et partisan du « front républicain » contre LFI et le RN, il est permis de douter, au vu de son double discours, de sa capacité à retrouver le peuple perdu.
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Le macronisme est un canard sans tête. Et Bayrou est la perpétuation de la doctrine présidentielle, construite sur l’opposition entre progressisme et populisme. Il en partage l’aveuglement dogmatique sur les questions civilisationnelles nées du bradage de la souveraineté nationale. Derrière la nonchalante ambition du provincial, littéraire et fidèle en amitiés comme le fut François Mitterrand, se dissimule un madré pour qui sa fin personnelle importe avant tout. C’est lui qui en 2012 appela à voter François Hollande contre Nicolas Sarkozy, à qui il reprocha « sa course à l’extrême droite » et ses « obsessions » sur l’immigration et les frontières. Européiste comme Macron, il exècre « l’exaltation de la nation ».
Quel sort sera réservé à M. Retailleau ?
Dans un entretien au Figaro le 28 mars 2007, alors candidat à la présidentielle, il assurait, en dépit des faits : « Même dans la plus lointaine banlieue, on est heureux d’être français, on est républicain, on croit à la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », et aux valeurs qu’elle porte ». S’il a certes donné son parrainage à Marine Le Pen en 2022, qu’il recevra en premier ce lundi, il a avalisé le cordon sanitaire. Vendredi, lors de la passation de pouvoir avec Michel Barnier, il a dit vouloir « rendre des chances à ceux qui n’en ont pas », en mêlant ceux des « quartiers » et des « villages ». Or ces deux mondes aussi s’opposent. Henri IV, voulant mettre fin à la guerre entre catholiques et protestants, avait lancé son fameux : « Paris vaut bien une messe ! ». Le Béarnais ira-t-il jusqu’à prôner de semblables accommodements avec la charia (« La France vaut bien quelques sourates ! ») au nom de la réconciliation avec l’islamisme des banlieues ? Si Bruno Retailleau accepte de rester au ministère de l’Intérieur, comment cela semble probable, il devra se garder d’avaliser les compromissions macroniennes. Le Premier ministre en est le spécialiste.
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